Blister, cellophane & Cie : Retirez ce blister que je ne saurais voir !Capsule Technique
BLISTER, CELLOPHANE & CIE : RETIREZ CE BLISTER QUE JE NE SAURAIS VOIR !
Nombreuses ont été les fois où j’ai pu entendre et lire l’apologie du blister : sceau inviolable pour certains garantissant un jeu jusqu’alors jamais lancé, un manteau sacré et intouchable protégeant une oeuvre pour d’autres, et parfois, un moyen comme un autre de se lancer dans les affaires. Dans le milieu des collectionneurs, ses louanges sont souvent chantées et il n’est pas rare que le sujet suscite débats enflammés et incompréhensions. Suite à mes petites recherches et échanges autour de la question, voici ce que j’aimerais répondre aux aficionados du blister, cellophane et autres plastiques en tout genre.
« C’EST UNE GARANTIE ! IL N’A JAMAIS ÉTÉ UTILISÉ DONC DANS UN ÉTAT NEUF ! »
Et pourtant, les blisters contrefaits, ça existe. Il n’est pas impossible de refaire un de ces fameux plastiques avec un peu de débrouille et des machines à cellophane.
Le blister n’est pas forcément synonyme de garantie. Il faut savoir qu’à une époque, certains jeux comme ceux sur Super Nes par exemple sont arrivés sur le sol français sans blister, simplement dans des cartons. Ces protections plastiques ne correspondent pas à un produit d’usine. C’est la distribution qui s’en charge. Il faut déjà différencier plusieurs types de blister : le soi-disant « rigide » ou blister pack exclusivement présent en France et en Belgique, et le plus courant le blister dit « souple » en cellophane. Vous trouverez un guide détaillé par un bon rétrogamer notamment pour les jeux Nintendo ici. Vous ne vous enflammerez plus pour rien, décèlerez les mauvais plans, et ce sera déjà un grand pas.
Un jeu sous blister, qu’il soit authentique ou non, ne permet pas de savoir s’il fonctionne et à quel état de dégradation celui-ci se trouve. Impossible de contrôler et d’être sûr. Quel est le but, sinon de jouer même quelques instants pour la nostalgie ou dix ans après acquisition ? Je me sentirais moins maligne à brandir mon objet de collection sans jamais connaître l’état de son contenu…
« OUAIS MAIS ÇA PROTÈGE ! »
Il est temps de faire un petit point « Conservation et Préservation ». Le plastique jaunit et ce malgré les solutions dites miracles… Le plastique, de par ses propriétés, est indiscutablement voué au vieillissement et donc à subir des dégradations comme le jaunissement. Il est fait d’un mélange macromoléculaire de pétrolifères (éthylène, propylène, acétylène, benzène) sachant que le pétrole est lui-même un mélange de substances hydrocarbonés. Le jaunissement est un processus normal dans la vie du plastique. Qu’il s’agisse d’ailleurs de coques en PVC, de boîtiers ou de cellophane, les résines comportent des molécules qui évoluent dans le temps et finissent par mourir. C’est une mutation dite naturelle qui provoque cette dégradation, tout comme pour le papier et le carton. Ainsi, rajouter une couche de cellophane qui se dégraderait sur une autre couche qui se dégraderait… ça n’a pas d’intérêt.
Est-il possible de ralentir, voire de stopper cette mutation qui détériore petit à petit les collections ? Des méthodes existent mais elles ne permettent pas d’éviter l’inévitable, certaines sont même néfastes ! Certains proposent le « déjaunissement » mais Mathieu Charreyre, président de l’association WDA pour la Préservation et Restauration du Patrimoine numérique s’explique à ce sujet : « il ne s’agit en fait que d’un « ponçage » de la partie supérieure de la résine même avec le renfort des ultra-violets qui n’ont comme simple effet en fait que d’enfoncer la chose plus profondément dans la matière. » De plus, les résines sont bien souvent recouvertes d’une couche protectrice pour repousser autant que possible l’effet de jaunissement, donc encore une fois…
Il n’y a pas de miracles mais quelques consignes de préservation. Outre le temps et l’oxygène, trois facteurs entrent en jeu dans le vieillissement non pas naturel mais accéléré du plastique :
- l’exposition directe, prolongée et intense au rayonnement ultraviolet ce qui espace les molécules provoquant ainsi la cassure de la matière
- l’hygrométrie trop élevée ou trop basse rendant la matière plus molle et susceptible d’accueillir moisissures et autres joyeusetés
- la nicotine qui ramollit ou rend poreuse la résine du plastique
Ce patrimoine est voué à disparaître, oui. Mais nous pouvons repousser ce moment en prenant conscience des réels facteurs à risque et en adoptant les bons réflexes. Ce qui restera ? De la restauration dans la limite du possible, des solutions d’émulation, de la documentation, des illustrations.
