Je fais ce que je veux avec mes jeuxVoxel Libre


JE FAIS CE QUE JE VEUX AVEC MES JEUX
Un éditeur souhaite protéger son œuvre, jusque là tout va bien. Mais que se passe-t-il quand cela se fait au détriment du joueur qui a légalement acheté son jeu ?
Comme tout ce qui touche aux produits culturels et aux droits d’auteur, la gestion des droits numériques (DRM) est une notion complexe qui demande une réflexion profonde. Ainsi, le 11 août dernier, le Ministère de la Culture ne s’attendait pas à une telle réaction en abordant le sujet. Pour rappel, le 12 novembre 2013, le député Alain Rodet avait interpellé le gouvernement au sujet de l’enregistrement obligatoire des jeux auprès de leurs éditeurs dans le but de freiner le marché de l’occasion. Si la question peut sembler tardive puisque c’est à cette époque que les éditeurs ont renoncé à ce système, la réponse l’est encore plus puisqu’il aura fallu attendre le 11 août 2015 pour que le Ministère concerné daigne répondre. Les 21 mois de retard n’ont servi qu’à utiliser le raccourci « Occasion = Piratage ». Dès le lendemain, la Ministre de la Culture Fleur Pellerin a fait savoir qu’il n’était pas question de toucher le marché des « jeux vidéos » d’occasion. Malgré tout, rejeter la faute sur le monde politique serait un peu trop simple puisqu’il n’est pas rare de voir les créateurs mais aussi les éditeurs parler du marché de l’occasion de façon plus ou moins virulente. En 2012 par exemple, l’employé de Crytek, Rasmus Hojengaaard, évoquait le blocage de l’occasion comme une chose « absolument fantastique ». Des propos très vite retirés devant la polémique mais qui font écho à ceux de Mike West, un an plus tôt. L’employé de Lionhead Studios déclarait en 2011 :
le piratage sur PC est moins problématique que la vente d’occasion sur Xbox 360.
DES CRÉATEURS RÉTICENTS
Bien entendu, affirmer que la majorité des créateurs sont contre le marché de l’occasion serait incongru vu le manque de données mais comme souvent ce sont principalement les détracteurs qui occupent l’espace médiatique. Le principal problème évoqué est bien évidemment l’absence de revenus sur les jeux d’occasion, vu que les créateurs ne touchent pas le moindre centime lors de l’achat de ces exemplaires. Guillaume de Fondaumière, co-créateur du studio Quantic Dream, estime qu’un an après sa sortie, la revente de Heavy Rain représentait une perte entre 5 et 10 millions de dollars pour l’entreprise. Il convient néanmoins de pondérer cette déclaration puisque, comme pour le piratage, l’acheteur en occasion n’aurait pas forcément choisi de payer plein tarif. De plus, l’occasion fait du bien au marché du jeu vidéo puisque cela permet au vendeur d’investir à nouveau dans un autre jeu. Pas forcément de la même équipe certes, mais il faut partir du principe qu’une partie de ses jeux a été achetée grâce à l’argent de la revente d’autres jeux. Selon les chercheurs Masakazu Ichihara et Andrew Ching, la disparition de l’occasion entraînerait une chute de 10% des profits générés par chaque jeu et des études similaires dans le domaine automobile abondent également dans ce sens.
La disparition de l’occasion entraînerait une chute de 10% des profits générés par chaque jeu.
Le créateur de la série Elite et du Raspberry Pi, David Braben, accuse, quant à lui, le marché de l’occasion d’avoir (en partie) mené son jeu The Outsider à l’annulation. Selon Braben, les éditeurs prennent désormais en compte la revente lors de la production d’un jeu, pouvant même l’annuler suivant les commandes des revendeurs. Le développement des modes multijoueurs en ligne ne serait pas uniquement dû à l’essor des consoles connectées puisqu’il s’agirait d’une exigence des éditeurs qui estiment qu’un jeu au contenu exclusivement solo serait beaucoup plus facilement revendu. Après avoir fait la campagne seul, le joueur revendrait le jeu si ce dernier se limitait à ce mode, tandis que la possibilité d’y jouer en coopération avec des amis ou en affrontant d’autres joueurs en ligne permettrait au titre de ne pas venir peupler les bacs d’occasion. Mais pour Braben, les éditeurs ne sont pas les seuls à mettre en cause puisqu’il déclare également que les magasins ne commandent pas d’exemplaires d’un jeu après le jour de la sortie. Ils compteraient en effet sur la revente pour ne jamais être en rupture de stock. Comme lui, de nombreux créateurs voient les boutiques spécialisées comme l’adversaire à l’image de Lorne Lanning, créateur de la saga Oddworld, qui va même jusqu’à accuser les boutiques de forcer leurs employés à imposer aux clients les jeux d’occasion. Personnellement, j’ai vu des vendeurs donner de mauvais conseils mais j’attends toujours de voir un vendeur dire à son client de plutôt prendre le jeu dans le bac.
