CRITIQUE

THE LAST OF US PART II 

Critique réalisée à partir d’une version presse.

LE CHEF D’ŒUVRE TANT ATTENDU ?

Le premier The Last of Us a pour beaucoup été considéré comme le meilleur jeu de la génération précédente, regroupant et assimilant toutes les évolutions de gameplay observées chez la concurrence et transcendant le tout avec une narration qui en aura marqué plus d’un. Sa suite, forcément, était donc plus qu’attendue puisqu’elle était déjà pressentie pour marcher dans les traces de son aîné et pour prendre la place de chant du cygne d’une génération de console vieillissante. Pourtant, entre bashing sur Metacritic par les joueurs et leaks massifs, le titre a vu son prestige se ternir. Alors, est-ce que ces attaques sont justifiées ? The Last Of Us 2 est-il le chef d’œuvre de cette génération ou au contraire la déception de ces dernières années ?

C’est ce que nous allons voir ensemble.

Plongez dans l’univers de The Last Of Us Part II

UNE NARRATION ET DES PERSONNAGES FRAGMENTÉS :

La musique permet à Joël et Ellie de se retrouver.

Parler de The Last of Us 2 sans évoquer des pans du scénario est bien évidemment un exercice compliqué, mais se gâcher la surprise serait l’une des pires idées qui soient tant le titre brille de ce point de vue-là. Dans cette optique, je veillerai à limiter tout risque de spoil même si vous risquez forcément d’en apprendre un peu sur le premier épisode de The Last Of Us.

Effectivement, vous démarrez l’aventure à Jacksonville quelques années après les événements de la fin du premier opus. Ellie a alors 19 ans et tout le monde vit paisiblement dans cette communauté bien organisée. La relation entre Joël et Ellie, quant à elle, est assez compliquée : entre une Ellie pleine de jeunesse et de révolte et un Joël, âgé, fatigué et qui se montre maladroit avec cette jeune femme qu’il n’arrive plus à approcher sereinement. Leur relation peut d’ailleurs représenter celle qui est entretenue entre le studio et les joueurs. Joël incarne ainsi ces joueurs vieillissants, qui doivent se réapproprier une Ellie qui a bien changé. Ellie, quant à elle, reflétant le studio Naughty Dog, qui cherche à se réinventer et qui est là pour briser les codes et les conventions.

La vie paisible à Jacksonville sera de courte durée.

En effet, certains événements et la trame principale de The Last Of Us 2 pourront en surprendre voire en bousculer plus d’un, ce qui explique d’ailleurs pourquoi on a pu assister à un tel déferlement de haine. The Last of Us 2 n’est pas fait pour vous consoler mais plus pour vous secouer et vous pousser à vous remettre en question. A titre personnel, c’est tout ce que j’attends d’une suite, qu’elle ne se contente pas de marcher dans les traces de son aîné mais qu’elle prenne des risques, ce que réalise avec brio The Last of Us 2. Effectivement, si le premier épisode tournait autour de l’espoir et de la relation père-fille, cet opus s’axe de son côté autour de la vengeance et de ses terribles conséquences. Animé de cette émotion, tout le monde est perdant et voit peu à peu son humanité et tout ce qu’il possède s’éloigner, brouillant sans cesse la frontière entre le bien et le mal. Dans ce monde-là, difficile donc de distinguer également qui sont les véritables monstres entre infectés et humains.

Après une introduction poignante, Jacksonville devra donc être mise de côté pour la ville de Seattle où se déroule la plus grande partie de l’histoire, vous plongeant au milieu d’un affrontement entre deux factions : des soldats bien entraînés et des fanatiques religieux. L’univers est donc dévasté, déchiré, et la mort n’aura de cesse de vous suivre, de vous coller à la peau comme un habit dont on n’arrive pas à se débarrasser. Il m’est ainsi récemment arrivé de devoir réaliser des pauses dans mes sessions de jeu, afin de pouvoir reprendre mes esprits, tant le jeu possède cette faculté de vous secouer et de vous faire passer par toute sorte d’émotions. Entre dégoût, tristesse, colère et mélancolie, rarement un jeu aura su avec autant de justesse vous mener vers tant de sentiments mêlés et tant de contradictions.

