• Développeur : Spike Chunsoft
  • Editeur : Aksys Games
  • Site Web : PAL
  • Version testée : 3DS
  • Classification :
    Sigle âge 18 ans et plus
    Francaise : 28/06/2016
    Americaine : 26/06/2016
    Japonaise : nc/nc/2016
  • Existe aussi sur PS Vita, Steam
  • PEGI :
    Violence : jeu contenant des scènes de violentesGrossièreté de langage : jeu contenant des expressions vulgaires

Zero Time Dilemma

Rédigée par

Le choix moral à toute épreuve

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Si je vous dis énigmes à relever dans des pièces closes, vous risquez de me répondre… Fort Boyard ? Si j’ajoute survie, tortures psychologiques et choix moraux nous nous rapprochons d’un Cube ou d’un Saw. Dans l’univers vidéoludique il est une licence qui transpose ces références (non, pas celle du Père Fouras) : Zero Escape. Plus que jamais, l’épisode Zero Time Dilemma met en scène les rapports humains et notamment leur capacité à coopérer ou à se réfugier dans leurs instincts les plus primaires, nous renvoyant nous, joueurs, à nos propres choix et au malin plaisir que nous pouvons éprouver face à la souffrance dans une oeuvre divertissante.

Stratégie ou confiance : comment survivre ?

Zero Time Delemma propose deux types de jeux en un. Le premier est le puzzle game, qui offre les seuls moments ludiques à proprement parler du jeu. Plutôt bien élaborées, la difficulté de ces énigmes ne demande pas de sortir d’une grande école d’ingénieur mais fait appel à notre logique et notre bon sens ! Quoi qu’il en soit, une certaine satisfaction se dégage après chaque résolution, si le manque de précision de l’écran tactile n’a pas eu raison de vos nerfs… ZTD, c’est aussi beaucoup de dialogues et le fameux « Time to decide » imposé par le tortionnaire Zero. Et c’est bien ce dernier point, le coeur même du jeu, qui nous intéresse ici : prendre des décisions en situation extrême puisqu’il est question de sa propre survie. Le drôle de petit jeu de Zero impose de faire des choix pour espérer s’en sortir vivant. Et Zero Escape n’aura jamais aussi bien porté son nom que dans cet ultime titre. Si la possibilité de s’en sortir était permise à l’ensemble des otages dans les deux premiers épisodes, seuls trois des neuf protagonistes de ZTD pourront espérer sortir vivants de ce « Decision Game ». Et ça, ça change tout.

Il est temps de se creuser les méninges.

Il est temps de se creuser les méninges.

À travers les personnages, nous sommes amenés tout au long de la partie à nous demander si nous pouvons jouer la carte de la confiance avec ses compères ou s’il ne serait pas mieux de parfaire sa stratégie. Les partenaires deviennent rapidement des concurrents : six d’entre eux vont obligatoirement périr dans cette aventure. Malgré les règles dictées par le maître des lieux,  il reste cependant une chance pour que tout ceci ne soit que du bluff, un test psychologique imaginé par un fou à lier. Alors peut être qu’unir ses forces tous ensemble pour se tirer de là est envisageable… Et si un voire même plusieurs complices de Zero se sont glissés parmi les présumés séquestrés ? Ces derniers étant séparés en trois équipes, parfois isolés les uns des autres et recevant régulièrement une dose de produit annulant de leur mémoire les 90 dernières minutes de leur vie, autant dire que le doute s’installe vite, très vite. La tension monte et la méfiance se transforme en paranoïa créant des situations encore plus dangereuses. Il n’est pas rare que la victime devienne bourreau à son tour. Bref, c’est l’habituel jeu des groupes détenus dans des espaces inconnus, sans aucun moyen d’interagir avec le monde extérieur. Certains craquent plus vite que d’autres sombrant dans la folie parfois meurtrière, d’autres se raccrochent à leur propre survie quitte à sacrifier ceux qui les entourent, quelques-uns tentent de se faire confiance… Le tout dans un climat d’incertitude et de suspicion. Les personnages s’exposent, des liens se créent, se renforcent ou se brisent. Les choix à faire pour avancer deviennent alors de plus en plus difficiles mais néanmoins nécessaires. Reste à savoir si dans le cas de ZTD, ceux-là suivront une certaine morale et humanité ou si la stratégie primera.

