Andrew RyanCréateur de Rapture

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ANDREW RYANCréateur de Rapture


 

Créateur de Rapture et homme d’affaire, Andrew Ryan est un des principaux antagonistes de Bioshock premier du nom. Il a la particularité d’être omniprésent pour le joueur malgré son absence physique durant la quasi-totalité du jeu. Des enregistrements audio disséminés dans la cité sous-marine – présents dans les deux premiers Bioshock – permettent en effet le déroulement de l’intrigue, et, par la même occasion, de l’histoire et des intentions du personnage.

 

LES ORIGINES DU VISIONNAIRE ET DE SA PHILOSOPHIE

Andrew Ryan.

Andrew Ryan.

Andrew Ryan est né en 1892 dans un petit village proche de Minsk, en Russie, sous le nom d’Andrei Ryanovski. En 1917, il est témoin de la violente Révolution qui secoue l’Empire russe, et voit toute sa famille se faire assassiner par des agents de l’Etat. Les événements vécus dans son pays d’origine façonnèrent la base de sa philosophie objectiviste. Ryan est en effet convaincu que le monde moderne est le fruit de grands hommes qui ont tout donné pour matérialiser leurs rêves, et que quelques « parasites » – souvent des hommes politiques – suffisent à renverser ce monde. Il fuit son pays d’origine pour rejoindre l’Angleterre et intégrer par la suite l’Université d’Oxford, pour finalement émigrer aux États-Unis en 1919, changeant son nom en Andrew Ryan.

Ayn Rand.

Ayn Rand.

Ces premières informations quant aux origines d’Andrew Ryan permettent d’établir le premier lien avec celle qui a été la principale source d’inspiration pour le personnage : Ayn Rand. Ayn Rand est une femme d’origine russe ayant émigré aux États-Unis après la Révolution, tout comme Ryan. Née en 1905 et arrivée à New York en 1926, Ayn Rand est donc contemporaine de Andrew Ryan. Mais les similitudes ne s’arrêtent pas là. Tout d’abord, Andrew Ryan est une semi-anagramme formée à partir du nom d’Ayn Rand. De plus, la philosophie que l’on retrouve à travers le personnage de Ryan est issue de la philosophie objectiviste, ainsi nommée par l’écrivaine. Si Ayn Rand est peu connue sur le vieux continent, elle est cependant célèbre au Nouveau Monde, où ses romans figurent parmi les plus vendus.

UN CAPITALISTE DÉÇU PAR L’AMÉRIQUE

L’Amérique était pour Ryan le lieu où tout homme décidé à réussir devait se trouver. Il fonde Ryan Industries, une importante société du secteur de l’acier et de l’armement. Pendant un temps totalement dévoué à son pays d’adoption, pays qui lui a permis, sur la seule base de son intelligence et de sa volonté, de devenir un self-made man exemplaire, Ryan verra néanmoins ses espoirs s’envoler rapidement. En effet, le plus jeune milliardaire du monde, selon un titre donné par « Life Magazine » en 1932, ne supportera pas la politique sociale des Etats-Unis des années 30, issue du keynésianisme. Pour lui, on ne mérite de posséder que ce que l’on gagne, et bénéficier du travail des autres sans y contribuer relève du « parasitage ».

Ce capitalisme individualiste et ce libertarianisme prônant le mérite, la raison et l’ «égoïsme rationnel » sont tous deux le fruit d’Ayn Rand. Considérée comme la théoricienne de ces deux concepts, elle est profondément marquée par sa jeunesse en Russie, et s’affiche comme une anti-communiste radicale. L’ensemble de ces points sont bien entendu communs avec l’histoire et le caractère d’Andrew Ryan. Ce dernier a néanmoins sa propre philosophie économique, la Grande Chaîne de l’industrie, qui, semblable à la métaphore d’Adam Smith nommé la « main invisible du marché », représente chaque maillon de la société comme liés entre eux par un lien intangible d’inter-relations économiques.

