[Expo] VideoGame Story : un démarrage bien décevantSors mon Geek

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Alors que la majeure partie de la planète a les yeux rivés sur un écran, non pas pour jouer, mais pour regarder la Coupe du Monde de Football, je me suis laissée tenter lundi soir par « VideoGame Story : la plus grande expo sur l’histoire du jeu vidéo ». Rien que ça… Ouverte au grand public jusqu’en septembre prochain, elle est organisée par l’agence de communication VPCOM représentée par Vincent Perez et par Jean-Claude Larue anciennement délégué général du S.E.L.L. (le syndicat des éditeurs des logiciels de loisirs). Pour l’élaboration de cette exposition, ils ont bénéficié de l’aura de celle qui s’était tenue au Grand Palais en 2011. Malgré un mauvais accueil par nos compères de Consollection, Culture Games se devait d’aller y faire un petit tour. Alors, est-ce vraiment si mauvais ?

L’antichambre

L'antichambre

L’antichambre

Avant de commencer l’exposition, il est possible de patienter et s’échauffer dans une vaste salle comprenant bornes d’arcades de plusieurs générations et consoles plus ou moins rétro. Au centre de celle-ci, des poufs pour s’avachir et regarder au loin, très loin, les autres visiteurs jouer. On y retrouve du classique comme Street Fighter et du plus récent comme Rayman Legends. De l’autre côté, on peut s’essayer à des jeux sur consoles allant de la Master System à la Xbox 360 comme Prince of Persia sur PS2, Oddworld : l’odyssée d’Abe sur PS1, Dynasty Warriors 8 sur Xbox 360, Super Tennis sur Master System… Bref, il y a de quoi passer un bon moment avant de se lancer véritablement dans l’exposition.

Retour vers le passé

Ralph Baer

Ralph Baer

Une photographie grand format de Ralph Baer nous accueille vers la première partie « Retour vers le passé », ce qui semblait s’annoncer merveilleusement bien. La première pièce présentée n’est autre que l’une des créations de ce grand monsieur, la Magnavox Odyssey souvent considérée comme la première console de jeu vidéo. Un peu isolée et sans notice explicative pour la présenter, je n’ai vu qu’un cartel informant que le guide de l’exposition est disponible en téléchargeant une application sur smartphone. Malheur à moi, j’ai un BlackBerry et comme chacun le sait, les applications ne sont pas ses meilleures amies…

Le temps des jeux électroniques...

Le temps des jeux électroniques…

Qu’importe, je continue et pénètre dans une salle qui présente des consoles, bornes d’arcades et ordinateurs personnels de premières générations ; Apple II, Philips Videopac C52, Univox, TV Game 6, Atari 2600 et 7200, etc. Un plaisir que de tester ces vieilles bécanes qui ont bâti l’actuelle industrie vidéoludique. Cependant, et à mon grand regret, certaines d’entre elles étaient hors d’usages ; scellées derrière des vitrines, interdiction de toucher, écrans défaillants ou non alimentés…

S’en suit une succession de consoles de salon avec pour vedette la NES, non pas pour sa valorisation mais par son nombre. A ses côtés, la PlayStation, la N64, la SNES, la MegaDrive, la Xbox 360, le Game Cube, des PC, des bornes d’arcades… de bien belles machines disposées un peu aléatoirement au fil des longs couloirs, il faut bien l’avouer. Les titres phares et attendus sont présents, ne révélant ainsi aucune surprise.

Classico-classique.

Classico-classique.

En errant avec quelques interrogations à travers ces espaces, je me suis quand même régalée à rejouer sur les plateformes d’origine, notamment sur la NES avec Double Dragon, Super Mario Bros. 3, Duck Hunt avec le pistolet NES Zapper Light Gun, etc.

Vers la fin de ce « Retour vers le passé » un peu dégarni, surprise ! Je me trouve devant ce qui pourrait s’apparenter à un autel dédié à Lara Croft. Des figurines, différents jeux de la série, des artworks, des statues de trois mètres…  On tombe sur cet espace bien fourni et fouilli, sans trop savoir pourquoi. Ayant tout cela à disposition, peut être que les organisateurs ont décidé de tout rassembler, sans sélection.