Patrick Bach, producteur exécutif pour la série Battlefield, voit les choses de façon différente puisque d’après lui, la revente serait plus dangereuse pour les jeux en ligne. Nous vous demandons de vous accrocher puisque l’argumentation est assez solide. En effet, quand le joueur revend son jeu, il ne se sert plus de son compte qui n’est pas supprimé pour autant. Pire encore, le joueur qui rachète l’exemplaire crée à son tour un compte ce qui augmente la masse de données sur les serveurs dont la maintenance sera en conséquent plus chère. Ce raisonnement est d’autant plus bancal qu’il oublie volontairement le multi-compte et le fait qu’il soit possible de se lasser du jeu et de ne plus s’en servir sans pour autant le revendre. Ce raisonnement, qui est déjà bien tiré par les cheveux, omet totalement l’existence du système Battlelog. Les jeux Battlefield utilisent un compte unique et commun, ce qui fait que même si une personne n’achète pas un épisode, elle dispose tout de même d’un compte sur ce dernier et que par conséquent, la plateforme n’a aucun mal avec les comptes inactifs. Le marché de l’occasion a donc bien des opposants mais il faut également prendre en compte les créateurs qui sont officiellement pour mais qui le taclent tout de même. C’est ainsi le cas de David Cage qui préconisait en 2013 de :
dire aux gens qui aiment vraiment les jeux que s’ils achètent des jeux d’occasion, il y aura un jour où il n’y aura plus de nouveaux jeux du tout.
Un argument également partagé par Cliff Blezinski. Il faut néanmoins remettre en perspective le fait que pour qu’il y ait un jeu vendu dans un bac d’occasion, cet exemplaire a mathématiquement été vendu neuf à un moment ou un autre puisqu’il ne s’agit pas de contrefaçon.
LA LUTTE FINALE
Depuis les années 80, l’industrie du jeu vidéo tente de lutter contre le piratage. La démocratisation d’Internet, et du numérique en général, a rendu certains éditeurs plus avides puisqu’il est possible non seulement de vérifier si la copie du joueur est légitime mais également de première main. La lutte contre l’occasion a été, dans un premier temps, menée par Sony en 2009. La PSP était en effet victime du piratage et le constructeur a, sous couvert de protection contre le téléchargement illégal, expérimenté des systèmes bloquant également la revente. C’est ainsi qu’est née la PSP Go, la première console entièrement dématérialisée. Mais la société ne s’est pas arrêtée à cela puisque quelques mois plus tard, SOCOM: U.S. Navy SEALs Fireteam Bravo 3 nécessitait un code à usage unique pour utiliser les modes multijoueurs, le tout pour la modique somme de 20 euros. Il s’agit du premier Pass Online rapidement suivi par le projet Ten Dollars d’EA. Inventé pour aider le financement des serveurs de jeux en ligne, le Pass Online a cependant rapidement disparu puisqu’il est limité aux jeux qui utilisent des fonctions en ligne, avec un prix trop élevé (entre 6 et 10 euros) et surtout un faible intérêt des joueurs. L’achat en occasion se fait si le joueur ne peut ou ne veut pas payer un produit aussi cher. Le Pass Online étant conçu comme une taxe au bénéfice de l’éditeur, le fait de ne pas baisser le prix du jeu en conséquence à la revente dissuade l’achat en occasion sans pour autant encourager celui du neuf. De plus, cela prive totalement l’acheteur de certaines fonctions du produit acheté ce qui, bien entendu, n’est pas légal.