Le tempérament et la force des convictions d’Andrew Ryan peuvent être illustrés par une affaire l’opposant à l’Etat : propriétaire d’une forêt que le gouvernement souhaitait nationaliser dans le but d’en faire un parc, il la brûla entièrement avant de s’en séparer afin que les « parasites » ne profitent pas de ce qui lui appartenait. La réelle rupture se fait lors du largage de la bombe atomique sur Hiroshima. Ryan voit en cet acte la souillure ultime de ses idéaux, les « parasites » exploitant la science pour détruire ce qu’ils ne pouvaient acquérir.

LA CONCRÉTISATION D’UNE UTOPIE

Rapture, l'impensable cité sous-marine.

Rapture, l’impensable cité sous-marine.

En réponse, Ryan use de sa fortune pour concevoir Rapture. Sous le couvert de l’entreprise Warden Yarn (une anagramme de son nom), il entreprend la construction de cette ville. Censée exprimer les idéaux de son concepteur, Rapture doit rester à l’abri des « parasites ». Pour ce faire, Ryan choisit comme emplacement les profondeurs de l’Océan Atlantique. Pour peupler sa cité, Andrew Ryan invite quelques milliers de personnes parmi les plus grands et les plus brillants de ce monde, afin de créer une communauté où « l’artiste ne craindrait pas les foudres du censeur, où le scientifique ne serait pas inhibé par une éthique aussi artificielle que vaine, où le Grand ne serait plus humilié par le Petit ». En bon mégalomane, Andrew Ryan n’oublie pas sa propre personne et institue un culte de la personnalité, se proclamant héros de Rapture. À l’achèvement de la création de Rapture, Ryan n’a que 35 ans.

Dans un premier temps, l’utopie telle que l’avait rêvée Ryan prend forme, et sa ville prospère comme il l’avait prévu. Un véritable culte de l’entreprenariat est né à Rapture, porté par ses citoyens extraordinaires, et des avancées scientifiques majeures ont lieu, favorisées par l’absence de toute éthique freinant les recherches. Parmi ces découvertes majeures, une sort particulièrement du lot, celle de l’ADAM – une forme de cellules souches instables permettant de remplacer des cellules par d’autres afin d’obtenir des capacités surnaturelles – par le docteur Brigid Tenenbaum. Notons la proximité entre le nom de cette dernière et le nom de naissance d’Ayn Rand, Rosenbaum. De plus, il est sous-entendu que le docteur Tenenbaum était d’ascendance juive – elle a été maintenue en camp de concentration, ce qui est le cas de la philosophe.

Extrait d'un spot publicitaire pour les plasmides.

Extrait d’un spot publicitaire pour les plasmides.

Ainsi, de 1946 à 1958, Rapture jouit d’une politique sociale stable et forte, encouragée par une économie en constante progression. Avec une Rapture à son apogée, la position de Ryan et de ses principaux partisans – comme Sander Cohen à la Forteresse Folâtre ou encore J.S. Steinman au Pavillion Medical, Carlson Fiddle, engagé par Andrew Ryan, entame la construction du Parc d’agrément Ryan, un parc d’attractions destiné à servir d’outil de propagande pour la jeunesse Rapturienne. Ryan s’occupe personnellement d’enregistrer les messages accompagnant les attractions et les animatroniques. Le but principal de ce parc est d’éviter que cette jeunesse souhaite retourner à la surface, en l’exposant comme un lieu terrible et menaçant. Les plasmides – produits populaires offrant des pouvoirs surnaturels fabriqués grâce à l’ADAM – sont mis à l’honneur dans le parc, avec des attractions permettant de les utiliser.

UN ENNEMI DE TAILLE

Fontaine lorsque le joueur le rencontre.

Fontaine lorsque le joueur le rencontre.

Les plasmides mirent du temps avant de se trouver une place chez les citoyens de Rapture, mais également chez Ryan lui-même. En effet, ce dernier ne réussit pas à comprendre ce qu’implique l’apparition des produits à base d’ADAM dans la culture populaire, ce qui permet la montée en puissance d’un homme : Frank Fontaine. Andrew Ryan a négligé un détail : la liberté, la richesse et le confort ne suffisent pas à certains, qui ne convoitent rien d’autre que le pouvoir.

