Ganondorf DragmireSeigneur du Malin originaire de la série The Legend of Zelda
GANONDORF
Le Mal aux traits porcins
Si Link est l’un des plus grands héros du jeu vidéo, il lui fallait un ennemi à sa mesure. Ganondorf est le mal incarné qui sera toujours intimement lié au guerrier vert et à la Princesse Zelda. L’ombre menaçante qui plane toujours au dessus d’Hyrule ne risque pas de faire du kart avec Link comme une certaine tortue et son ami plombier.
LA HAINE SOUS TOUTES SES FORMES
Quand il s’agit de présenter ce personnage, il convient tout d’abord de parler de la distinction entre Ganon et Ganondorf Dragmire. Ce dernier est la forme humaine tandis que Ganon est la forme monstrueuse et sauvage qu’il adopte. Quel que soit son aspect, il s’agit d’un être irrémédiablement mauvais et dont la soif de pouvoir est inextinguible. Il incarne la puissance absolue et implacable ce qui s’explique simplement par ses origines. Dans les temps anciens, le premier Link bat l’Avatar du Néant, un démon qui, dans son dernier souffle, maudit les descendants de Link, les condamnant à affronter sa haine dans un cycle sans fin. Cette malédiction se matérialise des siècles ou des millénaires plus tard lorsque la tribu du désert, les Gerudos, voit naître un homme ce qui n’arrive que tous les cent ans et permet au nouveau né d’être le Roi des Gerudos. Ganondorf a ainsi les mêmes attributs physiques que ses semblables avec sa peau sombre et ses cheveux roux, similaires à ceux de Din, la Déesse de la Force. Sous sa forme bestiale, les traits humanoïdes de Ganondorf laissent leur place aux traits porcins de Ganon. C’est cette forme qui varie le plus entre les jeux. La version la plus classique le montre en cochon géant anthropomorphe en armure qui se tient sur ses deux pattes arrières. À l’inverse, la version de Twilight Princess, reprise par la série Smash Bros. et Hyrule Warriors, embrasse totalement le côté animal de Ganon en le débarrassant des armes qu’il peut tenir telles que les épées ou le trident mais aussi de ses vêtements alors qu’il est à quatre pattes.
Peu importe son apparence, il reste une entité caractérisée par sa puissance puisque même sans sa Triforce de la Force, le Gerudo est reconnu comme l’homme le plus fort d’Hyrule. Il est à la fois un guerrier accompli capable de combattre avec une ou deux épées mais également à mains nues. Son physique imposant (2 mètres 30 dans Ocarina of Time) ne l’empêche pourtant pas d’être rapide et agile qui restent des qualités importantes chez celui qui est le Roi des Voleurs. Comme si cela ne suffisait pas, il est aussi un grand sorcier que même les trois Déesses ne peuvent totalement arrêter. C’est pourtant grâce à leur aide que Link est capable de vaincre son ennemi qui pourrait sembler invulnérable puisque les seules attaques pouvant le blesser sont celles infligées avec des armes sacrées ou ses propres attaques quand elles lui sont renvoyées. Son charisme lui permet de séduire de nombreuses créatures qui deviennent ses serviteurs, le mettant à la tête d’une grande armée qu’il méprise car ses membres lui sont bien inférieurs. Parmi ses célèbres lieutenants, on retrouve Agahnim, aperçu dans A Link To The Past qui pourrait être simplement une manifestation de Ganondorf qui parle de lui comme son « alter-ego ». Il est également probable qu’il s’agisse, tout comme Xanto de Twilight Princess, d’une personne corrompue par la puissance maléfique du sorcier qui a prouvé à maintes reprises qu’il était capable d’empoisonner des dimensions sacrées. Il a été élevé par les sorcières Koume et Kotake ce qui pourrait expliquer en partie son comportement et sa maîtrise de la magie.
