Troll du Mois #01 : Le Trolling et l’état actuel du jeu vidéoTroll

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Troll du Mois #01
Troll du Mois #01
Jesus & Sonic

Sega c’est plus fort que Lui.

Du Troll

TableauTroll

Un petit tableau pour se rendre compte… :)

Le trolling c’est un art, une consécration autant pour le trou de fesse style goupil en besoin de reconnaissance que pour l’intellectuel raté et frustré par le manque de sens critique de ses contemporains. Mais au final c’est souvent un peu des deux: Le trou de fesse a toujours besoin d’un peu de culture sinon de psychologie pour savoir comment faire réagir le quidam et l’intellectuel qui se voue à cet exercice est sans doute lui-même un trou de cul puisqu’il a besoin d’un vecteur extérieur à ses discours polémiques.

Terme certes récent et informatisé, de nos jours le troll est devenu à la mode et il est de bon ton d’être une langue de pute à la verve habile afin de passer pour quelqu’un d’intelligent, d’indépendant et qui s’assume: Humilier les autres, ça a de la classe. On a besoin d’évacuer sa frustration et de faire grossir son égo au détriment des autres. Au mieux, on essaie de faire son intéressant en collant des trollfaces partout accompagnées de petits piques pas trop méchants. Mais n’y a-t- il pas quelque chose de plus chez cette charmante créature d’origine scandinave ?

Il y a le bon troll et le mauvais : Le premier dort sur ses deux oreilles du dur labeur accompli, de la catharsis provoquée, du code brisé engendrant le mouvement de conscience et le second se gargarise – voire se blesse – de la réaction disproportionnée de son auditoire, ne sachant jamais lâcher prise comme une sangsue qui se veut débonnaire. Le premier est un médecin au scalpel, le second est un malade que se la joue Zerg rush. Un psychologue doit savoir troller et se troller pour avancer, tout comme un philosophe ne saurait pratiquer l’autodérision et le rire obligatoire à toute pensée saine sans le trolling.

Le troll représente au niveau fondamental la force contraire, la farce carnavalesque, le fin esprit s’insinuant dans l’ordre bien pensant. Bouffon du roi s’ il est hardi et doué, il est dans son expression la plus digne une force saine et les prêtres catholiques le savaient eux-mêmes lorsqu’ils permettaient une fois l’an aux paysans de processionner jusque dans l’église en singeant le mythe chrétien, costume d’âne sur le galbe. En ce jour du poisson, l’Ichtus balance: Comme toute chose en ce monde, il a sa force positive.

Dangerous+CerealGuy

Yes it’s dangerous to go out without a little thinking !

Du Jeu

Aujourd’hui, le jeu vidéo est en état de coma profond voire de décès. C’est devenu presque exclusivement une affaire de pognon et les femmelettes défenseures d’une ouverture d’esprit absurde et de l’habituelle neutralité bien pensante n’iront pas à contre courant : ça donne l’air d’être sage de répéter ad nauseam que tout va bien ou que « y’a du bien mais aussi du mal » avec une rétrospective journalistique qui n’explique rien dans le fond mais se contente d’énumérer des faits comme une machine : Merci docteur, merci Président. Ils ont bien appris leur « thèse-antithèse-synthèse » à l’école et comme le concept a été plus appris que compris, on l’applique débilement. Limite on ira dire pèle-mêle ici et là que « Oui, le jeu vidéo de nos jours a ses faiblesses mais c’était pareil avant« , que « bouh les développeurs y font que mettre des dlc et ils prennent les joueurs pour des vaches à lait« , ou bien que « Attends, regarde les progrès graphiques et la prog’ est quand même vachement plus pro’ t’as vu ? » mais aussi « Y a pas que du mauvais et les boites indés’ ?». Tout ça, c’est de la rhétorique, un faible demi-constat qui ne tente pas d’aller au fond des choses et qui rassure le chaland de la pensée.