Le fameux tutoriel « Comment partager ses jeux PlayStation 4 avec ses amis » qui a marqué l’E3 2013.
L’adoption massive de ce système par les plus gros éditeurs a donc influencé les constructeurs Sony et Microsoft durant leur travail sur leurs prochaines consoles, la PlayStation 4 et la Xbox One. Le 9 décembre 2012, le Japonais dépose un brevet pour un système permettant d’associer un jeu à une machine ou à un compte utilisateur de façon définitive pour le rendre inutilisable par les autres. L’inquiétude gagne les joueurs qui se mettent à espérer de meilleures nouvelles de la part du concurrent. Le 21 Mai 2013, lors de la conférence de présentation de la Xbox One, Microsoft annonce cependant le blocage partiel de l’occasion. En effet, s’il est possible de revendre ses jeux, il faut obligatoirement passer par un revendeur agréé disposant du système Azure qui permet au constructeur et à l’éditeur de récupérer une partie de la marge de la boutique. La levée de bouclier est immédiate chez les joueurs ce qui convainc Sony d’abandonner son brevet, d’interdire les Pass Online et de communiquer là dessus quelques semaines plus tard à l’E3. Le succès de cette opération contraint Microsoft d’abandonner à son tour le blocage. Les Pass Online disparaissent quelques mois plus tard.
Néanmoins, il ne s’agit pas d’une victoire totale puisqu’une autre solution similaire a pris leur place. Il faut désormais compter avec les DLC offerts en bonus de précommande ou dont les codes de téléchargement sont fournis dans le boîtier. Ainsi tout le monde gagne, les joueurs ont du contenu en plus, les boutiques reçoivent des précommandes et l’éditeur améliore son image en offrant du contenu (libre à chacun de penser s’il s’agit de contenu supplémentaire ou de contenu retiré du jeu de base). Les DLC eux-mêmes sont un moyen de lutter contre l’occasion, vu qu’il reste impossible de les fournir avec le jeu lors de la vente. Une personne qui a acheté des DLC sera plus réticente à revendre le jeu puisque son investissement dans le contenu supplémentaire partirait purement et simplement en fumée, ce qui relativise l’argent potentiellement gagné lors de la transaction. À l’inverse, une personne qui a acheté le jeu via le marché de l’occasion, est susceptible d’acheter à nouveau du contenu que le propriétaire précédent avait déjà payé mais n’avait pas pu transmettre.
TRAFIC DE DONNÉES
De manière générale, le dématérialisé a changé le monde du jeu vidéo et a donc un impact sur l’occasion. En France, on estime qu’à la fin 2014, 22,5% du chiffre d’affaire des jeux consoles provenait du dématérialisé. Sur PC, c’est près de 85% du chiffre d’affaire qui se génère hors magasins physiques. Il y a donc 41,5% du chiffre d’affaire du jeu vidéo français qui se crée via le numérique et qui ne participe donc pas au marché de l’occasion. En effet, les principales plateformes de distribution numérique ne permettent pas la revente des jeux, ce qui parait étrange quand on sait que le leader du domaine propose son Steam Market permettant de vendre et d’acheter des biens virtuels comme des éléments de jeux ou des cartes. Pourtant, en théorie, le consommateur a le droit de revendre ses jeux quelque soit le support (légal) utilisé. Le marché de l’occasion est possible grâce à la notion d’épuisement des droits qui stipule qu’un ayant-droit qui vend un exemplaire de son œuvre perd le contrôle de la distribution de cet exemplaire. Le 3 juillet 2012, la Cour de Justice de l’Union Européenne s’est prononcée en faveur de l’application de cette règle au dématérialisé. Cette jurisprudence date de l’affaire opposant Oracle au revendeur de licences d’occasion UsedSoft. Ainsi, elle s’applique bien aux licences ce qu’il est important de préciser étant donné la défense des plateformes. Ainsi la plupart des CLUF (le truc très long que tout le monde fait défiler sans lire pour pouvoir cliquer sur Accepter), stipulent que les jeux ne sont pas vendus mais que le joueur achète une licence pour pouvoir y jouer. Petite interprétation des lois en leur faveur qui serait bien trouvée si elle ne servait pas à contrer un arrêté créé pour revendre les licences. Cette politique est également problématique car les revendeurs numériques s’autorisent même à pouvoir mettre fin à la licence comme ils le veulent. La logique est donc que le joueur ne peut rien revendre puisqu’il ne possède rien.
