Enfin le voilà, après plusieurs années de gestation dans les locaux du nouveau studio de Mikami, considéré par beaucoup comme maître du Survival Horror, The Evil Within sort de terre et permet d’écarter l’auteur du carcan Resident Evil. Voilà donc une licence toute neuve, toute fraîche. Qu’a su en faire le créateur japonais ? C’est ce que nous allons observer dans cette critique.
La peur au rendez-vous ?
Oui et non, la peur prend plusieurs formes dans The Evil Within. Concentrant un nombre incalculable d’inspirations à des jeux et films du genre, le jeu ne lésine pas sur les méthodes pour interdire au joueur le sentiment de sécurité. Les réguliers changements de ton et d’ambiance appuient cet effet. Par exemple, vous êtes dans un environnement qui inspire la sûreté pour votre personnage depuis le début de l’aventure et subitement, il se retrouvera être le lieu le plus inhospitalier et déroutant du jeu. Shinji s’essaie même à quelque chose qu’il n’approche que trop rarement : la peur de ce que l’on ne voit pas. Non vraiment, The Evil Within s’attaque à tout ce qui fonctionne en termes de mécanismes de peur mais l’exploitation s’avère nettement plus laborieuse que l’inspiration.
Toutefois, malgré tous ces honorables efforts, ce que Mikami arrive à gérer au mieux reste les quelques sursauts disséminés çà et là ainsi que la peur de mourir par manque de munitions. Un peu navrant certes mais chacun reste dans son domaine (ne fait pas du Silent Hill qui veut) et force est de constater que le japonais a su dynamiser l’expérience Survival-Horror Action qu’il avait entamé dans RE4. Ainsi, il ne s’agira pas tant de peur viscérale pour The Evil Within que de stress et de panique relative au manque. On saluera également les efforts des développeurs pour agrémenter le jeu de possibles phases d’infiltration dans lesquelles le joueur devra faire attention à éteindre sa lumière et à se tapir dans l’ombre, méthode forcément plus éprouvante pour les nerfs.
L’hémoglobine est quant à elle au rendez-vous. Alors là, si vous êtes du genre hématophobe, oui, préparez vous à vivre un vrai cauchemar. Ça tripaille à tout va, vous aurez l’occasion de profiter de quelques séquences de baignade dans des hectolitres d’abats. Vous pourrez aussi jouir d’un système de mort par démembrement total sur votre personne. Sans compter des mini-jeux de dissection sur humain encore bien vivant. Bref, que du bonheur à ce niveau là ! Si The Evil Within ne vous fait pas peur, il vous donnera au moins de charmantes remontées gastriques.
Un plaisir de jouer plus dynamique, de nombreuses possibilités
L’un des grands points forts de ce jeu réside dans la diversité des environnements à parcourir, chacun apportant son lot de situations à résoudre. Certaines (rares) phases nécessitent une extrême discrétion pour se dérouler au mieux, d’autres incitent au carnage de masse. Parfois, le plus grand danger sera la présence de pièges, parfois celle d’ennemis, parfois des deux. Dans ce dernier cas, vous aurez tout loisir d’utiliser les pièges à votre avantage pour les retourner contre vos adversaires. Mais vous pouvez également désactiver ces pièges pour en récupérer du matériel utile pour la réalisation d’outils.
Le dynamisme est également présent lors des phases d’action. Bien loin des déplacements poussifs d’un RE4, notre héros peut tirer en se déplaçant, détaler, monter sur des éléments du décor, on est rarement statique, et ça tombe bien, car les ennemis non plus. Le tir à la hanche (sans viser) peut aussi être envisagé en cas de danger imminent, mais il n’est pas franchement efficace.
Débutant modestement notre aventure avec un simple pistolet très chiche en munitions, nous nous retrouvons rapidement équipés d’armes plus diverses et notamment de l’arbalète dite « Agonie ». Tirant des carreaux de toutes sortes (de glace pour figer les ennemis temporairement / aveuglantes, permettant une attaque au corps-à-corps / explosives / etc.). Ces munitions pour arbalète peuvent être trouvées dans les niveaux, utiliser le matériel des pièges que vous aurez désactivés plus tôt pour en fabriquer de nouvelles est une autre alternative.
Quelques phases permettent d’alléger la tension ambiante en nous proposant de mettre en éveil notre matière grise. Des énigmes sont en effet présentes, rassurez-vous, ça ne vole pas très haut et votre matière grise pourra finalement rester relativement assoupie. Ces séquences sont malgré tout appréciables et n’entravent en rien la progression.
De nombreuses phases de boss viennent ponctuer l’aventure et représentent souvent de véritables challenges à accomplir. Analyser leur pattern et frapper au bon moment s’avère crucial. Mieux ! Connaître le « background scénaristique » de ces créatures permet de supposer leurs points faibles. Par exemple : ce boss, compte tenu de ce qu’il doit représenter dans l’univers ou de ce que j’en ai appris, doit être plus vulnérable au feu, etc. Il s’agit d’une vraie plus-value dans l’assimilation du plaisir de jeu au scénario.