Il y a pourtant une dimension tragique dans le personnage. Fruit d’une malédiction et obligé de régner sur les Gerudos, Ganondorf Dragmire est aussi enfermé dans sa destinée comme peuvent l’être les différents Link et Zelda. Les jeux les plus récents sont plus ambigus sur son statut de méchant. S’il éprouve du ressentiment à vivre dans le désert alors que les Hyliens vivent dans la paix et l’opulence, il est légitimement possible de se demander s’il inclut son peuple ou s’il ne pense qu’à lui-même. L’autre malheur de Ganondorf est son éternelle insatisfaction. Il veut toujours plus, à l’image de son comportement dans Ocarina of Time. Il règne enfin sur Hyrule et possède la Triforce du Pouvoir mais dans l’espoir de récupérer les autres parties de la Triforce, il laisse Link et Zelda libérer les temples et venir à lui, ce qui bien sûr le mène à sa perte. Il a beau conquérir des dimensions sacrées, il ne s’arrête pas pour autant. La Princesse Zelda exprime elle-même de la pitié pour lui qui ne possède pas l’équilibre entre la puissance, le courage et la sagesse pour contrôler l’artefact divin. C’est souvent la sagesse qui lui fait défaut à cause de son impatience et ses excès de colère. En dehors des jeux, Ganondorf a aussi souffert des changements de noms puisque, suite à une erreur, il s’est retrouvé parfois avec l’orthographe « Gannon » que ce soit dans les deux premiers épisodes et même dans A Link To The Past avec la « Tour de Gannon ». Il s’agit cependant bien d’une erreur qui a été corrigée dans les rééditions des jeux et n’apparaît pas dans les livrets. En revanche, le livret américain de A Link To The Past donne un nom de famille au personnage qui s’appellerait donc Ganondorf Dragmire, connu sous le nom de règne « Mandrag Ganon ». Malgré cela, le fait qu’ils n’apparaissent pas dans les jeux ou même dans la version japonaise du manuel, peuvent laisser considérer que ces noms ne sont pas canoniques.
UN MAL NÉCESSAIRE
Alors qu’il travaille déjà sur un certain Super Mario Bros., Shigeru Miyamoto se voit chargé par Nintendo de créer un titre utilisant les capacités du périphérique Disk System de la FamiCom. Très occupé, Miyamoto n’a pas vraiment l’idée de la saga Zelda en tête et conçoit ainsi un projet très différent de ce que l’on connaît aujourd’hui. Pour tirer profit de l’utilisation de disquettes, les joueurs sont donc mis à contribution pour générer du contenu. Le logiciel proposé permet à deux joueurs de créer chacun de leur côté un donjon avant d’explorer celui de l’autre. Si la partie création peine à séduire, le succès de l’exploration pousse l’équipe à se concentrer sur cette partie et à développer un monde extérieur. En peuplant cet univers, Miyamoto veut rester dans le classique avec un héros représentant le joueur, une belle princesse à sauver et un méchant monstre très très méchant.
L’idée n’est par conséquent pas vraiment éloignée de celle de Super Mario Bros., développé en parallèle, avec sa Princesse Peach et son terrible Bowser. Miyamoto se sert de la même base pour ses deux antagonistes, le “Roi taureau démoniaque” inspiré du dessin animé Alakazam, le petit Hercule et de son personnage Gyûmaô. Les deux concepts s’écartent petit à petit pour que l’un se rapproche de la tortue tandis que l’autre évolue en porc. Dans le roman chinois Le Voyage en Occident dont le dessin animé est l’adaptation, l’un des héros, Son Gokû, a pour rival Cho Hakkai, un monstre mi-homme mi-cochon banni pour son mauvais comportement, sujet à la jalousie et à la soif de pouvoir. Dans certains documents de travail, Ganon est désigné par le nom de Hakkai et ses pires traits semblent commun avec le personnage. Pour Miyamoto, l’antagoniste n’a pas besoin d’être développé, il s’agit du méchant et c’est tout.
Ce n’est que lors de la production du troisième épisode, A Link To the Past, et de l’arrivée de Kensuke Tanabe au scénario que des bribes du passé de Ganon surgissent. On y apprend en effet qu’il s’agissait à la base d’un voleur du nom de Ganondorf. Le but de ce jeu était de servir de préquelle aux deux Zelda déjà sortis. Cependant, en évoquant cette origine humaine et la Guerre de l’Emprisonnement par les sages, le besoin d’une autre préquelle pour A Link To The Past se fait ressentir, c’est ainsi que naît Ocarina of Time qui reprend également les noms des villes de Zelda II pour les sages. En ce qui concerne l’antagoniste, Miyamoto n’est toujours pas intéressé et c’est le Character Designer, Satoru Takizawa, qui décide de s’occuper du personnage. Dans un premier temps, il imagine juste Ganondorf comme un voleur cruel mais le scripte Toru Osawa préfère laisser planer le doute en faisant du personnage un être principalement arrogant. Même si cela ne se voit pas au final, la référence pour l’équipe était Christophe Lambert lors de la production.