Il faut d’abord noter et constater qu’étant donnée la médiocrité de nos contemporains – car on conviendra que notre époque moderne a explosé la limitation de vitesse vis à vis de la morale et de l’esprit – ce malheureux fait n’ira pas en s’arrangeant : les générations sont de plus en plus débiles, le cerveau cramé à l’inculture télévisuelle et à sa fainéantise érigée en idole et c’est bel et bien pour cette masse qu’on fait des jeux. Depuis quand des artistes se vendent pour se sentir bien dans leur peau ? Et ils se croient géniaux. Rimbaud leur aurait pissé dessus.

« Un exemple parmi tant d’autres: Ces six derniers mois, je me suis amusé à me retaper les Final Fantasy ; franchement quoi de plus frustrant que de voir le résultat d’un dix qui atteint des sommets dans le vide galactique vidéoludique et qui multiplie les pirouettes pour nous donner l’illusion d’une créativité. Si ma gorge s’est nouée sur les opus précédents, je suis là tombé bien bas dans la médiocrité: cet imbécile de Tidus et cette nunuche épique de Yuna ont autant de personnalité qu’un sèche serviette et leur pseudo histoire d’amour à peine digne des poncifs d’Hollywood me fait sourire, dire que j’ai payé pour cette chose, une honte. Putain et le scénar’ quoi bon sang ! Aller, je donnerais la moyenne pour leur système de combat et le sacro-saint sphérier qui aura au moins le mérite de rendre la chose propre et bien maitrisée… si c’est une qualité, car la perfection de forme déserte souvent l’art. J’ai une demi-molle quand je vois Auron c’est déjà ça.
 
Far Cry 3, Batman Arkham City, Dishonored (J’ai pas encore eu le courage d’installer Tomb Raider), autant de nullités vides comme les films, mangas ou livres récents qui envahissent nos bacs et on ne se rattrape pas avec toutes ces productions au rabais bien sympathiques mais tout aussi vides: Legend of Grimrock ? Il aurait été bon en freeware même si il a au moins un semblant d’âme. Au fait, même si les personnages me font penser à un troupeau de chèvres lobotomisées le meilleur FF c’est sans conteste le huit n’en déplaise aux fanboys du jeu le plus mal traduit de tous les temps et à ceux du « Plus c’est vieux mieux c’est ». La mise en scène est la meilleure et l’histoire la plus intéressante, la mieux construite narrativement parlant. Ouais, faut vraiment jouer comme une pine pour trouver le système de vol rébarbatif… »

Non, limite, le joueur d’aujourd’hui s’il a encore un gramme de cervelle, d’expérience dans le jeu vidéo et surtout de sens artistique, se retrouve dans la situation d’un Juif errant vidéoludique : triste sire rendu immortel par quelques visions de félicité à la recherche d’une moelle messianique de remplacement, seule capable de sustenter son âme esseulée. De villes en villes, il ne croisera que des jeunes émos qui ont sorti de l’underground la culture geek à coup de « lol » pour en faire une bouillasse indigeste et hyper commerciale. Leur avis vaut autant que la philosophie de vie d’un ado’ en pleine époque touche pipi ou d’un quinquagénaire frimeur qui a tout vu, tout fait et qui impose sa pensée aux autres comme un aveu d’échec à sa propre existence moisie: Dans les deux cas c’est un viol des consciences, une tentative kamikaze de mettre avec eux dans le même gouffre d’ignorance ceux qui l’écoutent : « Si j’échoue, ce ne sera pas seul« . Oui, le Juif errant s’en prend plein le cul et il ne doit pas se plaindre : ça irait à l’encontre du plaisir des autres, voire il s’empêche d’avoir du plaisir. Quand tu n’es plus avec l’amour de ta vie, faut bien se résoudre à faire semblant d’apprécier une gourdasse hein ?

Sappeur Gay

Totalement.

