Interview de Fabien Delpiano (Pastagames)Interview


Créée en 2001 par Fabien Delpiano, Pastagames est une société de développement de jeux basée à Paris. Ayant tout d’abord œuvré en tant que prestataires pour d’autres boîtes, le jeune studio a finalement sorti son premier titre original en 2009 sur Nintendo DS : Maestro! Jump in Music. Après deux versions réduites du jeu ensuite sorties sur DSiWare et iPhone, la société a participé aux côtés d’Arkedo au développement du jeu de plateforme rétro Pix’n Love Rush, toujours sur iPhone. Lihwem pour Culture Games a eu l’honneur de s’entretenir par ordinateurs interposés le 1er juillet 2010 avec Fabien Delpiano ; l’occasion de revenir avec lui sur l’accueil obtenu par Maestro! Jump in Music mais aussi sur la vision de Pastagames concernant les nouvelles possibilités offertes par les interfaces et consoles de jeu modernes.
Culture Games : Sur votre site, vous parlez de « jeux pour l’apéro », vous pouvez détailler ce concept ?
Fabien Delpiano : Ben c’est écrit en dessous (ndlr : ça commence bien, ça m’apprendra à lire, tiens), « Des jeux vite dessinés, vite programmés, comme ça il reste du temps pour l’apéro ». C’était du temps où on faisait du homebrew, maintenant on bosse un peu plus nos jeux ! Mais on reste dans l’optique de jeux auxquels on joue de manière détendue, conviviale, « avé » les copains au moment de l’apéro, en se montrant ce à quoi on joue. On ne fait pas de jeux immersifs, graves, avec une tension dramatique terrible, tout ça, juste des petits jeux pour rigoler.
Finalement c’est un peu une philosophie qui pourrait s’apparenter à du retrogaming dans l’esprit, non ?
Ben le « retrogaming » ça veut dire des vieux jeux des années ’70/’80, à l’époque on jouait essentiellement dans des bars ou des salles d’arcade avec une clope et une bière, à l’apéro quoi !
Tout se rejoint autour de l’apéro, finalement, la boucle est bouclée.
Voilà !
Vous existez sous deux noms, Pastaga et Pastagames. Quelle est la différence et surtout, pourquoi avoir créé deux entités ?
Pastaga c’est le nom de notre ancien groupe de potes qui faisaient du homebrew. Pastagames c’est la boîte qu’on a créé après, avec un sous-ensemble de ce groupe.
Cela explique donc peut-être pourquoi Joann Sfar, qui est crédité sur le site de Pastaga, n’est pas mentionné dans les crédits de Maestro! ? Je suppose qu’il ne fait pas partie de Pastagames ?
Non, Joann n’a pas vraiment collaboré avec Pastagames, il nous avait fait des artworks pour un ancêtre de Maestro (qui s’appelait Electrixx Paaanik) mais ça s’arrête là.
Il vous a aussi fait votre logo, je suppose, non ? (au vu du style)
C’est bien un dessin de Joann, oui oui.
Harmonix a créé Guitar Hero et Rock Band parce que leur équipe est majoritairement constituée de musiciens ou au moins de mélomanes, est-ce votre cas aussi ?
Pas vraiment, j’ai fait pas mal de piano étant petit, un peu de clarinette plus grand, Fabrice joue un peu de guitare et Nadim adore la musique classique, mais c’est surtout nos copains les Yababa Smith & Fortune qui sont les musiciens du groupe. On a lancé le projet et c’est avec eux qu’on a fait en sorte qu’il tienne la route musicalement.
Ah donc, rapport à vos origines musicales, le fait que Maestro! ne contienne quasiment que de la musique classique n’est pas qu’en rapport avec la gratuité des droits d’auteur, c’était aussi une véritable volonté de l’équipe ?
Il y a des musiques qui nous tiennent à cœur dans tous les registres. La musique classique est clairement sous-représentée dans les jeux musicaux, c’était intéressant pour ça. Et évidemment c’était une absolue nécessité économique.
En effet, à part quelques pistes dans des Taiko no Tatsujin, je n’ai pas vraiment de souvenir de jeux musicaux utilisant du classique… quels jeux, d’ailleurs, vous ont influencé pendant la création de Maestro! ?
Plein ! Alors en vrac : Ouendan, Taiko no Tatsujin, Rhythm Tengoku, Otocky, Elektroplankton, Rez… et certainement plein d’autres que j’oublie !
Comment vous est venue l’idée de mélanger un jeu de rythme avec un jeu de plateforme ?
On avait fait dans Electrixx Paaanik un jeu avec un oiseau qui courait sur des fils électriques. Ça se jouait sur un téléphone des années 2000, avec une croix directionnelle.
Quand on a voulu l’adapter sur des téléphones PDA à écran tactile, on a eu l’idée de le faire sauter en pinçant des cordes. De là, pincer des cordes superposées, ça fait penser à une guitare, mais aussi à une portée. Donc on a eu envie que le grattage de cordes fasse des notes, des accords et puis on a ajouté des monstres batterie, et tout le reste a découlé.