Évolution de Lara Croft

Évolution de Lara Croft

Enfin, arrêtons la nostalgie et dirigeons-nous vers le présent, quoique..

Le futuro-past-présent

une colonie de PC a pris possession des lieux

une colonie de PC a pris possession des lieux

Finis les couloirs, bonjour les espaces ouverts. Au fond de la salle principale, on trouve une scène (très certainement prévue pour des animations).

Des toiles et artworks de la saga Final Fantasy sont exposés mais non valorisés par le manque de lumière. De plus, une question reste en suspens ; En quoi des dessins de Final Fantasy VII, jeu sorti sur PlayStation en 1997, a sa place dans l’espace présent ? J’ai du louper quelque chose là encore…

Egalement, les jeux indé sont à l’honneur et bienvenus avec leur espace dédié où il est possible de jouer à des références comme Fez.

Les jeux vidéo portés sur TV et tablettes

Les jeux vidéo portés sur TV et tablettes.

Des consoles de dernières générations Sony et Microsoft sont présentes mais nulle trace de NintendoLa Wii U serait-elle déjà enterrée ?

Il est aussi question de prendre en compte les nouveaux enjeux de l’industrie du jeu vidéo avec notamment celui des plateformes nomades, des tablettes, et du cloud gaming sur TV comme l’Apple TV.

Si on se dirige vers le « Départ vers le Futur », on trouve encore des PS4, des Xbox One (toujours pas de Nintendo) et des nouvelles technologies entre autres pensées par la société Intel.

Ceux qui étaient présents à la Geekopolis pourront retrouver l’Oculus Rift (je ne l’ai pas vu cela dit) ou encore la harpe numérique. Il y a également une salle avec deux très grands écrans pour regarder Game One en reportage à l’E3 2014 et une chaîne asiatique. Le futur ? Je ne sais pas mais une chose est sûre, les banquettes étaient très confortables.

Donc si on résume un peu :

Ok je schématise un peu, il y avait l’Oculus Rift et Orange qui proposait ses nouveaux services. Mais cela suffit-il ?

En sortant de ce dernier espace et avant de quitter définitivement l’exposition, il y a le passage obligé des éternels stands de vente : des figurines, des vêtements, des accessoires, des sushi…

Le futur avec Orange ou Ikea ?

Le futur avec Orange ou Ikea ?

Une exposition ?

PC Engine, Spectrum, TV Game 15, Sanyo ordinateur virtuel… Une bien jolie collection mais…

PC Engine, Spectrum, TV Game 15, Sanyo ordinateur virtuel… Une bien jolie collection mais…

Il y a de quoi se poser cette question toute simple : s’agit-il véritablement d’une exposition ? Ma réponse, aussi personnelle soit-elle, est non. Je m’appuie sur la définition donnée par le Louvre : « Elle [l’exposition] réunit un ensemble d’objets, faisant ou non partie des collections du musée, autour d’un thème, d’une idée, d’un fil conducteur. En ceci, elle constitue un discours de la part de ses concepteurs et doit orienter le visiteur vers la construction d’un sens. » Cela s’applique particulièrement aux musées me direz-vous. Mais cela n’exclut en rien le principe même d’une exposition : véhiculer un message, retracer une histoire et éduquer ses publics. C’est ça la différence entre une exposition et un entrepôt de collections.

Mais si, vous voyez bien qu’il y a du décor ! Cherchez bien !

Mais si, vous voyez bien qu’il y a du décor ! Cherchez bien !