DES LUTTES MILLÉNAIRES
A la différence de Link ou de Zelda, Ganondorf est la même personne lors de chaque jeu et non une réincarnation. Bien que la continuité de la série ne soit pas parfaite, il est intéressant de se pencher sur les différences entre chaque version du personnage pour apercevoir une évolution dans son comportement. Il faut donc établir la chronologie de la saga ce qui n’est pas chose aisée. Historiquement, le tout premier épisode est Skyward Sword qui établit la malédiction que sera Ganondorf sur les descendants de Link et de Zelda. S’il y a d’autres jeux entre celui-là et Ocarina of Time, le premier jeu Nintendo 64 marque bien l’apparition du personnage. Peu après sa naissance, Ganondorf est un être puissant mais naïf. Il est en effet persuadé de sa toute puissance et ne doute pas un seul instant de sa victoire. Lorsque Link est enfant, le Gerudo a bien apporté le malheur à Hyrule mais il n’a pas obtenu les Pierres Ancestrales. Au lieu de les prendre par la force, il préfère obliger les gardiens à se rendre par désespoir ce qui prouve qu’il est à la fois calculateur et sadique. Il voit la quête de Link comme un amusement, n’essayant jamais activement de l’arrêter puisqu’il est facilement manipulable et qu’en combat, Ganondorf ne se voit absolument pas perdre contre celui qu’il traite pendant tout le jeu comme un gamin et qualifie son arsenal de « jouets ». De ce combat final découlent les trois lignes temporelles que la saga comporte. Dans la première où se situe les premiers épisodes, Ganon a écrasé Link et, ivre de pouvoir, il décide d’adopter définitivement sa forme bestiale. Ne trouvant aucun recourt, les Sages n’ont pas d’autre choix que d’emprisonner le monstre dans le Royaume Sacré qui, corrompu, deviendra le Monde des Ténèbres de A Link To The Past. Dans cette ligne temporelle, Ganondorf a abandonné toute son humanité.
Dans la seconde timeline, Link est revenu dans le temps après avoir vaincu Ganon. Il revient au moment exact de sa première rencontre avec la Princesse Zelda et la prévient du plan de Ganondorf. Elle lui confie ainsi l’Ocarina du Temps qu’il devra toute sa vie tenir loin de Ganondorf. Ganondorf n’a donc jamais affronté Link et n’a jamais accédé à la Triforce. Pire encore, il est condamné à l’exécution pour avoir voulu renverser le pouvoir du Roi d’Hyrule, sa colère et sa vanité l’ayant mené à sa capture. Les Sages n’arrivent cependant pas à le tuer et, déboussolés par le meurtre du Sage de l’Eau, ils parviennent seulement à l’envoyer dans le Royaume de la Lumière qui, une fois de plus, deviendra le Royaume du Crépuscule suite à la corruption du Seigneur du Malin. Le Ganondorf de Twilight Princess est donc un Ganondorf en armure qui attend toujours son grand combat contre Link qui, lui-même, se lamente du fait que ses exploits aient été oubliés. Chose qui est réparée avec les évènements de Twilight Princess et suite à sa défaite, le Gerudo est abandonné par la Triforce du Pouvoir, le privant de tout espoir de régner sur Hyrule. Il meurt donc dans l’anonymat sans qu’aucun de ses serviteurs ne le fasse revenir à la vie. C’est ici que Four Swords Adventure prend son importance puisque la tribu des Gerudos voit naître un autre Ganondorf, prouvant ainsi que comme Link et Zelda, il est capable de se réincarner et ne pourra donc jamais être réellement vaincu.