« C’EST CLASSE DANS MA COLLECTION »
Je pourrais ne rien répondre à cela. Après tout, c’est quoi collectionner du côté des particuliers ? On traitera de ce sujet dans un prochain article. Pour l’heure, je tiens à traiter d’un aspect que je qualifierais de néfaste pour le jeu vidéo et ses amoureux. Car après les arguments de raison, viennent l’aspect sentimental et la valeur que le jeu neuf peut apporter dans une collection. Il s’agit là d’une satisfaction personnelle et une reconnaissance aussi dans le cercle des amis et des collectionneurs, et c’est tout à fait compréhensible. Non, là où ça me pose problème, ce sont les nombreuses ventes de jeux sous blister atteignant des sommes faramineuses, parfois même à hauteur d’un bon salaire. Maintenant que vous en connaissez sa nature, ça fait cher le bout de plastique, vous ne croyez pas ?
Si les acheteurs en sont conscients, pourquoi pas. Mais ces derniers plombent également le marché. Ce qui est inquiétant, c’est la présence de personnes qui ne viennent que pour se frotter les mains et spéculer afin de créer ce qu’on appelle ni plus ni moins une niche, faisant passer un jeu pour une pièce d’art contemporain. Les prix grimpent, l’oeuvre devient un objet snob et pour le coup moins accessible. Au final, ce n’est pas le blister lui-même que je condamne, mais bien la façon dont il est utilisé. Je comprends les joueurs et collectionneurs qui se laissent tenter par un titre de leur jeunesse et qui souhaitent l’avoir dans les conditions d’origines ou mint comme il est dit dans le jargon. Le désir de posséder ce qui n’a jamais été utilisé par personne, un objet rare qui n’aurait alors connu que vous… Mais attention à ne pas se laisser entraîner dans une nostalgie non raisonnable. Il est normal d’avoir un jeu sous blister d’origine d’un prix plus élevé qu’un jeu vendu en loose. Mais quand les écarts de prix atteignent les 70% voire plus… Ce n’est plus une histoire entre collectionneurs et joueurs mais bel et bien l’affaire d’un marché. Et c’est surtout ça qui me dérange dans l’histoire. Le rétro est devenu tellement tendance ces dernières années qu’il a fini par attirer des personnes très éloignées du milieu des passionnés. Mais cela finit malheureusement toujours par arriver quand un phénomène de la sorte prend de l’ampleur. Il n’y a qu’à regarder le prix de certaines oeuvres littéraires, BD d’antan, (pour ne pas citer Tintin) etc… Ce n’est pas la passion, la nostalgie ou autre chose qui anime ces vendeurs et acheteurs là. Non, c’est l’investissement. Et comme il y a toujours plus d’acheteurs, toujours plus de vendeurs. C’est exponentiel. CQFD.
Il est possible de trouver des jeux sous blister d’origine pour pas très cher avec un peu de chance et un peu de recherches. Pour avoir une bonne idée des prix des jeux et consoles qu’ils soient sous blister, en carton ou en loose, consultez les argus sur Gamopat ainsi que leur forum. Après, il est aussi intéressant voire amusant de faire quelques comparaisons sur des sites comme ArgusJeux.
N’oubliez pas le plus important et l’origine de toute collection : la passion et en l’occurrence la passion du jeu et de jouer (ou la maladie obsessionnelle de posséder des objets mais ça, c’est une autre histoire !). Bref, faites vivre vos collections, jouez ! Personnellement, je me délecte de déshabiller un jeu de son blister.