Tout d’abord, replaçons les choses dans leur contexte. One Piece est un manga d’Eiichiro Oda mettant en scène le jeune Luffy qui rêve de devenir le Seigneur des Pirates, le tout accompagné de son équipage dit du Chapeau de Paille en référence au couvre-chef du personnage principal. Il s’agit d’une œuvre fleuve qui en est, à l’heure de la publication de cette critique, à son 799ème chapitre et 706ème épisode, depuis ses débuts le 4 août 1997. La même année (le 28 février pour être exact), Koei publie Dynasty Warriors, un jeu de combat développé par son studio Omega Force. Ce jeu inspiré du roman historique chinois Les Trois Royaumes prend sa vraie forme avec la suite en 2000 en créant un genre à part entière. Le Musou permet de contrôler un personnage à la manière d’un Hack’n’Slash-Beat them All lors d’une bataille entre deux (ou trois) armées durant laquelle le joueur devra réduire les rangs des autres armées tout en gagnant le contrôle du terrain pour son camp. Omega Force s’est rapidement spécialisé dans ce genre et a commencé dès 2007 à sortir des jeux utilisant ce gameplay et de célèbres licences de mangas/animes comme Gundam ou Hokuto no Ken. En 2012, c’est au tour de One Piece de se plier à l’exercice, visiblement réussi puisque One Piece: Pirate Warriors a connu deux suites.
À l’aube d’une (pas si) nouvelle aventure
Pour l’œil expert, One Piece: Pirate Warriors 3 semble, dans un premier temps, être un best-of des deux épisodes précédents. Comme dans le premier épisode, la campagne reprend la trame du manga et se sert même d’anciennes cinématiques. La sensation de déjà-vu (ou plutôt entendu) est la même pour les musiques qui sont une compilation des deux épisodes avec quelques rares ajouts. Graphiquement, le moteur ne semble pas avoir évolué et de très nombreux éléments de décor sont repris. Avouons-le de suite, lors de cette critique, nous avons régulièrement ressorti les jeux précédents pour vérifier s’il y avait bien eu changement ou non. Paradoxalement, la réponse est toujours oui car si les ressources sont les mêmes, elles sont ici utilisées avec beaucoup plus d’intelligence. La première bonne surprise de ce jeu est son contenu. En tout 37 personnages sont jouables dans cet épisode ce qui mathématiquement correspond au nombre du jeu précédent mais cette fois-ci, il n’y a pas 10 personnages en double. Concernant les partenaires/boss non-jouables, on passe de 20 à 27 dont 11 nouveaux puisque quatre d’entre eux sont désormais des personnages à part entière. Avec les 64 personnages qu’il est possible de croiser, il semble improbable de se lasser lors des sessions sur les quatre modes de jeu. Le mode principal s’appelle désormais le Mode Légende, le Mode Libre permettant de jouer à la campagne du jeu avec n’importe quel personnage est également de retour tout comme sa contrepartie En Ligne. En revanche, le mode proposant de faire des missions isolées est remplacé par le Mode Rêve.
Ce jeu est la meilleure façon de connaître One Piece puisque les arcs du manga sont presque tous jouables.
Comme d’habitude, le mode principal du jeu est une suite de missions mettant en scène Luffy. Cette fois-ci, l’aventure est calquée sur le manga d’origine (arc Dressrosa inclus mais librement interprété) et se distingue de celle de l’épisode fondateur en permettant de jouer également les alliés de l’homme-élastique mais surtout par sa plus grande fidélité au matériel de base. En ce sens, ce jeu est la meilleure façon de connaître One Piece puisque les arcs du manga sont presque tous jouables (il manque juste trois arcs qui ne se prêtent pas vraiment au gameplay de ce jeu). Il y a au total une vingtaine de niveaux dans ce mode, chacun sur une carte différente. Si voir certains arcs, plus rares dans les adaptations, fera plaisir aux fans, le vrai salut de ce mode Légende vient du level-design. La série sort enfin de son schéma habituel qui consiste à tout capturer puis à combattre le boss final. Désormais les niveaux ont des missions différentes. Rien de révolutionnaire puisqu’il s’agit de défendre un point attaqué par des vagues d’ennemis, devoir escorter des personnages ou courir pour sa survie mais les chapitres ne donnent plus l’impression de toujours faire la même chose avec des textures différentes sur les murs. Au final, les chapitres semblent plus courts et s’enchaînent facilement là où, dans les autres jeux de ce genre, un besoin de pause se fait ressentir après trois ou quatre niveaux.
