Interview de Vadu Amka : « La customisation est avant tout un passe-temps »Interview

Cette semaine, Culture Games met à l’honneur Half-Life et la Dreamcast. Pourtant, le célèbre jeu de Valve n’est jamais sorti officiellement sur la console de SEGA. En effet, alors que le développement du soft était presque achevé, la Dreamcast faisait face à son triste destin. Valve décida donc de stopper le développement de la version Dreamcast de Half-Life qui devait, en plus, proposer un stand alone nommé Blue Shift (qui sortira finalement sur PC). Nous étions en 2001.

Quatorze années plus tard, Culture Games propose à ses lecteurs de découvrir Half-Life sur une Dreamcast entièrement relookée par Vadu Amka, figure montante de la customisation de consoles (site officiel par ici). L’occasion pour nous d’en apprendre un peu plus sur cette artiste belge dont l’immense talent impose le respect.
 

Salut Vadu ! Tout d’abord, pour ceux qui ne te connaissent pas encore, pourrais-tu te présenter et nous décrire ton activité ainsi que ta relation avec le jeu vidéo ?

Salut Ristou ! On me retrouve facilement sur la toile sous le pseudo de Vadu Amka, ce même pseudo qui est en partie un anagramme de mon véritable prénom et nom. Je suis graphiste et plasticienne, l’une de mes activités est la customisation d’anciennes consoles de jeu, qu’elles soient portables ou de salon. Je travaille exclusivement avec des matériaux de récupération et des consoles promises à la benne mais qui méritent tout de même une tentative de lifting !
 
 
 

Mes influences sont liées au street art et au triangulisme.

Quelle a été ta première création et comment t’est venue l’idée de customiser des consoles et des jeux ?

Mon premier projet était un cadeau personnalisé, je customisais déjà un tas d’objets et je les détournais de leur fonction première. C’était vraiment une première pour moi de m’attaquer à une console; la PlayStation moutarde. L’idée a tout de suite plu et mes amis ont commencé à me demander des dessins et des personnalisations sur leurs anciennes machines. *sourire*

Quelles sont tes principales influences ? Y a-t-il des artistes qui t’inspirent pour tes customs, voire d’autres customeurs ?

Mes influences, surtout sur toile sont liées au street art et plus récemment au triangulisme, on pourrait presque parler de low poly art mais mes illustrations sont poussées quasi au minimalisme.
Par rapport aux customs, les deux personnes que je suis depuis leurs débuts sont Kotomi et Oskunk. C’est grâce à leurs travaux que je me suis rendue compte de l’étendue que pouvait prendre cet art !
 
 
 

Première étape : la documentation, faire des ébauches, trouver une illustration…

Quelle est la pièce dont tu es la plus fière ?

Hmm… Dur ! À chaque fois on me pose cette question et à chaque fois c’est une nouvelle console, ou presque. *rires*
Je suis fière de ma collaboration avec MetalFGS sur notre Game Boy Brick Zelda NES Editon x Game & Watch pour le collectionneur Linktothepast. C’était il y a presque un an.
Et puis ma petite dernière, la Xbox 360 The Walking Dead, une console prévue pour l’exposition. Je me suis éclatée dessus… ‘Fin, elle est aussi éclatée. *Privatejoke fail*
 

Peux-tu nous expliquer comment tu réalises un custom ? Quelles techniques tu utilises, quelles matières, combien de temps cela te prend, etc. ? Peut-être avec un exemple concret.

