Retour sur la première compétition eSport de l’HistoireCapsule Temporelle

RETOUR SUR LA PREMIÈRE COMPÉTITION ESPORT DE L’HISTOIRE
Le monde du jeu vidéo n’a pas attendu League of Legend pour se mettre à l’eSport. Retour sur les Intergalactic-spacewar-olympics de 1972.
Le 7 octobre 2016, la France, sous l’impulsion de la secrétaire d’État Axelle Lemaire instaure sa loi pour une République numérique. Au cœur de celle-ci, une législation toute nouvelle de l’eSport qui créait notamment un nouveau statut pour les joueurs professionnels salariés de jeux vidéo. Forcément, le sujet fait beaucoup parler à l’échelle nationale et nombreux sont ceux qui découvrent alors l’aspect compétitif du gaming. Évidemment, vous ici qui avez tous grandi avec une manette dans la main étiez déjà au courant que la discipline existait. Saviez-vous en revanche que le premier tournoi officiel sur un jeu vidéo remontait aux années 70 ?
Le 19 octobre 1972, Pong, le premier jeu vidéo commercialisé à grande échelle dans le monde n’est même pas encore dans les rayons et n’arrivera qu’un peu plus d’un mois plus tard. Ce jour-là, il se trame quelque chose dans l’ombre du campus de Stanford, l’une des universités les plus sélectives des Etats-Unis située au cœur de la Silicon Valley et au sud de San Francisco. C’est ici qu’aura lieu la première compétition vidéoludique de l’Histoire avec les « Intergalactic-spacewar-olympics ». Hein ? Comment une compétition eSportive peut voir le jour alors qu’aucun véritable jeu vidéo n’existe ? Attendez un peu qu’on vous explique…
L’histoire commence en 1961, quand un dénommé Steve « Slug » Russell, ingénieur informatique employé du MIT (Massachusetts Institute of Technology) cherche une manière de mettre en avant les capacités de la machine sur laquelle il travaille, l’ordinateur PDP-1 de la société DEC. Il imagine alors une simulation de bataille spatiale entre deux vaisseaux, nommés « the needle » et « the wedge » en plein coeur d’un champs d’étoiles. Le but est simple : prendre les commandes de l’un d’entre eux pour détruire le vaisseau adverse. Et oui, le premier film Star Wars, l’épisode 4 ne sortira que seize ans plus tard, mais les conquêtes spatiales fascinent déjà !

Steve Russel, J.M.Graetz et Wayne Wiitanen, les trois concepteurs du jeu lors des premiers essais de Spacewar!
QUE LA COMPÉTITION COMMENCE !
On vous a déjà parlé de Spacewar! sur Culture Games. Non-content d’être le premier jeu vidéo ambitieux, c’est bel et bien sur celui-ci qu’a eu lieu la première compétition eSport de l’Histoire. Copié et mis en service sur le campus de Stanford en tant que programme de démonstration de base pour montrer à un plus large public les capacités graphiques sophistiquées du système PDP, le soft devient très vite populaire. À tel point que quelques jours plus tard, un flyer distribué aux étudiants annonce qu’une grande compétition va avoir lieu :
Le premier ‘Intergalactic spacewar olympics’ se tiendra ici, au laboratoire d’intelligence artificielle de l’université de Stanford, le mercredi 19 octobre, à 20 heures. Le premier prix sera un abonnement d’un an au magazine Rolling Stone. L’événement sera couvert par le journaliste Stewart Brand, de Stone Sports et la photographe Annie Liebowitz. Bière gratuite !.
Il ne faudra pas plus que cette annonce pour attirer les foules. On n’en était pas encore à remplir des stades comme peuvent le faire les Worlds de League of Legend, mais il fallait bien commencer quelque part. Au total, ce sont 24 joueurs qui se sont rencontrés pour donner vie à la première bataille spatiale vidéoludique de tous les temps. Les affrontements se sont déroulés en équipe, mais aussi chacun pour soi puisque l’Histoire se souviendra que Slim Tovar et Robert E. ont remporté le tournoi en duo, tandis que Bruce Baumgart s’est imposé dans la compétition en solo.
Dans les colonnes du magazine Rolling Stone promis au vainqueur, le journaliste Stewart Brand présent sur place n’a pas manqué de décrire l’effervescence qui régnait dans les locaux de Stanford, non sans une légère pointe de sel, vous en conviendrez :
À tout moment de la nuit (en dehors des heures ouvrables) en Amérique du Nord, des centaines de techniciens en informatique sont hors de leur corps, enfermés dans un combat à mort face à un ordinateur, ruinant leurs yeux pendant des heures, engourdissant leurs doigts en appuyant frénétiquement les boutons de contrôle, tuant joyeusement leur ami et perdant le précieux temps de leur employeur. Quelque chose est en route.
Brend avait vu juste : même s’il a posé les bases d’un discours hostile qui fera date parmi les détracteurs les plus acharnés du jeu vidéo, il a compris que l’Histoire était en marche et que le futur dixième art allait devenir l’un des produits culturels les plus appréciés du monde dans les années à venir. Pour sa défense, il a tout de même souligné l’état d’esprit bon enfant de la soirée, lui qui mentionne “beaucoup de rires, d’applaudissements et d’accolades » entre les participants. Les rageux qui balancent leur manette, cassent leur clavier, leur écran ou insultent leurs adversaires après une défaite, prenez-en de la graine !