Le cas du dématérialisé est d’autant plus intéressant qu’il permet d’observer la possible mise en place de l’argument préféré des anti-occasion. Il n’est pas rare de voir dans les déclarations hostiles au marché de l’occasion une tentative de séduire le joueur. En effet, les joueurs n’ont rien à gagner dans la disparition de la revente, ainsi certains utilisent la promesse de baisser le prix des jeux neufs. Selon eux, c’est l’occasion qui est la cause du prix élevé des jeux neufs qui sans cela seraient vendus au prix de leurs homologues usés. Ainsi en cas d’interdiction de ce marché, les éditeurs s’engagent à baisser leurs tarifs ce que nous croyons absolument car les éditeurs ne mentent jamais. Autre problème, cela veut dire que nous sommes actuellement taxés sur la revente potentielle de nos jeux. C’est ici qu’interviennent les jeux dématérialisés, qui ne peuvent pas être revendus donc qui devraient, suivant toute logique, être moins chers. Et bien non, puisque c’est bien entendu le contraire, selon une étude du site VG247 datant de 2014, les jeux PlayStation 4 coûtent en moyenne 12,15€ de plus et les jeux Xbox One 15,65€ de plus. Un fait qui interpelle sachant que les coûts de production d’un exemplaire sont beaucoup moins élevés pour les versions numériques. Yves Guillemot, président d’Ubisoft, a son propre raisonnement sur la question, pour lui, le dématérialisé doit justifier son prix vu qu’il coûte en effet moins cher. En 2013, il expliquait donc que le dématérialisé devait proposer des bonus pour justifier son prix avec comme exemple, la mise à jour automatique des jeux (chose qu’il est impossible de faire si on a le disque, visiblement).
DES ENNUIS À REVENDRE
Dans les faits, le débat sur le marché de l’occasion est surtout la manifestation du bras de fer entre les éditeurs et les revendeurs. De nombreuses études indiquent que la majorité des revenus des boutiques spécialisées viennent non pas du marché du neuf mais de celui de l’occasion. Le monde des boutiques de jeux vidéo est en crise et l’occasion représente son unique bouée de sauvetage. Outre le piratage, les magasins affrontent désormais les chaînes de grande distribution qui baissent les prix sur les nouvelles sorties, les sites de vente par correspondance ainsi que les plateformes de distribution dématérialisée. Par conséquent, acheter en gros n’est plus une option et faire une marge sur la majorité des jeux devient impossible en dehors des plus grosses sorties de l’année. Dans sa logique, Yves Guillemot affirme que mettre le dématérialisé à son prix réel ferait du mal aux boutiques. Très belle intention qui serait plus crédible si les éditeurs ne tentaient pas de les priver de bénéfices. Pour en revenir à la PSP Go, son annonce a été suivie de menaces de boycott de la part des revendeurs. Les consoles sont, en effet vendues à prix coûtant dans l’espoir de vendre des jeux et de faire les bénéfices à ce moment-là. Si les jeux ne génèrent pas de bénéfices non plus, c’est tout le système qui s’effondre quand les produits ne se vendent pas, sont volés ou détruits. En 2012, l’occasion représentait en France un tiers des ventes de jeux physiques sur consoles mais il est compliqué d’avoir une idée du pourcentage actuel avec l’essor du dématérialisé et les promotions de plus en plus agressives et régulières sur les différentes boutiques telles que le PlayStation Network, le Xbox Live ou Steam.
Qui n’a jamais fait le tour des boutiques en espérant trouver la perle rare à bon prix ?

Oui on peut trouver la perle rare mais ne vous attendez pas à trouver les six premiers Mega Man sur NES dans le Micromania le plus proche.