La politique d’Andrew Ryan ayant créé une société de haut-niveau, tant culturellement qu’intellectuellement, le nombre de laissés pour compte commence à augmenter. Fontaine profite de cette occasion pour créer une fondation destinée à aider les défavorisés. Dans le même temps, une psychologiste altruiste nommée Sofia Lamb – invitée par Ryan afin d’aider la population à s’habituer à l’isolation de Rapture – s’exprime ouvertement contre les opinions du fondateur de la cité sous-marine, remportant généralement les débats publics contre ce dernier. Afin de faire taire cette menace et d’endiguer le mouvement de soutien aux idéaux de Sofia Lamb qui s’est créé, il la fait enfermer.

Chaque tentative de Ryan pour confirmer l’isolement de Rapture de la surface et endiguer la contrebande se solde par un renforcement de cette dernière. Frank Fontaine, ancien gangster de la surface et important propriétaire dans le secteur de la pêche, profite de ses capacités et de son expérience pour prendre la tête du marché noir. Grâce aux fonds acquis par la contrebande, Fontaine lance un programme de recherche sur d’étranges limaces aquatiques, mené par le Docteur Brigid Tenenbaum. Ces limaces, capables de récolter et de transformer l’ADAM, font de lui le principal fournisseur de cette substance.

Si Ryan est fier de Fontaine et de sa montée en puissance dans un premier temps, prouvant ses théories sur la volonté de réussir, il finit par découvrir la nature criminelle de ses activités. Frank Fontaine apparaît alors à Andrew Ryan comme une menace, tout d’abord car ses agissements risquent de révéler l’existence de Rapture à la surface, mais aussi car il redoute sa popularité croissante. Grâce à une propagande rondement menée, Fontaine peut, en moins de trois ans, contester publiquement la position d’Andrew Ryan.

Une affiche représentant Atlas comme "la voix du peuple".

Une affiche représentant Atlas comme « la voix du peuple ».

La frustration née de cette situation est très importante pour Ryan, et il commence à user de méthodes discutables pour arrêter les criminels. Il fait passer une loi très impopulaire déclarant la contrebande comme trahison et punissable de mort. Peu de temps après, en 1956, Andrew Ryan met Jasmine Jolene, sa maîtresse, enceinte sans le savoir. Frank Fontaine en est mis au courant, et rachète l’embryon, sachant que les dispositifs de sécurité de Rapture sont cryptés et que l’ADN de Ryan en est la clé. Afin de se débarrasser de Fontaine, ce dernier envoie des hommes dans le but de le tuer. Réussissant à se faire passer pour mort, Fontaine se cache et prend l’identité d’Atlas. Il continue à prendre en pouvoir et en popularité en aidant les nécessiteux et les classes les plus basses de la société. Le nom d’Atlas est une nouvelle référence à Ayn Rand, et plus précisément à son livre intitulé La Révolte d’Atlas. Après la mort apparente de Fontaine, Ryan nationalise Fontaine Futuritics, ce qui est interprété par beaucoup comme une trahison de ses propres principes.

LA GUERRE CIVLE ÉCLATE, RYAN SOMBRE

Frank Fontaine, toujours dissimulé sous le pseudonyme Atlas, organise une rébellion dans l’ombre. Lors du Nouvel An 1958, un groupe de révolutionnaires attaquent le restaurant Kashmir, là où Ryan aurait dû se trouver s’il n’avait pas été absent à cause d’un surplus de travail. Cet incident est connu comme la première action de la Guerre Civile de Rapture. Suite à cela, une véritable guerre s’engage entre le fondateur de Rapture et Atlas, qui entraîne la ruine de la ville et la mort d’un grand nombre de citoyens de Rapture. Malgré les espoirs d’une partie de la population, Ryan refuse de négocier avec les « parasites » et les meurtriers.