Dans la dernière ligne temporelle, la fin d’Ocarina of Time est celle connue des joueurs. Cependant, comme toujours, les sceaux ne tiennent jamais très longtemps et Ganondorf revient dans une ère qui n’a pas de réincarnation de Link. Le Roi Daphnès Nohansen Hyrule implore donc l’aide des Dieux qui, impuissants face à Ganondorf, décident d’inonder Hyrule pour sceller une fois de plus le Gerudo. Il parvient encore une fois à se libérer mais il semble avoir retenu sa leçon. Il adopte une posture plus monarchique et abandonne son apparence de voleur mais également celle de guerrier. Sa première action est d’attaquer les Temples et tuer leurs Sages pour éviter à la fois d’être de nouveau banni et de leur laisser donner de la puissance à la Master Sword. Il cherche ensuite la Princesse Zelda, convaincu du danger qu’elle peut représenter avec sa Triforce de la Sagesse. Le Ganondorf de Wind Waker et celui de Twilight Princess ont le même âge, ce qui explique leur plus grande maturité face à celui d’Ocarina of Time. Celui de l’épisode aquatique explique même ses motivations. Destiné à régner sur le peuple Gerudo qui vit dans le désert, Ganondorf ne supportait plus le vent du désert qui apportait la mort et enviait le vent paisible d’Hyrule. Il fait donc tout pour faire revenir le continent d’antan puisque, atteint de mélancolie, ce dernier lui manque. Il s’agit donc d’une version tragique du personnage qui perd la raison en voyant son plan de plusieurs siècles s’écrouler devant lui.
GANON DANS LE NON-CANON
Vu l’importance du personnage dans la série, Ganondorf tient bien évidemment une place de choix dans toutes les œuvres liées à Zelda. On peut ainsi le retrouver dans le très oubliable dessin animé américain The Legend of Zelda de 1989 où il tient la place du méchant très très méchant et très très ridicule. Heureusement, le personnage a connu un meilleur traitement dans les adaptations des jeux en manga. Il devient jouable pour la première fois dans un jeu Zelda à l’occasion d’Hyrule Warriors qui reprend l’univers de la série avec le gameplay des Dynasty Warriors. Comme toujours avec lui, il s’avère être le vrai antagoniste du jeu qui manipule Cya pour détruire le sceau qui le retient. Il est non seulement possible d’utiliser Ganondorf mais également obligatoire de le faire pour terminer la campagne principale puisque l’ascension du personnage se fait de son point de vue. Si sa forme monstrueuse est présente dans le jeu, il faut attendre la sortie du troisième DLC consacré aux boss pour pouvoir jouer Ganon dans un mode spécifique créé pour l’occasion.
Miyamoto n’est pas le seul créateur qui refuse de voir le potentiel de ce personnage puisque même s’il est présent dans la série des Super Smash Bros., Masahiro Sakurai, son créateur, était un farouche opposant à son inclusion. Alors qu’il travaille sur Melee, Sakurai cherche un deuxième combattant issu de la série Zelda. Il se refuse à utiliser Zelda et Ganondorf dont il ne voit pas l’intérêt, portant surtout son attention au gameplay de ninja que Sheik peut apporter. Ayant intégré Sheik, il trouve enfin une particularité exploitable pour Zelda qui peut ainsi se transformer et offrir deux palettes de coups mais le non pour Ganondorf reste. À quelques semaines de la sortie, le casting limité devient un vrai problème pour Sakurai qui se lance donc dans la création de clones pour gonfler artificiellement le nombre de personnages. En cherchant un équivalent tout en puissance pour Captain Falcon, le Gerudo lui vient bien évidemment en premier à l’esprit mais il cherche désespérément quelqu’un d’autre. Le temps qui presse et les ressources déjà disponibles (le modèle 3D est celui de la démo technique de Zelda présentée au SpaceWorld 2000 et les voix directement prises des enregistrements d’Ocarina of Time) contraignent Sakurai à le prendre à contrecœur. Le personnage devient paradoxalement son préféré et c’est en partie pour cela qu’il reste toujours aujourd’hui inchangé.
Contrairement à son ennemi Link ou à son collègue Bowser, Ganondorf Dragmire ne s’est pas inscrit dans la culture populaire et les clins d’œil qui lui sont destinés sont beaucoup plus rares. On peut néanmoins l’apercevoir dans l’Armée du mal aux côtés de Wario et Bowser dans un épisode de South Park, Imaginationland : épisode 3, et dans l’épisode Shoe de Robot Chicken. La popularité de sa série et sa vilenie absolue qui contraste avec la majorité des autres personnages de Nintendo en ont tout de même fait un des méchants les plus iconiques du jeu vidéo.