Car si l’histoire en elle-même est assez basique et peut rapidement se résumer en quelques lignes malgré de nombreux rebondissements, le tout est magnifié par la narration. Cette narration, découpée de façon à alterner des phases intenses et d’autres plus contemplatives, sait comment gérer nos attentes et donc quand nous surprendre de la manière la plus radicale et la plus expéditive possible. La mort est partout et celle-ci n’attend pas que nous nous y soyons préparés, emportant avec elle le destin des héros qui avancent de manière inexorable. Et même si nous voyons que nos personnages empruntent le mauvais chemin, se dirigeant à l’opposé de la sortie, nous ne pouvons malgré tout nous empêcher d’avancer, attirés un peu plus par les ténèbres de l’esprit humain. Les quelques moments de grâce et d’innocence disséminés tout au long du récit n’en sont alors que plus poignants, tout en nous laissant un goût amer en bouche !

Bref, The Last Of Us 2 nécessite d’avoir le cœur bien accroché, mais il s’agit d’une expérience inoubliable d’une trentaine à quarantaine d’heures qui offre une histoire intelligente et pleine de nuances.

Il devient vite difficile de déterminer qui sont les monstres.

UNE RÉALISATION AUX PETITS OIGNONS :

Des visages très expressifs.

Tout cela est possible en grande partie grâce au moteur technique du jeu qui est tout simplement époustouflant. Rarement un jeu aura été aussi beau, et même sur une Playstation 4 Standard le titre tourne extrêmement bien malgré un ou deux ralentissements observés ça et là. Là où le titre s’en sort particulièrement bien, c’est sur tout ce qui concerne les personnages, que ce soit au niveau de leur animation mais aussi et surtout de leurs visages et de leurs expressions faciales. Il y a une véritable justesse dans les expressions, les silences, les regards qui contribuent à rendre les personnages humains. Le bond entre le premier et le deuxième épisode est stupéfiant à ce niveau-là et certaines cinématiques se rapprochent davantage d’un film que d’une cutscene de jeu vidéo.

A ce niveau-là, le titre s’impose comme une véritable démonstration de force et nombreux sont les moments où vous aurez simplement envie de rester là à admirer le paysage ou les différents effets visuels tant la direction artistique et les nombreux détails contribuent à rendre l’expérience encore plus

Comme un air de Red Dead Redemption 2 ?

marquante. Bref, pas besoin de trop s’étendre du côté de la technique, cette génération de console est poussée dans ses derniers retranchements, ce qui fait de The Last Of Us 2 une véritable prouesse technologique.

On pourra aussi brièvement mentionner la partie sonore du titre et notamment les doublages français qui sont d’excellente qualité. Encore une fois, bravo.

UN GAMEPLAY CONSTRUIT SUR LES RESTES DU PREMIER :

Vous pourrez choisir comment gérer vos ennemis.

Maintenant, si vous êtes familier du premier The Last Of Us, vous ne risquez pas d’être dépaysés niveau gameplay. Le jeu alterne affrontements intenses avec des humains ou des infectés et phases d’exploration plus calmes, histoire de récupérer des ressources utiles à votre progression. Dans le premier cas de figure, les zones sont construites de façon à ce que vous puissiez choisir comment aborder ces moments, que ce soit en vous débarrassant plus ou moins discrètement de vos ennemis ou même en fuyant toute confrontation dans certains cas. Vous pouvez ainsi choisir quelle voie vous allez emprunter dans votre périple. L’intelligence artificielle de son côté a été nettement améliorée et les humains seront plus prompts à se disperser et à vous encercler, même si, en mode Normal, on peut vite comprendre leur mécanisme de fonctionnement. Les infectés, quant à eux auront des comportements beaucoup plus basiques, ce qui fait qu’il est vite facile de savoir comment s’en débarrasser. Dans ces phases de jeu, on se tourne alors davantage du côté du survival horror, simplement éclairés par notre lampe torche. A noter que le titre a beaucoup gagné en fluidité du côté des affrontements avec des déplacements moins rigides et surtout l’ajout de l’esquive qui permet de se sortir de situations périlleuses.

Au niveau des phases d’exploration, on se retrouve avec un système où le moindre bâtiment délabré, la moindre zone devra être minutieusement

Des parties effrayantes avec les infectés.

passée au peigne fin histoire de récupérer des armes, des munitions et surtout des matériaux pour confectionner différents objets ou pour améliorer votre personnage ainsi que ses armes. De ce point de vue-là, le système est d’ailleurs plus ergonomique que dans le premier épisode et on navigue plus facilement dans les menus, ce qui est une bonne chose surtout vu le temps que l’on passe à confectionner des objets. L’exploration est donc centrale et vous permet d’aborder sereinement les différents affrontements, d’autant plus que cela contribue davantage à vous immerger dans ce monde post apocalyptique où la moindre denrée constitue un trésor inestimable. On pourra seulement regretter que l’on passe peut-être au final beaucoup plus de temps à fouiller qu’à véritablement regarder le paysage. Encore une fois, cela est en accord avec la narration, mais nuit malgré tout à l’immersion car on prévoit à chaque fois quelles maisons fouiller avant de se diriger vers ce qui semble être un checkpoint. C’est un souci que l’on pouvait d’ailleurs aussi observer dans le premier.

