Yokoi Gunpei

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Gunpei Yokoi
Gunpei Yokoi

Gunpei Yokoi a été l’une des personnalités les plus importantes pour Nintendo dans les années 80 et 90, véritable inventeur à ses heures perdues, il se retrouva à la tête du 1er département Recherche & Développement de la firme. C’est à lui que l’on doit entre autres les Game & Watch, le Game Boy, ou encore le concept de croix directionnelle.

Les débuts chez Nintendo

L'Ultra Hand, premier succès de Yokoi

L’Ultra Hand, premier succès de Yokoi

Diplômé en électronique, il est embauché en 1965 pour gérer l’entretien des machines produisant les cartes Hanafuda, un jeu de cartes traditionnelles, à une époque où Nintendo ne faisait pas encore de jeux vidéo. Un an plus tard il reçoit la visite sur son lieu de travail du président de la société en personne, Hiroshi Yamauchi, qui découvre le goût prononcé de son employé pour l’invention de jouets. En effet ce dernier s’est amusé à fabriquer un bras extensible pendant son temps libre, l’objet séduit aussitôt Yamauchi, qui demande à ce qu’il soit perfectionné puis produit en série pour le Noël suivant. Baptisé Ultra Hand, c’est un véritable succès.

Nintendo change alors d’orientation, se lançant dans la production de jouets sous l’impulsion de Gunpei Yokoi, désormais à la tête du département R&D 1. Il semble apprécier tout ce qui est « ultra », car après l’Ultra Hand vient l’Ultra Machine, qui envoie automatiquement des balles à frapper avec une batte, puis l’Ultra Scope, sorte de périscope. Dans un style différent il inventera ensuite le Love Tester, censé déterminer le degré de compatibilité amoureuse entre les deux personnes qui l’utilisent, puis les pistolets optoélectroniques, qui agissent directement sur des cibles adaptées (par exemple une figurine de cow-boy vendue avec le pistolet) grâce à un système de flash stroboscopique.

Le succès est une fois de plus au rendez-vous, et ce concept est élargi pour être adapté à de véritables salles de ball-trap grandeur nature, mais le projet tombera malheureusement à l’eau suite au choc pétrolier de 1973 et à la crise qui en découlera au Japon.

La démocratisation du jeu vidéo mobile

Quelques années plus tard, fin 1977, Gunpei Yokoi s’ennuie dans le train et voit un homme passer le temps en tapotant sur les touches de sa calculatrice, il pense alors à un jeu qui pourrait occuper discrètement les adultes quand ils ont du temps à tuer hors de chez eux. Il vient d’imaginer ce qui 3 ans plus tard seront les Game & Watch. Il expose son projet à Hiroshi Yamauchi au cours d’un trajet en voiture, qui n’aurait jamais eu lieu s’il n’avait pas dû remplacer d’urgence le chauffeur du président de Nintendo ! Suite à cela, le département R&D 1 se lance dans le développement d’un prototype de Micro Game, nom original du projet, qui devient finalement Game & Watch lorsque son créateur y ajoute une horloge interne, l’objet faisant également office de montre (watch en anglais).

Un G&W ne contient qu'un jeu

Un G&W ne contient qu’un jeu

Le premier, Ball, sort en 1980, et sera suivi par de nombreux autres, au rythme d’environ un tous les deux mois. Les versions évoluent régulièrement, les écrans deviennent plus grands, avec des couleurs, certains G&W se jouent sur deux écrans (ils ressemblent alors à une DS), et Yokoi fait une nouvelle fois preuve d’ingéniosité en créant un nouveau standard : la croix directionnelle, pour que ses jeux puissent se refermer correctement, et se ranger dans la poche facilement sans s’abîmer, ce qui serait difficile avec un stick classique.

L’un des G&W les plus vendus est Donkey Kong, créé en étroite collaboration avec un certain Shigeru Miyamoto, et le dernier à voir le jour est Mario the juggler, en 1991. À l’époque on parle encore de « jeu électronique ».
Entre temps, à la demande de Yamauchi, il invente R.O.B., un robot en plastique qui s’utilise pour deux jeux NES en 1984, qui interagit avec l’écran grâce à un système de flashes.

La révolution Game Boy

Suite au succès mondial de la NES, Gunpei Yokoi rêve de trouver la relève des G&W, qui permettrait cette fois d’utiliser des cartouches interchangeables, pour ne plus être limité à un jeu par appareil. La réponse sort en 1989 et se nomme Game Boy. La console suit un cahier des charges très strict imposé par son créateur, qui veut absolument qu’elle soit peu coûteuse et peu gourmande en énergie. Le choix d’un écran monochrome sans rétro-éclairage fait débat, mais permet une autonomie record de presque trente heures pour quatre piles.