L’autre grand effort du Mode Légende est sa scénarisation. S’il s’agit de l’une des meilleures expériences vidéoludiques pour One Piece, c’est parce que l’équipe ne se limite pas à nous faire jouer des personnages connus dans des décors connus. Elle va bien au-delà de ça en y intégrant les moments et les échanges les plus cultes que ce soit sous forme de cinématiques ou de phases de dialogues. Chaque chapitre contient en effet entre deux et six Chasses au trésor qui sont des conditions à remplir pour déclencher un dialogue entre les personnages. Regroupées sous le terme d’événements, on compte donc en moyenne une dizaine de phases du genre par niveau ce qui pourra énerver sur la version PS4. La fonction Partage est désactivée à ces moments-là ce qui affiche donc un petit message en haut de l’écran avec un petit son au début et à la fin de la cinématique. Cela n’est pas gênant en général mais peut devenir oppressant quand cela arrive une vingtaine de fois en une demi-heure mais peut heureusement être désactivé dans les options du mode Partage. Pour finir avec ce mode, chaque niveau possède, en plus des Chasses au trésor, neuf objectifs à remplir pour être terminé à 100% et qui sont les bienvenus pour pimenter un peu la difficulté. Même en mode Difficile, il semble peu probable d’atteindre le Game Over sans le faire exprès.
Pas trois jours, deux ans
Visiblement inspirée par la pause de deux ans qui existe dans One Piece, l’équipe a eu la bonne idée de prendre également deux ans entre les jeux ce qui fait beaucoup de bien à la série en ce qui concerne les nouveautés. Le Mode Rêve est tout sauf optionnel, premièrement parce que la moitié des personnages se débloquent ici et deuxièmement puisqu’il s’agit du vrai morceau de bravoure du jeu. Outre la difficulté bienvenue, des dizaines de missions sont représentées sous forme d’îles qu’il faudra parcourir. Si le concept de mission reste, on se retrouve dans une formule plus classique car si le déroulement du niveau reste le même sur chaque île, le terrain, les alliés et les adversaires sont eux aléatoires. Les parties sont donc moins efficaces mais encore plus rejouables. L’affichage en temps réel du rang et des conditions pour l’améliorer est un réel plus qui ajoute de la tension et qui manque cruellement quand on revient aux autres modes. Comme dans de nombreux jeux, une note de S à D est obtenue après chaque niveau selon le temps, le nombre d’ennemis battus et le nombre de ! obtenus grâce au nouveau système Kizuna qui remplace le système de partenaires.
Votre personnage n’est pas seul sur le champ de bataille puisqu’il est possible de faire venir à ses côtés les héros alliés présents pour faire toujours plus de dégâts. Vaincre des ennemis permet de faire grimper la jauge Kizuna, une fois le niveau 2 atteint, l’allié sélectionné commencera à apparaître à la fin de certains combos pour les prolonger. Une fois que la jauge est au maximum, il devient alors possible de lancer un Kizuna Rush qui améliore l’efficacité des attaques Kizuna et permet de lancer une attaque spéciale Kizuna qui combine les pouvoirs des personnages concernés, à condition d’appuyer sur le bouton avant que la jauge Kizuna Rush ne se vide. Il y a d’ailleurs beaucoup de jauges dans ce jeu entre la barre de vie, celle pour les attaques spéciales, la jauge Kizuna et les régulières jauges de vie des boss, jauges de capture de la zone et jauge Kizuna Rush. Une fois l’amitié scellée avec un personnage via un Kizuna Rush, il apparaîtra lors de chaque Kizuna Rush, même si ce dernier est activé avec un autre personnage. Le but devient donc d’enchaîner cette phase avec tout le monde lors du niveau pour multiplier sa puissance. Il est facile de se prendre à ce jeu mais certains regretteront de ne plus pouvoir choisir leur partenaire, en particulier suite au changement du système de personnalisation.