Réinstall it

Un autre tableau tout aussi instructif sur notre triste état… ;)

Alors venons en au fait, la passion dans tout ça ? Les choses faites sans amour sont des choses mortes car dépourvues de vie et la vie, c’est ça que tout artiste tente de transmettre à ceux qui voient son œuvre. Quelle vie de nos jours dans une production faite par une armée de type décérébrés qu’on engage à la prestation ? « Va programmer les orcs« , « Skin moi des nichons pour cette babe« , « Remplis les écrans de chargement avec des vannes qui font style qu’on est une équipe soudée et rigolarde« . Genre tu fais des graphismes sans âme pour cacher un fond dégueulasse, tu stéréotypes bien le style des personnages à grand coup de réalisme de plus en plus poussé et d’une définition de plus en plus lourde. Notre imaginaire est attaché au tripalium au travers d’un brulant viol sauvage des formes et des couleurs, opérant un jeu malsain via la synesthésie. La plupart des concepteurs l’ignorent et sont tout heureux de le faire, remplissant mécaniquement leurs pixels d’environnements superflus noyant la volonté artistique graphique originelle. Ah les trous de fesse !

Tu l’as vue la différence entre un écran de chargement de Baldur’s Gate et de Dragon Age ? Va comparer un Baldur’s Gate Enhanced édition, prodigieux foutage de gueule intergalactique à un Arcanum ou à un Arx fatalis qui avaient au moins le mérite d’innover ? J’en viens même à craindre ce que va donner un projet kickstarté tellement la tête de l’équipe me revient pas. D’accord, on ne demande pas aux dév’ d’avoir des visages de saints, mais la physiognomonie nous apprend à différencier dans les grandes lignes l’opportunisme du génie et là, pas besoin d’aller voir le sillon interfessier de ces mecs pour finir de s’en convaincre. A titre symbolique Black Isle est loin derrière, c’est ça le gros souci. Aujourd’hui ce qu’on aime, c’est copier-coller pour la centième fois ces idées approuvées par la team marketing. La créativité, l’innovation, la prise de risque, l’amusement, au trou ! C’est devenu un travail de professionnels et la majorité des consommateurs sont prêts à bouffer la merde qu’on leur jette entre les dents: Pas de faux constat, c’est ainsi et de pire en pire à mesure que s’accélère notre société de consommation mondialisée.

Ouais, ça fait un sacré bout de temps que je n’ai pas eu la joie d’entendre un « Heads up Jc ! » qui chante à mes oreilles comme la mélodie d’un futur massacre style « headshoot-dent-du-dragon-fufu » et « Scénario de ouf multifacette que je redécouvre même à mon huitième lancement ».

A une certaine époque, entendre un « Que voulez-voooouuuss ? » en boucle de la part d’un villageois de Balmora me faisait presque plaisir, une bonne partie d’un Heroes of Might and Magic3 des heures durant ne me fait toujours pas de mal et je dois aussi dire que me poser pour la dixième fois cette question: « Qu’est-ce qui peut changer la nature d’un Homme ? » en l00tant le boss de fin avec ma sag’ ne me lassera jamais. On croirait qu’il ne reste plus que le public pour rattraper les bourdes des développeurs (Même si là, les loups me mettent encore la race alors que les Gargouilles se font allumer, mais ça c’est une autre histoire…), enfin s’ils nous en laissent l’occasion, parce que de l’éditeur de modules complet comme pour Neverwinter, désolé mais j’en ai pas encore revu et ça va pas aller en s’arrangeant vu le futur qui se profile.