Game BoyGrâce à ces deux atouts hérités directement de Yokoi et de sa façon de voir la création de jeux, la console est un succès planétaire. Elle sort au Japon accompagnée d’une petite poignée de jeux parmi lesquels l’incontournable Super Mario Land, puis dans le reste du monde en pack avec le rouleau compresseur Tetris, et jouira tout au long de sa vie de nombreux titres de qualité. Ces arguments donnent raison à Yokoi, puisque le Game Boy ne sera pas vraiment inquiété par les autres consoles portables misant plus sur la technologie (avec un écran couleur notamment), mais souffrant par conséquent d’une très faible autonomie, et d’un prix de vente élevé.

Au final ce ne sont pas moins de 118 millions de Game Boy qui ont été vendus dans le monde, cette console est le coup de maître absolu de Gunpei Yokoi.

Premier échec et départ de chez Nintendo

1994, La Saturn et la Playstation arrivent, mais la Nintendo 64, développée par le département R&D 3, n’est toujours pas prête, c’est alors à Yokoi d’occuper le marché, chose qu’il tente avec le Virtual Boy. Une fois de plus, le directeur du département R&D 1 suit son propre cahier des charges afin de limiter les coûts au maximum, en utilisant des technologies déjà connues avec l’ingéniosité qui lui est propre.

Il invente donc ce casque de réalité virtuelle (très en vogue au début des années 90, mais délaissée par les autres constructeurs), qui permet de créer un effet 3D grâce à deux écrans, composés de LED rouges car les écrans couleur à cristaux liquides sont bien trop chers et font mal aux yeux. C’est malheureusement un échec total dès sa sortie en 1995… En raison de la nature des écrans, les jeux, d’ailleurs peu nombreux, sont uniquement en teintes de rouge et en noir, et le casque semble provoquer vertiges et nausées chez les utilisateurs. De plus, le produit est présenté par la presse comme une nouvelle console hi-tech pour gamers, alors que pour son créateur, c’est un simple jeu à destination d’un large public désirant découvrir de nouvelles sensations, la déception du public n’en est que plus grande.
La production est rapidement arrêtée, le Virtual Boy ne sera même pas commercialisé en Europe.

À gauche : le Virtual Boy À droite : Le jeu Mario Clash

A gauche : le Virtual Boy
A droite : Le jeu Mario Clash

Gunpei Yokoi quitte Nintendo en 1996, mais ne part cependant pas sur cet échec. Il améliore son plus grand succès et créé le Game Boy Pocket, plus petit et compact mais gardant la même taille d’écran, plus lumineux, plus léger, et beaucoup moins cher. Pokemon aidant, le succès est bien au rendez-vous, et Yokoi peut partir l’esprit tranquille pour fonder sa propre société : Koto Laboratory. Il y crée de nombreux jeux et autres gadgets, ainsi qu’une console portable pour le compte de Bandai : la Wonderswan, qui sortira à titre posthume. Car oui, Gunpei Yokoi va malheureusement périr dans un accident de la route le 4 octobre 1997.

La pensée latérale des technologies désuètes

Derrière cette formule qui peut paraître un peu abstraite se cache toute la philosophie de Gunpei Yokoi, et par extension, celle de Nintendo. L’idée est d’utiliser des technologies prétendument dépassées, qui sont donc peu chères et déjà maîtrisées par les développeurs, afin de créer quelque chose d’innovant. Le premier exemple parfait est le Game & Watch, qui utilise des écrans similaires à ceux des calculatrices, et qui d’ailleurs relancera la production de ce type de LCD qui devenait obsolète.

Cette façon de concevoir le jeu se retrouve encore après sa disparition. Dans les années 2000, face à Sony et Microsoft qui misent tout sur la puissance, Nintendo sort la DS et la Wii, cette dernière particulièrement a beaucoup été décriée pour ses capacités techniques bien inférieures à celles de la Playstation 3 et de la Xbox 360, pourtant les chiffres sont là, elle s’est vendue à environ 20 millions d’exemplaires de plus que ses concurrentes.

Gunpei Yokoi prototypeYokoi a toujours voulu créer des jeux accessibles au plus grand nombre, en misant sur une prise en main facile et inédite, ainsi que sur un faible coût grâce à des technologies déjà connues, son influence est donc indéniable, on peut même parler d’héritage.

Nous lui devons également certaines séries de jeux qui ont traversé les générations, telles que Metroid, Kid Icarus, ou encore les jeux Wario. De plus, il a été le mentor de Shigeru Miyamoto, et a collaboré de très près avec lui afin de créer Donkey Kong, puis Mario.

L’empreinte de Gunpei Yokoi dans le monde du jeu vidéo est donc énorme, il a véritablement inventé certains standards, et d’une certaine façon, a contribué à façonner le jeu vidéo tel qu’on le connait aujourd’hui.