Tout d’abord, il n’y a pas de vrai fil conducteur. La chronologie, choix de parcours annoncé par ses différents espaces et le thème même de l’exposition, « l’histoire du jeu vidéo », ne sont pas respectés. On ne nous propose que des accumulations et des allers-retours dans le temps sans logique. Étonnant pour une exposition qui annonce retracer l’histoire du jeu vidéo de manière chronologique, n’est-ce pas ? Parfois, différents épisodes d’une même série sont présentés sur des supports de plusieurs générations, comme Tomb Raider, Zelda ou les jeux de Tennis sur Master System et MegaDrive. Un essai pour montrer l’évolution d’une licence ? On ne sait pas, puisque le public doit deviner la pertinence des installations par lui-même.

Elles sont belles.

Elles sont belles.

A cause de ce manque de clarté, on se demande quel est le discours des organisateurs. Pensaient-il vraiment, à travers ces installations, transmettre un contenu, un savoir quelconque ? Pour cela, il aurait fallu donner des informations et mettre en scène ces collections qui appartiennent à un thème commun : le jeu vidéo. Son univers manque à l’appel par des éléments de décor quasi inexistants ; une petite peluche par ci, un bout de carton par là, une statue tapie dans l’ombre… Mis à part la salle dédiée à la série Tomb Raider qui fait office d’ovni, ce sont des successions d’espaces noirs, vides, tous semblables. Ce manque de valorisation empêche l’immersion et l’échange, la transmission entre les concepteurs de cette exposition et ses publics.

Autre point, certaines machines ne pouvaient être manipulées. Je pense à la famille des Game Boy et anciennes consoles rares (justement intéressantes à tester !) qui étaient condamnées dans une vitrine ou accompagnées d’un avertissement de ne pas toucher. Le comble pour un jeu vidéo qui est avant tout une expérience interactive et qui ne peut être juste regardé pour être pleinement apprécié et compris. A se demander quelle définition du jeu vidéo est donnée ici…

Pas touche.

Pas touche.

Enfin, ce manque de discours va de paire avec un manque crucial de médiation. Comment les visiteurs sont-ils orientés dans cette vaste superficie ? Les accompagnements se font rares.  Il n’y a pas de panneaux explicatifs sur les trois quarts des jeux et machines exposés. Pour avoir accès à l’audioguide, il faut se munir de son propre équipement ; un smartphone compatible avec l’application à télécharger. Dernier recours pour avoir des explications ? Le personnel. Sauf qu’une partie fuit son public et l’autre, malgré de la bonne volonté, n’est pas à la hauteur pour remplir son rôle de guide (en tout cas pour ceux avec qui j’ai pu échanger).

Il ne s’agit là pas d’une exposition ! A ce compte-là, j’entasse tous mes jeux et bouquins au hasard ici et là dans mon jardin et je plante une pancarte « EXPOSITION, entrée : 40 euros ». Est-ce cependant une très bonne salle de jeu ? Oui. Car même si certaines pièces ne sont pas manipulables, il est tout de même possible de jouer avec des machines qui sont difficilement accessibles au grand public de par leur rareté et/ou leur coût élevé.

Quand je demande pourquoi il y a peu d’information et de parcours clair dans cette exposition, on me répond que les collectionneurs qui ont prêté leurs collections ainsi que l’entreprise qui organise l’exposition ont fait le nécessaire mais que ce sont les fournisseurs des mobiliers et installations qui ont eu un jour de retard. Ha et puis, écrire des petits cartons à côté des œuvres exposées, ça prendrait trop de temps. Oui madame, monter une exposition, ça prend du temps effectivement !

En résumé

Alors oui, il s’agit d’une grande « exposition » ; 45 000 m² d’espace et environ 400 consoles. Grande exposition en chiffres donc, mais pas en qualité. Les organisateurs ont rendu publique une exposition qui était loin d’être aboutie. Il aurait fallu une organisation à la hauteur de la publicité qui a été faite avant son ouverture. Donc si vous avez envie de jouer, allez-y. Si vous voulez vous instruire, fuyez. Mais rassurons-nous, nous avons jusqu’à septembre pour en voir les améliorations. Les organisateurs se sont eux-même excusés officiellement sur leur page Facebook. On attend de voir la suite.