Une progression en demi-teinte
Très bon point de ce Evil Within, l’évolution des compétences du personnage fonctionnant sur un système de points à dépenser. Ces points se récoltent en tuant des ennemis, en fouillant certaines zones, en passant certains points clés, bref. Leur avantage ? Modifier quasiment l’ensemble des valeurs de votre personnage. Sa durée de sprint, la puissance de ses coups, sa vie maximum, etc. Au-delà de pouvoir améliorer progressivement son personnage avec des évolutions de plus en plus onéreuses, les armes sont elles aussi totalement améliorables. Que ce soit leur multiplicateur de dégâts, leur précision, le temps de rechargement ou de latence entre deux tirs. Vous l’aurez compris, la gestion de l’évolution du personnage est fort bien gérée. De même, d’autres éléments à collecter viennent densifier encore plus les phases de recherche et les récompenses.
La progression a aussi lieu dans le plaisir de jeu. Si les premières heures vous inciteront à agir en totale discrétion par manque d’armes efficaces, le tournant se fera vite sentir. Une fois la carabine à canon scié et l’arbalète trouvées, il deviendra très rare d’avoir recours à la discrétion. Éventuellement, s’occuper silencieusement du premier zonzon d’une salle infestée avant de défourailler à tout va. On retombe à cet instant dans un jeu principalement axé action. Difficile de croire qu’il ne s’agit pas d’une dérive intentionnelle de la part de Mikami étant donné la disparition bien trop rapide de certains types d’ennemis pourtant très dérangeants (invisibles, n’apparaissant à vos yeux que lorsqu’il est trop tard, le joueur doit alors tendre l’oreille et observer le sol avec attention pour anticiper sa position. Une idée extrêmement intéressante pour un ennemi que l’on ne croisera pas plus de cinq fois en début d’aventure.
Cette progression quelque peu bâtarde peut tout de même être mise en balance par le scénario, exigeant une montée en puissance des événements, des enjeux et donc des ennemis.
Parlons-en du scénario !
Vous incarnez Sebastian Castellanos, inspecteur de police en route avec deux collègues pour une intervention dans un hôpital psychiatrique. Une fois arrivé sur place, il constate que tout le personnel et les patients gisent sur le sol. S’ensuit une série d’événements de moins en moins rationnels et de plus en plus éprouvants, dévoilant le passé du héros et des personnages principaux.
Le scénario est basique mais suffisant pour le jeu, il tire principalement son intérêt de sa complexité au service même du plaisir de jouer et des environnements que le joueur aura à parcourir. Univers torturé au programme donc, saupoudré d’un nuage de complot scientifique (oui il aime ça Mikami). Difficile d’en dire plus sans vous dévoiler des éléments clefs. En revanche, on a parfois l’impression que cette fameuse complexité est simplement là histoire de donner un faux semblant de profondeur alors qu’il n’en est rien. En réalité, la trame est très basique, son intérêt résidant dans son montage erratique prenant tout son sens dans la deuxième moitié du jeu. La première n’étant principalement là que pour embrouiller le joueur et l’inciter à se poser des questions.
Point intéressant, comme dit plus haut, les ennemis du jeu ont tous un certain « background » directement lié à l’univers servant la manière de les appréhender au mieux. Signalons pour finir, des scènes cinématiques plutôt réussies aux mises en scène soignées et contribuant largement à l’immersion du joueur.
Une technique à la traîne sauvée par la DA
The Evil Within fait partie de ces jeux à la technique faiblarde sauvés par une direction artistique efficace. L’univers est travaillé, riche de détails et de variations. Le jeu vous fera voyager, tantôt dans des décors en pleine lumière, offrant une bouffée d’air frais avant de replonger dans des profondeurs insondables. Une technique et des choix visuels très décriés dans les jours suivant la sortie. En effet, le bridage à 30 images par seconde du jeu sur PC pour ne pas frustrer les joueurs console a été fort mal perçu par la communauté. L’éditeur prétextant l’apparition d’artefacts graphiques en cas de débridage pour imposer cette limite ainsi que le détournement des intentions voulues par les développeurs. Nous sommes en mesure de vous affirmer qu’il s’agit de pures affabulations. La seule différence constatée après débridage réside dans un plaisir de jeu plus réactif et la disparition de l’immonde retard après interaction sur clavier/souris présente dans les menus du jeu. Notons que les développeurs ont eu le bon goût d’ajouter un moyen d’effectuer ce débridage, témoignant de leur bonne volonté.
Bien que ce débridage puisse avoir lieu, augmentant radicalement le nombre d’images par seconde, certains environnements trop chargés en particules ou en objets dynamiques réussissent à faire plier la machine et à la faire passer sous la barre des 30, voire 20 images par seconde. Une optimisation vraiment hasardeuse est donc à signaler. Les versions consoles souffrent encore davantage de ces problèmes avec des temps de chargement parfois assez longs. Les morts se comptant souvent par dizaines, cela peut s’avérer pénible à la longue.
Passons à l’autre point de discorde : les bandes noires horizontales affectant grandement la visibilité du joueur. Un choix gênant de la part des développeurs mais nettement plus compréhensible. L’intention étant probablement de restreindre la vision du joueur afin de provoquer un sentiment claustrophobique. Bien que pénible au départ, la contrainte passe rapidement inaperçue. Signalons tout de même l’incompréhensible décision qu’ont eu les développeurs de placer des pièges à loups dans un certain nombre de niveaux du jeu. Pièges à loups qui vous mordront le jarret à coup sûr en cas de fuite précipitée PUISQUE VOUS NE LES VERREZ PAS !
L'avis général
- Un plaisir de jeu diversifié
- Le système d'améliorations très poussé
- Une intrigue prenante
- N'invoque que trop rarement la peur
- Un bridage technique gênant
- Des temps de chargement longs sur console