Je vais prendre l’exemple de la Game Cube The Legend of Zelda : The Wind Waker. Comme première étape, il y a la documentation, faire des ébauches, trouver une illustration qui colle au thème et qui reflète parfaitement l’univers du jeu. Après les ébauches, on passe aux mesures et c’est là que les neurones carburent. Il faut réaliser un premier prototype, un peu comme le patron de couture d’un vêtement. Il m’arrive de réaliser certaines découpes dans du carton puis rajouter par dessus des gels de textures qu’on trouve facilement dans le commerce pour le scrapbooking. On enduit le tout de latex ou de silicone. Une fois que le moule en négatif est prêt, on passe à l’étape de la résine pour avoir une fresque bien finie. On reprend les détails qui ont fondu ou qui sont mal passés au cutter ou à la Tamiya putty (boucher les trous et irrégularités). Une fois sec, on ponce tout au grain fin. Pour la base de la console : pâte epoxy bi composant qu’on retravaille au Dremel (machine pour poncer avec des têtes en diamant). Et puis vient l’étape de la peinture, à la bombe, à l’acrylique en tube, etc. On arrive facilement à plusieurs semaines de boulot pour une seule pièce.

Amour, paix et gaming !

Imaginons que je veuille moi aussi réaliser des customs, est-ce que tu peux me donner quelques conseils ?

Je te dirais comme à chaque copain qui commence : Fais-le par passion et pour préserver les vieilles consoles qui en ont vraiment besoin. Trouve une vieille coque avec laquelle tu n’auras pas de regret en cas de gros ratage, fais des essais de peinture sur des supports en plastique autres que la console et une fois que tu te sens prêt, go go go ! Amour, paix et gaming !
J’ai réalisé quelques tutoriels basiques sur la pose d’une peinture et d’un vernis et tu peux aussi trouver des solutions sur ma chaîne YouTube !
 
 

Est-ce que tu réalises tes customs uniquement sur commande ?

Oui et non, je penche de plus en plus vers la création personnelle car beaucoup de personnes souhaitent une console à leur image et c’est parfois dur de s’imposer parmi les choix : « Moi ça sera une NES rose avec les lapins crétins ! » Et puis les commandes impliquent un temps d’attente qui devient de plus en plus long… Ce qui n’est agréable pour personne :/
J’aimerais aussi éviter la redondance dans les thèmes, l’univers de The Legend of Zelda est extrêmement prisé en custom et refaire sans cesse de la pierre avec des épées… On a vite cette impression d’avoir fait le tour. En ce moment, je bosse sur des designs plus épurés et des matières nobles comme le bois. Mais tout ça est en Work in progress pour l’été… :D

Le temps et les moyens que j’y mets ne sont pas rentables (3 mois pour une pièce).

Est-ce qu’on t’a demandé de réaliser des customs farfelus ou infaisables ?

Hmf !… Ça partait d’un délire, mais une Jaguar à poils ?

Est-ce que tu arrives à vivre grâce à la vente de tes customs ?

Honnêtement, je n’espère pas en vivre. Le temps et les moyens que j’y mets ne sont pas rentables (3 mois pour une pièce) et la customisation est avant tout un passe-temps à mes yeux.

Mega Drive 30th Anniversary

Tu ne retouches que des consoles destinées à la casse. Est-ce que toutes les consoles que tu customises sont remises en état de marche ?

Environ 90% de mes projets sont en état de fonctionnement, sauf demande exceptionnelle de ceux qui souhaitent avoir un modèle d’exposition.
 

J’ai un attrait particulier pour les thèmes horrifiques.

En voyant ton travail, on ne peut que penser que tu es une joueuse passionnée. Quels sont tes meilleurs souvenirs vidéoludiques ?

Mon podium de jeux : la saga Final Fantasy, L’Odyssée d’Abe, Rayman, les Crash Bandicoot sur la première PlayStation et Kirby Dream Land 2.

Vadu, merci d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. On termine avec la question pourrie de la fin : Tu réalises souvent des customs de licences assez sombres comme Castlevania, Resident Evil, Star Wars, etc. Est-ce qu’on peut dire que tu es dark, Vadu ? (ah ah… désolé…)

Ha ha, oui, j’ai un attrait particulier pour les thèmes horrifiques. Je pense qu’à la longue on doit s’en douter vu certains projets comme la Xbox 360 The Walking Dead ou encore cette console. Mais je ne suis pas démoniaque… Tiens, tu veux voir un bout de la prochaine ? C’est pas de la pizza ! *ricane*