Objectivité et plaisir… Peut-on savourer pleinement un jeu que l’on teste ?Voxel Libre


SANS TABOU Objectivité et plaisir… Peut-on savourer pleinement un jeu que l’on teste ?
C’est une question qui semble anodine à tout un chacun, mais qui au final s’est légitiment posée en arrivant au sein de la rédaction de Culture Games. Pour suivre l’actualité vidéoludique, il est important de pouvoir tester des jeux vidéo à leur sortie, et de pouvoir en donner des éléments factuels relativement vite afin que le test ou la critique ait encore un intérêt pour le lecteur.
Le jeu vidéo, un concept transmissible
Ces jeux vidéo nous sont souvent fournis via des partenariats avec divers éditeurs et/ou développeurs, sans quoi notre passion deviendrait un gouffre financier. En contrepartie, nous disposons d’un temps limité pour exercer une critique. Comme nous ne retirons aucun bénéfice financier, la seule contrainte que nous avons est une échéance à respecter. Mais rassurez-vous, nous sommes libres de nos propos.
Cette dimension temporelle, tout comme les éléments factuels qui doivent être présentés – et sont basés sur de l’analyse technique, du gameplay, du feeling et du contexte – font qu’une critique n’est pas basée sur du jeu mais sur des concepts transmissibles, et donc intellectualisés.
Et c’est en fait là tout le travail d’équilibriste qui s’opère dans cet exercice aussi complexe que maitrisé. Il existe deux cas de figure :
- Le rédacteur se rue sur un jeu qu’il attendait depuis longtemps et le dévore comme il l’aurait fait avec n’importe quel jeu, et écrit un article relativement tôt tant sa boulimie vidéoludique était frustrée jusqu’à la sortie du jeu tant attendu.
- Le rédacteur fait la critique d’un jeu qui l’intéresse, en chamboulant ses activités habituelles pour faire de la place à ce jeu.
Le premier cas est ce dont nous rêvons tous, et ne pose aucun souci. Le second est en fait courant, et pourtant “bizarre”. Il est nécessaire de réduire le temps de jeu de manière raisonnable, car comme ce n’est pas le jeu qui bouscule tous les autres dans notre cœur, augmenter son temps de jeu quotidien n’est ni agréable, ni souhaité.
La vision du jeu
Aborder un jeu de cette manière rend la recherche de plaisir manette en mains complètement secondaire. Car, ici, l’analyse prend une place prépondérante.
Il faut analyser le contenu – sans avoir le temps de l’explorer complètement parfois -, définir un style graphique ou sonore pour le retranscrire, décortiquer un système de jeu en détails afin de souligner ses forces et faiblesses et être capable de les argumenter factuellement. Autrement dit, pousser les mécaniques de gameplay pour définir les limites du jeu, qualifier techniquement le jeu et également réussir à comparer ce dernier à ses concurrents.
Cela fait pas mal de choses à fouiller, à tel point que ce qui dirige le jeu n’est plus la recherche de plaisir mais la recherche de réponses.
Pourquoi donc peut-on éprouver du plaisir à être rédacteur et à tester des jeux si l’on ne prend plus de plaisir à jouer ? Ne manque-t-il pas alors quelque-chose à un passionné pour qu’il puisse s’adonner à cette activité ? Ironiquement, même si cette activité en elle-même ne procure plus de plaisir, celui-ci s’éprouve via des moyens détournés. Le jeu en lui-même n’est plus qu’une simple étape alors qu’il semblait en être le centre.
Le jeu n’est qu’un moyen de rassemblement
Un rédacteur se rapproche étrangement d’un compétiteur. Le compétiteur ne prend pas de plaisir à s’améliorer ou à découvrir les arcanes de ce qu’il pratique. En effet, il prend du plaisir dans la victoire. Sa récompense est réduite à la victoire, et non à la pratique. Il en est de même pour un rédacteur, le but n’étant plus de jouer mais de transmettre des informations sur le jeu. Et c’est là que se trouve sa récompense : dans la transmission. Le plaisir ne provient plus du média… il provient de la transmission de sa passion.
Et cela explique finalement bien pourquoi tous les passionnés ne peuvent pas transmettre leur passion via ce média qui est la critique d’un jeu vidéo. Il est par contre très intéressant de constater que cette forme d’écrit est parfaitement complémentaire avec un Let’s play – Jouons dans la langue de Shakespeare-, une vidéo commentée réalisée par un joueur dont l’objectif est la découverte d’un jeu vidéo. Ce format Let’s Play est plutôt adapté à des personnes tirant leur plaisir uniquement dans l’acte du jeu.
Le let’s play montre le jeu tel qu’il se présente en termes de ressenti et de feeling, là où un article se doit de décrire le jeu, et c’est pourquoi il se base sur des éléments factuels et des conceptuels transmissibles. Ce qui est transmis et les points sur lesquels chacun de ces moyens de transmissions se focalisent sont donc différents et complémentaires, tout comme une vidéo, aussi didactique soit-elle. Elle doit gérer son temps total, son rythme, la complexité du message transmis. Une critique papier se (re)lit plus facilement et permet donc d’être moins freiné par des propos complexes.
Tout ça pour quoi ?
Vouloir partager sa passion peut se faire de nombreuses façons différentes et il convient à chacun désormais de trouver celle qui lui correspond le mieux. Critique papier ? Let’s Play ? Critique Audio ? Billet d’humeur ? Alors si vous aussi vous désirez transformer une passion solitaire en partage, il y a forcément un format fait pour vous. Le monde vidéoludique est suffisamment vaste pour que chacun trouve quelque chose à apporter, pour peu qu’il y trouve une forme de plaisir !