Finalement, Maestro! c’est vraiment un projet que vous aviez en gestation depuis très longtemps. Vous ne l’avez pas sorti avant pour raisons financières ou simplement parce que vous le développiez qu’en tant que projet personnel à but non-lucratif ?
On a attendu de l’avoir fini pour le sortir et pour le finir, il a fallu trouver des sous pour le fabriquer. Et pour trouver des sous, il a fallu déjà en gagner et en économiser, et puis trouver Neko pour financer la seconde moitié.
J’avais lu votre lettre à propos du piratage massif de Maestro!. Vous avez quand même réussi à rentrer dans vos frais ?
Oh que non, on a perdu notre chemise sur la version DS. On sort cette semaine une version courte de Maestro! qui reprend essentiellement le premier monde de la version DS (Green Groove). On espère qu’elle nous aidera à limiter la casse.
Sur iPhone, je suppose ?
Sur iPhone on l’a sortie il y a 3 mois déjà, et cette semaine nous la sortons sur DSiWare.
Du coup, l’éventuel Maestro! 2 avec un mode multijoueur dont vous parlez dans Maestro est toujours d’actualité ou non ?
Maestro! 2 existera très certainement, un jour, quelque part, mais certainement pas sur DS.
Justement, que pensez-vous des nouvelles interfaces de contrôle par capture de mouvement, Move, Wiimote ou Kinect ? Ca vous inspire ?
Bien sûr, toutes ces nouvelles interfaces de jeu qui peuvent amener des gens qui n’étaient pas joueurs à le devenir sont les bienvenues ! Le pad est un outil de jeu d’une efficacité redoutable, mais force est de constater qu’il n’est pas grand public.
La Wiimote manque horriblement de précision et ramollit les gameplays de manière très désagréable pour les joueurs (quiconque a essayé de jouer à Mario Kart avec le volant me comprendra), mais elle a su amener des grands parents devant la console de leurs (petits)-enfants ; en cela, elle est remarquable. Kinect et Move auront certainement dans un premier temps les mêmes défauts et les mêmes qualités.
La DS elle, avec son écran tactile, a su amener un nouvel outil de gameplay irremplaçable, qui a créé sa propre grammaire, précis, parfait.
Et le jeu en relief, que ce soit pour les titres « HD » ou la Nintendo 3DS, vous considérez ça comme un gadget ou vous y voyez réellement la nouvelle étape majeure du jeu vidéo ?
Nous y réfléchissons (pour l’instant sans la console en main, c’est difficile évidemment). Pour l’instant nous y voyons une manière de rendre plus excitantes certaines expériences, mais nous n’arrivons pas à imaginer pour l’heure de jeu qu’on ne pourrait pas faire sans.
Quels jeux vous ont récemment marqué et quels jeux attendez-vous le plus ?
Dans des styles très différents, j’ai adoré Pixeljunk Shooter sur PSN, Surface+ sur iPhone, New Super Mario Bros sur Wii, Red Dead Redemption sur PS3, et évidemment Super Mario Galaxy 2 sur Wii.
Et dans les jeux à venir, donc ?
Nous avons tous très hâte de voir ce que la 3DS nous réserve ! Et en ce moment là où il y a le plus d’innovation et de risque dans les jeux vidéo, c’est sur iPhone, du coup on consomme tous des quantités phénoménales de jeux sur l’AppStore ! Et des surprises il y en a plein, et souvent des très bonnes !
D’ailleurs, puisque vous parlez de l’iPhone, vous venez de sortir dessus un jeu en collaboration avec Pix’n Love et BulkyPix, Pix’n Love Rush. Comment le projet est-il né ?
A la fin de Maestro! on rêvait tous d’un petit jeu classique, « de genre », simple, sans grosse innovation de gameplay. Hervé (notre graphiste 2D) rêvait de gros pixels, et nos copains d’Arkedo cherchaient un nouveau titre pour leur Arkedo Series sur le XBLIG. Tout ça mis bout à bout, ça a donné 03- Pixel! sur le XBLIG.Et puis on s’est dit qu’on aimerait bien voir notre petit Pix le Chat sur l’écran de l’iPhone. On a commencé par vouloir faire un portage, mais compte tenu à la fois de l’absence de pad et du fait que sur téléphone on préfère généralement faire des parties plus courtes, on a finalement plutôt fait une « adaptation » (assez libre du reste ). On en a causé aux copains de Pix’n Love (Florent Gorges en tête), ils étaient enthousiastes, alors on s’est mis ensemble, et ça a donné Pix’n Love Rush !
Et l’implication de Bulkypix dans tout ça ?
Bulkypix est en train de devenir un chouette partenaire dans le domaine des jeux mobiles, comme Neko l’est dans celui des consoles. Ils nous supportent (dans tous les sens), nous cofinancent des choses, et nous laissent les coudées franches pour faire nos trucs bizarres. De plus ils ont une maîtrise impressionnante des mécanismes de vente et de communication sur cet étrange environnement qu’est l’AppStore. On se souhaite encore plein de projets ensemble.