IsaacHéros du jeu The Binding of Isaac
ISAAC
d’une tragédie à l’apothéose artistique
Isaac n’est autre que le héros du jeu The Binding of Isaac, un jeu indépendant datant de 2011 (qui sera complété par une extension Wrath of The Lamb en 2012), tout droit sorti de l’imagination d’Edmund McMillen qui avait déjà accouché de Super Meat Boy. Une version améliorée sous-titrée « Rebirth » sort le 4 Novembre 2014. Doté d’un chara-design ultra simpliste, au point qu’on pourrait penser qu’il a été dessiné par un enfant de maternelle, on éprouve rapidement de la compassion, voire de la tristesse pour ce jeune garçon victime d’une tragédie familiale, mais aussi de la frustration tant le jeu est hardcore et parfois avare en explications scénaristiques (explicitement tout du moins).
UNE TRAGÉDIE BIBLIQUE
Isaac est un enfant comme les autres. Comme tous les enfants de son âge, il s’amuse avec ses jouets pendant que sa mère, obèse et souriante, s’abreuve de la parole chrétienne en regardant une émission religieuse. Mais voilà, ce joli tableau se devait d’être sali et ce par Dieu en personne.
En effet, la douce Maman se met à entendre les voix du Seigneur qui lui ordonne d’éloigner Isaac de ses jouets et du monde extérieur pour le sauver du Malin. Elle s’accomplit et enferme son fils, nu, dans sa chambre sans rien d’autre que du papier et des crayons.
Le temps passe et les voix célestes se font entendre à nouveau auprès de la génitrice. Cette fois, Dieu est clair, il faut qu’elle sacrifie son fils Isaac, habité par le diable lui-même, pour accomplir les volontés du Créateur. Et puisque les voies du Seigneur sont impénétrables et que notre chère Mère a le cerveau rempli d’absurdités médiatiques, elle s’arme de son meilleur couteau de cuisine et déboule tel un Jack Nicholson en furie dans Shining dans la pièce où réside Isaac.
Paniqué, celui-ci se souvient d’une trappe cachée sous un tapis. Ayant peu de temps et surtout, peu de choix, notre agneau s’égare dans les caves de sa maison ou plutôt dans les méandres de son inconscient.
LA PSYCHOLOGIE SELON MCMILLEN
Puisque c’est bien là une psychanalyse d’un enfant troublé que nous propose Monsieur McMillen, qui a choisi un thème bien peu exploité : celui de la religion avec un épisode de la bible, à savoir le sacrifice d’Isaac, fils d’Abraham.
Aux premiers abords, on est face à des monstres glauques et malsains et à des environnements peu accueillants presque communs aux jeux vidéo du genre (zombies, corps décapités, araignées,…) mais bien vite, on sent que quelque chose ne tourne pas rond. Il va falloir faire abstraction de toutes vos valeurs en s’intéressant à Isaac. Du délire scatophile aux sexes féminins planants en passant par les tas d’organes, on aura tôt fait de faire un tour de l’anatomie du corps humain avant d’interférer avec l’esprit. Aussi, toutes ces créatures étranges ne sont que l’interprétation des peurs et des interrogations que peut se poser un enfant de cet âge : la sexualité, la mort, l’amour mais aussi des peurs plus primaires comme le noir ou les insectes.
Isaac ne possède que deux armes : ses larmes et son imagination. La première peut s’améliorer avec divers objets tout droit sortis de la deuxième. Le souci, c’est que comme énoncé précédemment, tout le jeu est basé sur l’inconscient du héros et donc son imagination se retournera bien vite contre lui. Celle-ci s’abreuve d’ailleurs dans la réalité : jouets, habits de la mère, animaux, etc. Et on s’étonnera bien souvent de la manière bien particulière qu’a Isaac de s’équiper de ces différents objets et des effets qu’ils auront.
SAVOIR LIRE ENTRE LES LIGNES
Au fur et à mesure de sa mésaventure, Isaac sera confronté à sa mère, interprétée graphiquement par des cuisses et des bras recouverts de gras et des yeux injectés de sang. Après une cinématique de fin où Isaac remporte la victoire, on se rend compte que tout cela n’était que des dessins faits par l’enfant et que les choses sérieuses commencent quand sa mère entre vraiment dans sa chambre. Une mise en abîme bien mieux maîtrisée que celle de Super Mario Bros 2 (ou Doki Doki Panic pour les intimes).
Une seconde descente aux enfers commence. Elle se terminera dans l’utérus maternel où le combat final se fera contre un cœur dont la seule volonté est de nous exterminer.
Plus on accumule les heures de jeu, plus on acquiert une expérience et une satisfaction malsaine à éradiquer les boss qui quelques parties auparavant nous paraissaient invincibles.
Et c’est lors des ultimes affrontements contre Satan ou encore contre nous-même (que ce soit sous forme humaine dans une cathédrale illuminée, ou contre notre embryon dans le ventre de notre mère) voire contre notre propre cadavre (le Blue Baby) qu’on se rend compte de l’ampleur de la déroute d’Isaac. De la même manière, chaque personnage disponible, qui au premier abord semblent être les frères et sœurs d’Isaac, ne sont qu’en fait qu’Isaac seul qui se déguise, Magdalene étant sa sœur défunte. Il finira même, d’après certaines interprétations et une cinématique peu explicite, par se suicider après s’être persuadé de sa possession par le Malin.
ISAAC : SATAN OU L’UNE DE SES VICTIMES ?
Isaac n’est finalement qu’un enfant contre qui le destin s’est acharné : abandonné par son père, premier enfant après la mort prématurée de sa sœur aînée, maltraité par ses camarades, victime de la détresse d’une mère qui n’aura su se réfugier que dans des dogmes douteux prêchés par la télévision (rappelant presque une autre mère, mais du film Requiem For A Dream cette fois), on finit par éprouver pour ce jeune héros malgré lui un sentiment bien étrange, grâce à une catharsis qui nous surprend là où on ne l’attendait pas forcément : dans un jeu vidéo.