GodHand Edit Planescape

Un petit God Hand Edit ça fait jamais de mal…

Elle est où l’époque où à l’instar des contes de fées, un personnage était si évocateur de quelque archétype universel que lorsque j’avais fini un jeu, je courais me renseigner sur lui pour en apprendre plus, choper des goodies et en parler avec mes potes ? Oh certains me balanceraient la rengaine habituelle du daron drogué aux lapalissades: « Quand on est jeune c’pas pareil, on n’a pas le même recul sur les choses, tout est vécu plus intensément, moi aussi je préfère mon époque, les seventies ça avait de la classe, chaque époque a ses référents ». Balivernes ! C’est un argument qui n’a de validité que pour ceux qui ne savent pas s’en départir: avant de réfléchir un peu sur un sujet et qu’on pose ses bases et ses limites, on fait en sorte de se déconditionner des agents perturbateurs du jugement, l’épochè c’est pas pour les chiens ; même si les philosophes modernes prennent leur pied à l’oublier et à prostituer la vérité sur l’autel du mercenariat mental en faveur des lobbys de décérébrés.

Pour les jeux vidéo c’est devenu pareil : on défend un certain conformisme, telle ou telle école de pensée, telle marque. On défend même ses goûts, c’est ridicule, les goûts de chiotte de certains feraient mieux de rester là où ils sont : dans leur gorge pleine du foutre de leur cousin actionnaire chez Ubisoft. On a le droit d’avoir des préférences personnelles quand on a des goûts surs et ces derniers sont transmis par une véritable démarche de débrouillage de sa psyché, par la volonté d’aller toujours plus loin et plus fort dans l’émotivité et la réflexion, sans ça, on tourne à vide et on aboutit sur une branlette digne de l’art moderne. Rien à faire, l’humanité n’avance ici pas plus qu’ailleurs : un simple éternel recommencement cyclique ascendant, une « gomorrhisation » forcée de l’âme et de l’esprit là où l’art demande une transcendance immédiate et définitive.

Du reste

Alors oui, je joue encore aujourd’hui parce que c’est un besoin, parce que Alchimiste, je sais faire de l’or avec de la merde et que je peux grâce à mon imagination combler le vide laissé par les concepteurs. Je me fais co-créateur du jeu lui-même et c’est acceptable, mais dans un équilibre parfait, un jeu doit pouvoir nous rendre passifs, nous posséder, nous faire transcender même notre notion du connu et de l’inconnu et faire sortir de nous le pire et le meilleur, en bref nous créer. Que la production actuelle s’adapte à son auditoire je ne suis pas contre, mais l’art a ses gradations, ce n’est pas une affaire de pure subjectivité horizontale comme voudraient nous le faire croire les bobos du jeu vidéo. Oui, un tel pourra avoir quelque réaction face à du Marc Levy ou à du Skrillex, mais le fait est que fondamentalement, les véritables chefs-d’œuvre de notre littérature et de notre musique peuvent faire mieux, plus fort et à plus de monde. Ce qui m’inquiète, c’est plutôt que ces poubelles ambulantes de l’art aient un quelconque effet – même bénéfique ou maléfique – sur mes contemporains, que ce soit ça qui les « crée ». Même si je crois qu’au final j’en demande déjà trop niveau interaction avec un objet, puisse-t-il être d’art car comme je le disais plus haut, c’est demander à une armée de zombies de s’émouvoir d’une sculpture de Michel-Ange.

C’est peut-être ça le problème : un manque d’empathie, d’unité avec l’objet de la passion. On ne voit plus ou pas le jeu vidéo comme ce qu’il est : une création Humaine, un art censé transformer l’Homme. C’est devenu un bien de consommation, comme les relations Humaines, la culture, la vie elle-même. Oui, le problème final et central consiste en cela qu’aujourd’hui plus que jamais dans notre être où Mammon est roi, le public a ce qu’il mérite. Vu comme c’est goupillé, ça n’augure rien de bon et quelques baffes dans la gueule pour les uns et des câlins de consolation pour d’autres sont à prévoir… Si on ne peut plus compter sur les artistes pour nous guider c’est au cœur de l’Homme de changer. La production s’adaptera de gré ou de force et c’est par le trolling que le mouvement est amorcé, par la culture que le premier pas est fait : C’est cette forme d’expression que Maître-Troll vous propose et cette culture que Culture Games se propose, quant à elle, de partager.