Il faut ainsi remplir certaines conditions pour pouvoir utiliser les Techniques et c’est à ce moment-là que les choses se compliquent.
Tous les éléments de personnalisation de l’épisode précédent sont de retour mais ils ont également tous changé. Les pièces, par exemple, ne servent plus à être combinées à la manière d’un deck de cartes. Elles augmentent toujours les statistiques mais il faut cette fois-ci nourrir chaque personnage avec des pièces précises. Les Techniques qui ajoutent des effets au personnage joué sont désormais liées aux Avis de Techniques des personnages. Il faut ainsi remplir certaines conditions pour pouvoir les utiliser et c’est à ce moment-là que les choses se compliquent. Chaque technique a plusieurs niveaux ainsi, il faut obligatoirement débloquer le niveau 1 avant de pouvoir débloquer le niveau 2 même si les conditions requises sont déjà réunies pour le niveau. Pourtant, les différents niveaux des Techniques ne sont tous sur le même personnage, il se met donc en place un jeu de recherche car si je suis intéressé par la troisième technique de l’avis de X, je vais devoir débloquer la première technique qui demandera d’obtenir la technique de Y qui demande elle-même la deuxième technique de Z. Et comme cela ne suffisait pas les conditions sont parfois compliquées à la base. Certaines demandent d’utiliser les personnages jouables mais d’autres réclament leur utilisation en tant que soutien. Le problème est que l’on ne choisit pas ses soutiens, en dehors des personnages qui s’allient à Luffy dans One Piece, il sera beaucoup plus compliqué de pouvoir utiliser les autres qui exigeront beaucoup de chance avec la sélection aléatoire des soutiens du Mode Rêve.
Salade de fruits du démon
Concernant le système de combat, One Piece: Pirate Warriors 3 reste dans le classique d’Omega Force qui livre une nouvelle fois des affrontements soignés. On se dirige avec le stick gauche et on tourne la caméra (qui peut parfois poser problème) avec le stick droit, caméra que l’on peut centrer ou bloquer sur un ennemi avec le bouton L1. Le bouton Croix sert à esquiver tandis que les attaques se font avec Carré (normale), Triangle (zone), Rond (spéciale) et R1 (une action spécifique au personnage). La multitude de personnages et leurs nombreux coups disponibles permettent de passer des heures à tenter de découvrir le combo aussi classe que dévastateur, avec des points bonus s’il se marie bien avec les attaques Kizuna. Il ne faut pas oublier non plus que certains personnages (principalement l’équipage du Chapeau de Paille) possèdent deux palettes de coups dont la sélection dépend du costume porté par le personnage. Les attaques des personnages sont respectées avec toujours le petit plaisir d’entendre le nom de l’attaque scandé par le personnage tandis qu’il s’affiche en haut de l’écran, toujours très utile en cas de « Woh ! C’était trop cool ça ! Comment je le refais ? ».