Les mesures de guerre prises par Andrew Ryan sont très impopulaires, au point que la plupart de ses plus fervents partisans se retournent contre lui. Il doit ainsi faire face à au moins trois tentatives d’assassinat, et garde les corps de ses agresseurs, placés sur le mur extérieur de son bureau, comme avertissement pour ses ennemis. La trahison suprême de Ryan envers sa philosophie a lieu lorsqu’il accepte une proposition du Dr. Yi Suchong : modifier la structure des plasmides afin de contrôler les citoyens grâce à la suggestion mentale, les privant par la même occasion de leur libre-arbitre.

Jack, fils d'Andrew Ryan.

Jack, fils d’Andrew Ryan.

Cette dernière mesure permet à Ryan de distancer largement Atlas, dont la cause est dorénavant perdue. La situation étant désespérée, et se retrouvant quasiment seul à ne pas être manipulé par Andrew Ryan, il est forcé d’utiliser son joker. Ce dernier est le fils illégitime de Ryan, Jack, que le joueur incarne dans le premier Bioshock, et qu’Atlas contrôle grâce à un conditionnement mental mis en place avant de l’expédier à la surface, au début de la Révolution.

Jack est donc rappelé par le meneur de la rébellion afin de l’aider dans sa quête. Ryan, se rendant rapidement compte que Jack est son fils (il peut utiliser la batysphère et les cellules de résurrection cryptées avec son ADN), tente de le stopper par tous les moyens et ralentit sa progression. Cependant, alors que Jack se rapproche de son père, ce dernier désactive son dispositif de résurrection – la Vita chambre – et accepte la mort qui lui est offerte, conscient d’être devenu un de ceux qu’il déteste par dessus tout, libérant par la même occasion Jack de son conditionnement mental en lui dévoilant ses origines et le mot clé utilisé par Atlas : « je vous prie ».

LA CONCEPTION DU PERSONNAGE

L'inspiration Art Deco est clairement visible dans Rapture.

L’inspiration Art Deco est clairement visible dans Rapture.

Andrew Ryan a été conçu pour être un personnage d’idéal, contrairement à son ennemi, et deuxième antagoniste du premier Bioshock, Frank Fontaine. Selon Ken Levine, responsable de la création de Bioshock, le combat opposant Ryan et son fils fut un vrai problème pour les développeurs, car il définissait la motivation du joueur – et de Jack – à ce niveau du jeu. Andrew Ryan ne pouvait se suicider pour éviter à son fils d’avoir à le tuer, Levine décrivant cela comme « l’insulte ultime ». Ce passage et sa mise en scène prirent un temps considérable lors du développement.

Le concept du personnage d’Andrew Ryan est venu après celui de Rapture. En effet, Levine avait imaginé une utopie que les créateurs voulaient cacher au monde extérieur. C’est à partir de cela que fut créé Ryan, et avec lui toute sa vision pseudo-objectiviste et ultra-capitaliste et égoïste du monde. Cette philosophie vient de l’Art Deco, Levine citant la phrase « Oui, nous sommes des hommes, et nous contrôlons l’univers ! » On retrouve bien entendu cette inspiration dans le style général de la cité sous-marine.

Booker DeWitt, protagoniste et antagoniste de Bioshock Infinite.

Booker DeWitt, protagoniste et antagoniste de Bioshock Infinite.

Ken Levine considère son personnage comme un mix entre plusieurs figures historiques, comme Ayn Rand ou encore Howard Hughes, un homme d’affaires aux multiples activités, connu pour son excentricité. Les actions de ce dernier sont fortement inspirées du personnage de John Galt dans La Révolte d’Atlas, bien que le résultat de leurs actions soit radicalement différent. Le personnage d’Ellis Wyatt, issu du même roman, a également été une source d’inspiration, notamment concernant l’anecdote de la forêt que Ryan a brûlée, renvoyant à des champs de pétrole qu’Ellis Wyatt a brûlés pour les mêmes raisons.

Andrew Ryan est également une personnalité parallèle de Booker DeWitt – protagoniste de Bioshock Infinite – ou en tout cas un membre de sa famille, puisque ce dernier est capable d’utiliser la batysphère de Rapture lorsqu’il s’y rend en compagnie d’Elisabeth, sa fille.