Zero, notre charmant hôte qui fait son entrée dans le jeu en tout début de partie.

Zero, notre charmant hôte qui fait son entrée dans le jeu en tout début de partie.

Comme a pu l’être le premier Saw (contrairement aux suivants de moins en moins inspirés et plus proches de la boucherie que du thriller horrifique), nous suivons une double intrigue, à savoir comment les personnages vont s’en sortir et de quelle(s) manière(s) le(s) concepteur(s) vont tenir leurs promesses scénaristiques. C’est à la fois toute la force et la faiblesse de ce titre signé Kotarô Uchikoshi…

 

Le choix, gage d’implication ou illusion ?

Les choix à faire en toute conscience ayant des répercussions sur la suite des événements et notamment sur la vie des personnages ; ce n’est pas une nouveauté. Nous pouvons retrouver cela dans certains RPG comme The Witcher et les jeux Telltale tels que The Wolf Almong Us ou The Walking Dead. Ces embranchements différents, s’ils sont bien ficelés, viennent nous percuter puisque c’est bien nous qui sommes a priori en possession de ce pouvoir d’influencer le déroulé de l’histoire. Dès le départ, selon la décision prise, il est même possible de finir le jeu en à peine cinq minutes (ce que j’ai fait…plutôt déroutant). Choisir peut rapidement devenir une torture car dans ZTD il est un peu plus facile de s’attacher aux personnages que dans les opus précédents. En effet, ils ont été un peu plus travaillés, avec des personnalités plus marquées. Si parfois nous sommes seuls pour décider, à d’autres occasions ce sont les autres qui tentent de nous influencer en exposant leur opinion bien tranchée.

Le fait de revenir en arrière et modifier ses choix rendent le drame beaucoup moins insoutenable

TIME TO DECIDE !

TIME TO DECIDE !

Les séquences de « Time to decide » sont aussi à l’origine du multivers, parfaitement orchestré donnant même une bonne leçon. Mais… c’est aussi ce qui réduit fortement l’impact émotionnel chez le joueur. Puisque le jeu nous donne la possibilité de circuler librement dans l’arborescence de ce scénario décousu, le fait de revenir en arrière et modifier ses choix rendent le drame beaucoup moins insoutenable que dans Virtue’s Last Reward par exemple. Pire encore, notre implication est rapidement balayée, débloquer et connaître tous les parcours et dénouements possibles devient affaire de gourmandise et finalement, nos choix deviennent forcément un peu moins personnels. Ce qui était excitant dans la possibilité de maintenir une certaine moralité ou à l’opposé de privilégier sa propre survie n’est plus tellement au rendez-vous. Nous suivons davantage depuis l’extérieur, nous observons, nous prenons ici ou là une décision, presque à froid puisque le « Time to decide » ne demande pas de répondre dans l’immédiat, coupant encore une fois l’action et le stresse que le jeu est censé nous procurer. Même si le choix a son importance pour terminer une séquence, l’action reste principalement illusoire.

Cette déconstruction du scénatio désoriente autant les personnages que le joueur. L’ordre n’ayant pas d’importance, ces réalités alternatives nous laisse la fâcheuse impression d’enchaîner les puzzles sans pour autant faire avancer la trame narrative ni la comprendre totalement.

Le plaisir et la souffrance : antimoral ?

Même s’il réussit à mettre en place un savoureux multivers, Zero Time Dilemma et plus largement la série des Zero Escape n’invente rien. Elle recuisine des recettes maintes et maintes fois reprises dans l’univers du cinéma. Ce sont les codes auxquels nous sommes habitués qui sont utilisés, comme la peur du noir ou de l’inconnu (mais qu’est-ce qu’il peut bien y avoir derrière cette porte ?). Le principe même du jeu est un hommage à un monument du genre : Saw. Des personnes se réveillent enfermées par un psychopathe leur proposant de s’en sortir grâce à des escape games, le tout enrobé d’un scénario surprenant et a priori, insoupçonnable.

Six d'entre eux doivent mourir...

Six d’entre eux doivent mourir…

L’essai peu concluant du film Cube à intégrer coûte que coûte un drame social à travers les histoires des personnages est repris ici, et même avec un certain succès malgré les stéréotypes. Des thèmes particulièrement forts se dévoilent au fur et à mesure des interactions entre les personnages, comme la violence conjugale ou encore parentale, venant percuter d’une autre manière le joueur.