C’est au niveau de la technique que le niveau du jeu baisse un peu. Devant gérer en permanence deux ou trois armées et leurs commandants, le moteur du jeu n’est clairement pas dirigé vers la puissance graphique d’autant plus qu’il se doit d’être adapté sur PS Vita. Pour l’arrivée de la série sur PlayStation 4, il ne faudra pas s’attendre à grand chose en dehors de la résolution en 1080p et d’une meilleure profondeur de champ. En revanche, cette version mérite tout de même d’être considérée en cas de doute pour ceux qui ont plusieurs consoles car les baisses de framerate sont beaucoup moins présentes ici. Il est d’ailleurs possible de se demander si le jeu a réellement été optimisé quand on entend sa PS4 agoniser alors que l’on parvient à peine à faire la différence avec les autres jeux sur PlayStation 3. Concernant la musique, certains anciens pourront soupirer en entendant de nouveau le thème principal de la série, encore une fois utilisé à tort et à travers. Si les musiques ne sont pas particulièrement mauvaises (ni bonnes non plus), les fans de l’anime regretteront une fois de plus l’absence de la bande sonore de la série. Heureusement, les voix japonaises officielles sont bien présentes, même si les sous-titres ne leur rendent pas toujours honneur.
On retrouve également du « Tu est » ou du « Tus vas » et autres horreurs qui font penser que la traduction a été gérée par le stagiaire responsable des bandeaux de BFM TV.
Les sous-titres de certains passages sont en effet des contresens purs et simples. C’est notamment gênant lors de la retranscription du passage le plus poignant de One Piece. L’équipage doit en effet dire adieu à l’un de ses compagnons les plus fidèles et une erreur de compréhension de la part du traducteur pourra gâcher le plaisir de ceux qui connaissent la scène tandis que les nouveaux trouveront la scène incohérente à cause de cela. Comme toujours avec la licence One Piece, une partie de la communauté française qui suit l’œuvre par des moyens moins légaux sera exaspérée de retrouver les noms officiels français qui divisent. Heureusement, l’éditeur a trouvé le compromis idéal en conservant ces noms mais en incluant également les fautes dégueulasses qui peuplent les traductions de fans. Ainsi sur la page des Avis de Technique, chaque technique non-débloquée a pour description « [Cette technique] n’as pas été débloquée » et les personnages masculins parlent régulièrement au féminin. On retrouve également du « Tu est » ou du « Tus vas » et autres horreurs qui font penser que la traduction a été gérée par le stagiaire responsable des bandeaux de BFM TV. Cela peut sembler tatillon mais quand on ne comprend pas certaines instructions parce que leur syntaxe semble tirée de Google Traduction, c’est irritant. De même pour les phrases du type « Il vous manque 5 Luffy Pièces » et les noms qui varient d’un dialogue à l’autre (ou directement dans la même ligne) tels que Skypia/Skypiéa ou Kobby/Coby.
Alors qu’il n’était pas vraiment attendu avec impatience, One Piece: Pirate Warriors 3 parvient à surprendre en se rapprochant de l’œuvre dont il s’inspire. Ce jeu est donc un merveilleux moyen pour les fans d’attirer leurs amis vers ce manga sous-prétexte de bonnes petites parties en coop à deux joueurs sur un titre digne de l’action, de l’humour et de l’émotion de One Piece. Sa bonne réalisation et son contenu gargantuesque en font une bonne occasion de découvrir, pour ceux qui ne le connaissent pas encore, le genre Musou à l’image de ce qu’a pu faire Hyrule Warriors, l’équivalent Zelda-esque sur Wii U. Pour les anciens, il apporte un vent de fraicheur très agréable sur le gameplay à condition de ne pas avoir de crise d’urticaire à l’idée de rejouer un jeu de ce type au moins une fois dans sa vie.
Jeu fourni par l’éditeur
L'avis général
- Très généreux en contenu
- La volonté de varier les niveaux
- L'Apparition du mode Rêve
- Le Système Kizuna
- La multiplication des dialogues et cinématiques
- 1 je avec dé fotes
- Un bon nombre de contresens dans la traduction
- Peu de nouveautés dans la bande-son
- Visuellement, rien ne change
- Peut sembler plus facile que les autres