Super Potato : voyage dans le sanctuaire du retrogamingSors mon Geek
Il existe un lieu incontournable où les amoureux du rétrogaming se retrouvent pour faire acte de pèlerinage une fois dans leur vie. Ce lieu s’appelle Super Potato.
Akihabara : on ne peut comprendre le surnom qui lui a été donné de « ville électrique » qu’en déambulant dans ses ruelles. Et c’est au cœur de ce quartier mythique si prisé des tokyoïtes et geeks étrangers que je suis allé trouver la célèbre boutique Super Potato. Le terme « TROUVER » n’est pas erroné ici car dénicher le Super Potato d’Akihabara relève du défi lorsqu’on est un touriste étranger, de l’ordre de la découverte pour la première fois d’une warp zone dans un niveau de Super Mario Bros.
Explication: alors que j’imaginais une jolie devanture clinquante donnant pignon sur rue, c’est en fait un magasin de matériel vidéo qui se présentait devant moi. Après avoir vérifié dix fois mon Google Map sur mon smartphone et effectué trois fois le tour du quartier, j’en ai conclu, un peu déconcerté, que l’adresse recherchée (bâtiment Kitabayashi, 1-11-2 Soto-Kanda dans l’arrondissement de Chiyoda) correspondait à une entrée à proximité de la devanture. Fort heureusement, mes quelques notions de japonais m’ont permis de lire une pancarte flashy accrochée en haut du pas de porte.
J’ai alors décrypté : « RE TO RO GE-MU » « SU-PA-PO-TE-TO » « Iriguchi ». Comprendre : « Rétrogame » « Super Potato » « Entrée ». En relevant la tête, j’ai aperçu l’enseigne Super Potato accrochée sur la façade de l’immeuble. Plus de doute: j’étais bien arrivé ! C’est donc intrigué que je me suis engouffré dans cet étrange endroit d’apparence… plutôt glauque !
Warp zone
La première chose qui choque une fois passé le seuil de la porte d’entrée, c’est de ne pas trouver la boutique Super Potato ! A Tokyo, le coût élevé des loyers et le manque d’espace ont amené de nombreux commerçants de quartier à s’installer aux étages des immeubles et ils n’ont donc pas de devanture. Le Super Potato d’Akihabara en est le parfait exemple puisque celui-ci a élu domicile aux 3ème, 4ème et 5ème étages de l’immeuble. Surprenant pour un occidental, normal pour un tokyoïte.
Ainsi, sur une affichette illustrée d’un Super Mario en pleine ascension, j’ai rapidement découvert les thèmes couverts à chaque étage, et je me suis élancé à mon tour dans l’ascension des marches, sous le regard bienveillant de Conan le Barbare.
Aux Pays des Merveilles
Troisième étage. C’est une véritable caverne d’Ali Baba qui s’est offerte à mes yeux. Cet étage est en effet dédié à ces consoles oubliées qui ont marqué de leur empreinte l’Histoire du Jeu vidéo. Aux côtés des inévitables Famicom et Super Famicom, on trouve également le Virtual Boy, le premier gros échec commercial de Nintendo. Gamegear, Mark III (aka Master System chez nous), Megadrive, Saturn, Dreamcast : c’est toute la famille Sega qui semble s’être réunie en un même lieu. Et qui se souvient des 3DO de Mtsushita, des PC Engine et PC-FX de Nec, et autre Wonderswan ? Sans oublier la Rolls des consoles, la Neo Geo.
Totalement reconditionnées et généralement dans un état impeccable, toutes ces consoles semblent ici sortir tout droit des chaînes de production. Quant aux cartouches et disques de jeux, ils sont soigneusement rangés sur des rayonnages, classés par console puis par ordre alphabétique : la collection est si impressionnante qu’on est quasi certain de dénicher un titre devenu introuvable une fois écarté du circuit de distribution classique. A condition que vous recherchiez un titre japonais car, ici, on privilégie forcément les titres locaux.
Au fond des allées, on trouve des peluches à l’effigie de Mario, Toad, Yoshi, Goomba et autre Maskass. Avant de craquer sur d’énormes peluches roses Kirby, j’ai pris mon courage à deux mains pour voir ce qui se passait à l’étage supérieur.
Welcome to the Next Level !
Quelques marches plus haut, c’est une figurine géante de Mario qui m’a accueilli avec une pancarte « Ne pas toucher » écrite en japonais.
Ici, des consoles Nintendo 64 empilées en tête de gondole et des pads de Gamecube suspendus comme des grappes de raisins cohabitent avec des étales de consoles Game Boy et Game Boy Advance. Les allées sont tapissées de jeux PSOne et Playstation 2 en tout genre.
Genre à part entière au Pays du Soleil Levant, les jeux musicaux sont ici une véritable religion de par la variété des titres existants (Beatmania, Dance Dance Revolution, Pop’n Music, Para Para Paradise, Taiko Tastujin, Karaoke Revolution et autres titres « vocaloïde ») et bien souvent méconnus en Occident. J’ai été stupéfait par la quantité d’accessoires qui en découlent, fruits de l’imagination folle et inépuisable des développeurs de « rhythm games ».
Puis, est arrivé l’émerveillement avec la découverte d’une vitrine remplie de Game & Watch, les ancêtres de nos jeux mobiles. Devenus de véritable objets vintages, ces jeux électroniques sont désormais très prisés des collectionneurs du monde entier. En voir autant réunis en un même lieu a donc de quoi laisser rêveur : je me souviens avoir passé des heures sur ceux à double écran de Donkey Kong et de Mickey & Donald.
Coin-Up
Mon épopée a pris fin avec mon arrivée au dernier étage : le Retrogame Center. Ici, sous la surveillance d’un Solid Snake en treillis et à la casquette rouge faisant régner le silence, habitués et visiteurs d’un jour s’adonnent à une partie de jeux rétros sur une des nombreuses bornes d’arcade mises à disposition : on glisse quelques yens dans la fente avant de s’emparer du stick et de tapoter sur les boutons dans une partie de Raiden, de Street Fighter 2 ou Bubble Bobble . Un espace convivial où l’on peut aussi feuilleter des mangas mis en libre service en toute quiétude.
Patate à la sauce vintage
Je suis ressorti enchanté de cette excursion dans l’univers du retrogaming japonais. Depuis la création au début des années 2000 de la première boutique à Osaka, la popularité de l’enseigne Super Potato a fait le tour du monde grâce au bouche-à-oreille.
Mais c’est sans conteste avec l’ouverture en 2005 d’une boutique dans le quartier d’Akihabara que la chaîne de magasins s’est fait un nom dans la culture japonaise populaire contemporaine, devenant une référence en matière de patrimoine du jeu vidéo. On y a vu les médias du monde entier s’y rendre et tous les reportages traitant des jeux rétros ne manquent jamais de citer cette boutique. Les gérants l’ont bien compris et il ne faut pas s’étonner de voir des tarifs prohibitifs appliqués aux jeux, consoles et produits dérivés dans l’ « AKIBA Super Potato ».
Un conseil donc si vous comptez vous y rendre pour y faire vos emplettes personnelles: rendez-vous plutôt sur l’autre boutique de Tokyo située dans le quartier Ikebukuro où le choix demeure large mais avec des prix bien plus abordables. Ou bien, si vous avez l’occasion de séjourner à Osaka (Super Potato compte au total dix boutiques réparties dans les régions du Kanto, Kansai et Chubu : la liste complète des magasins), vous y trouverez alors de nombreuses boutiques Super Potato toutes aussi garnies en trésors vidéoludiques. « Old Game is not Dead ! »