Mais ZTD ce n’est pas qu’une réplique de ses inspirations volontaires (ou non) en jeu vidéo. Avec un supplément sauce nippone, le soft propose quelque chose de plus. À la fois mignon par son côté manga et très sanglant parfois, ce mélange surprenant procure un plaisir d’autant plus malsain, un peu dans la lignée des mangas Doubt et Judge. Le rouge sang est une dominante dans le dernier titre de la trilogie, avec des scènes parfois très gores.

Comment vouloir du mal à ces charmantes petites bouilles...

Comment vouloir du mal à ces charmantes petites bouilles…

Les mises en scène de la violence à la fois physique et psychologique n’est pas du goût de tout le monde et pourtant, nous sommes nombreux à apprécier ces oeuvres cruelles et parfois même traumatisantes. Mais quel plaisir de jeu peut-on avoir dans ce type d’objet de divertissement ? Avec ZTD nous retrouvons ce même plaisir de faire face à la souffrance des personnages, et plus encore, nous prenons parfois même des décisions cruciales pour eux tout en restant spectateurs du dénouement. Alors quoi, sommes-nous tous des sociopathes en herbe à éprouver du plaisir en regardant la douleur des autres, aussi fictionnelle soit-elle ? Plus qu’un rite de passage pour adolescent ou une revendication antimorale, la peur nous procure des frissons et des sensations très extrêmes. L’adrénaline ressentie provient du spectacle mais aussi de notre capacité à nous mettre à la place des acteurs ou personnages. Nous souffrons avec eux. À moins d’être carrément sado ou maso, le plaisir est aussi possible parce que nous n’y sommes pas et que nous sommes dans un cadre protecteur bien éloigné de la scène et l’environnement glauque du jeu. Également, nous éprouverons un certain soulagement lorsque la partie sera terminée. Et même si ZTD peut manquer parfois de percutant comme expliqué précédemment, l’effet défouloir causé par les ridicules litres et litres de sang expulsés à coups de tronçonneuse peut être un autre moyen d’apprécier le jeu. Qu’il s’agisse de la recherche d’émotions fortes, d’une échappatoire ou tout bonnement de l’envie de connaître le fin mot de l’histoire et le destin de ces personnages, ZTD se révèle efficace, répondant aux attentes des fans et, dans une moindre mesure, des nouveaux arrivants en quête d’un genre alors très peu en vogue sur la portable de Nintendo.

Critique et images d’illustration réalisées à partir d’une version dématérialisée fournie par l’éditeur.

L'avis général

  • Des énigmes bien pensées
  • Visuellement plutôt joli...
  • Des personnages et interactions plus approfondis
  • Un régal pour les fans à la recherche de réponses
  • Un parti pris scénaristique malin...
  • L'anglais pourrait en rebuter certains
  • ...mais des personnages rigides et des visages figés
  • Le manque de précision de l'écran tactile
  • Une bande son recyclée
  • ... mais qui rend l'expérience moins saisissante
Zero Time Dilemma (ZTD) est le troisième et dernier épisode de la trilogie des Zero Escape. Entre le visual novel et le jeu de réflexion, ZTD propose de suivre le périple de trois équipes de trois personnages dont les deux tiers sont déjà connus par les fans de la série. ZTD reprend tous les ingrédients qui ont fait le succès de ses prédécesseurs comme le suspens, l’élaboration de casse-têtes plutôt bien dosés et la violence psychologique. Mais le titre propose d’aller bien plus loin dans le gore avec ses multiples effusions de sang et renouvelle même la série avec des animations plus poussées bien que rigides et l’importance du « Time to decide ». Il se démarque également par la possibilité de naviguer librement dans les différentes scènes du jeu, un choix audacieux mais à double tranchant : d’un côté en parfaite adéquation avec le scénario mais de l’autre, ZTD est moins tortueux et immersif pour le joueur que les précédents volets. Faisant le lien chronologiquement entre 999 : Nine Hours, Nine Persons, Nine Doors et Virtue's Last Reward, ce nouvel opus est d'abord dédié à tous ceux déjà conquis par Zero Escape et qui espèrent obtenir quelques réponses sur son univers.