Cette mention de checkpoint n’est à ce titre pas anodine car The Last Of Us 2 se démarque de la majorité de la concurrence et n’offre pas un open world que nous pourrions librement explorer. Une zone seulement offre un peu plus de liberté que les autres. Cependant, en jouant à The Last Of Us 2, il faut être conscient que vous avancerez dans des couloirs plus ou moins étroits et que généralement le retour en arrière ne sera pas possible. Si certains pourront trouver cela dommageable, cela permet pourtant à Naughty Dog de correctement mener son récit et confère sans aucun doute davantage de poids et d’impact à l’histoire et à la narration.

Des passages vous laisseront davantage de liberté dans vos déplacements.

LES QUESTIONS QUI RESTENT EN SUSPENS :

Le jeu contient quelques longueurs.

Malgré tout, il faut être conscient que le titre offre parfois certaines longueurs, longueurs qui sont accentuées par l’état dans lequel vous plonge The Last Of Us 2. Encore une fois, l’univers est poisseux, parfois insoutenable, ce qui contribue parfois à vouloir nous faire lâcher la manette. Cependant, au bout d’une pause salvatrice, on revient sans cesse, comme fasciné par l’histoire qui se déroule devant nos yeux. Si le propos est bien respecté, difficile toutefois de ne pas voir cela comme un défaut car cela peut nous sortir de l’expérience. Le jeu est effectivement très généreux, parfois trop généreux même, car le titre pourrait s’arrêter à plusieurs moments, mais il trouve toujours un moyen de rebondir. Si le procédé est surprenant et a le mérite de nous en donner pour notre argent, il devient effectivement redondant passé un certain stade.

Enfin, The Last Of Us 2 possède un autre point important qui m’a mis mal à l’aise tout au long du jeu : son extrême violence. Entre les exécutions sommaires en premier plan, les tortures et les cris de nos victimes, difficile de ne pas ressortir choqué par certaines séquences. Par exemple, si vous tirez sur certaines parties d’un humain comme ses jambes ou ses bras, ce dernier va alors agoniser sur le sol et se mettre à crier. Dans ce cadre, il est compliqué de ne pas ressentir de la pitié pour cet homme ou cette femme qui était simplement là au mauvais endroit et c’est donc d’autant plus compliqué de ressentir de l’empathie pour notre personnage qui est motivé par des raisons qui sont loin d’être louables. Encore une fois, The Last Of Us 2 s’amuse à nous bousculer, à nous faire réfléchir à l’importance et à la portée de nos actions.

Un jeu trop violent ?

Malgré tout, au bout d’un moment, la routine s’installe et l’on n’entend même plus les cris, aveuglés que nous sommes par la violence à laquelle nous commençons doucement à nous habituer. Cela est une émotion assez singulière dans le jeu vidéo, et si cela permet de nous mettre en phase avec notre personnage, cela contribue aussi à rendre les événements moins percutants par la suite car nous sommes désensibilisés. On se laisse alors mener par les événements mais on ne sait plus trop pour quoi nous sommes là et si tout ça valait le coup, ce qui contribue à dédramatiser certaines situations. Alors, est-ce qu’il s’agit d’un coup de génie ou d’un véritable défaut ? Je dois bien dire que je n’ai toujours pas de réponse à ce niveau-là. Ce que je peux vous dire en revanche, c’est que le jeu continue de m’interpeller, ce qui est, au fond, le but de toute œuvre artistique… non ?

CE QU’IL RESTE DE CE TEST :

Il est très difficile de résumer un titre comme The Last Of Us 2 en quelques lignes. Le titre offre une expérience unique qui n’a pas de réel équivalent dans le monde du jeu vidéo. Il s’agit effectivement d’un titre qui est fait pour déranger, pour interpeller et pour pousser à la réflexion. Cela explique pourquoi le titre a pu recevoir des avis si contrastés, certains y voyant un chef d’œuvre absolu, d’autres une suite qui ne respecte pas son matériau de base. Dans un cas comme dans l’autre, le jeu prend des risques et ne peut pas laisser indifférent. Mais au fond, n’est-ce pas justement le propre d’une grande œuvre d’art que de pousser l’être humain à s’interroger ? De mon côté, The Last Of Us 2 est un titre qui m’a profondément marqué et que je vous recommande sans hésiter !

Un voyage inoubliable !