Pour le joueur même, l’occasion peut être un vrai plaisir. Qui n’a jamais fait le tour des boutiques en espérant trouver la perle rare à bon prix ? Le marché de l’occasion crée de la curiosité. Le joueur qui se renseigne sait très bien en entrant dans sa boutique qu’il ne risque pas vraiment de trouver un jeu auquel il ne s’attendait pas. De plus, les baisses de prix sont plutôt rares en dehors des soldes ce qui fait que les défenseurs de l’occasion présentent ce marché comme le générateur de trafic au sein des boutiques, ce qui augmenterait donc les chances d’acheter un jeu neuf. En revanche, tout n’est pas idéal et il ne faut pas oublier que les boutiques ont également des devoirs. En effet, il n’est pas impossible de trouver dans le même bac des exemplaires d’un jeu à des prix différents. Il ne s’agit pas d’une pratique normale puisque l’usage est de mettre à jour les prix chaque fin de semaine lors de l’inventaire mais certaines boutiques peu scrupuleuses n’hésitent pas à s’épargner ce travail en espérant au passage soutirer quelques euros de plus aux clients moins attentifs. L’autre pratique douteuse qui peut exister est le fameux « Pour ce jeu sorti hier à 70€, je te propose 30€ ». Le marché de l’occasion est un marché basé sur la confiance, selon une étude de la chaîne de magasins GameStop, 28% des joueurs américains seraient prêts à vendre des jeux mais n’osent pas passer à l’acte. Cette même étude estime d’ailleurs que 27% des joueurs américains revendent des jeux pour pouvoir en acheter d’autres alors qu’ils ne pourraient pas les payer sans cela.
GARANTIE SANS CONSERVATION
Et au delà du préjudice causé aux joueurs et commerçants, vient un autre point qui vient entacher ce (déjà) triste tableau.

Les DRM sont un sujet délicat chez les bibliothécaires et concernent l’ensemble des documents électroniques.
Les collections présentes chez les préservateurs/gardiens de ce patrimoine qu’ils soient associatifs (WDA, MO5.COM, Silicium, etc.) ou institutionnels (Bibliothèque nationale de France, Musées) proviennent en majeure partie de collections personnelles et dons de tout horizon. Vous voyez sans doute où je veux en venir… Les DRM sont des obstacles catégoriques à la conservation et la transmission. Il ne s’agit pas seulement de mettre en vitrine des machines et des boîtes de jeux… Comment transmettre aux générations futures (et proches), retranscrire une histoire du jeu vidéo s’il nous est impossible d’avoir accès aux jeux parce que Tartempion ne nous a pas fourni la machine et les accès à ses comptes avec le jeu ? Les DRM empêchent parfois même des usages couverts par des exceptions prévues par la loi. C’est parfois le cas à la BnF où certains jeux ne peuvent être mis à disposition du grand public et des chercheurs car une installation sur un poste engendrerait un mariage forcé entre le jeu et la machine… Un non-sens quand on sait que le but premier du numérique était de faciliter l’accès et la diffusion des œuvres.
Encore un coup de poignard aux joueurs, au marché de l’occasion, au réseau des collectionneurs et aux conservateurs du patrimoine vidéoludique de la part de ce que nomme avec justesse Leonhard Dobusch, professeur assistant en théorie des organisations à l’Université Libre de Berlin, les « extrémistes du droit d’auteur ».
Les DRM devaient protéger les créateurs et leurs œuvres. Aujourd’hui, ils sont un outil de dérive pour traquer un marché de l’occasion accusé d’être déloyal, voire au delà de la légalité par certains éditeurs. Pire encore, les DRM prennent en otage les joueurs de leur jeu légalement acheté. Prenons un dernier exemple, histoire d’illustrer une fois encore le côté déviant des DRM. Avec Diablo III, sous prétexte de proposer du contenu en ligne, un DRM empêche le joueur de lancer sa partie quand celui-ci n’est pas connecté à Internet.
Quand Fleur Pellerin avait fait son entrée au Ministère de la Culture, beaucoup d’espoirs avaient été fondés sur la nouvelle ministre, notamment du côté des cultures numériques, thème auquel elle semblait particulièrement sensible et ouverte. Mais encore une fois nous nous retrouvons face à cette histoire répétitive que la France entretient dans sa politique culturelle étroitement liée à celle du poids de l’économie. Le cul entre deux chaises, l’État cherche à préserver ses relations avec les acteurs (éditeurs, développeurs, diffuseurs et autres grands groupes) d’une industrie qui lui rapporte et cela, au détriment des consommateurs tout en s’asseyant sur le patrimoine vidéoludique.