Précipitation et droits d'exploitation combinés, daube assurée
Marvel vs Capcom est une série capitale dans l’histoire des jeux de combat. Son improbable cross-over a fait rêver des millions de gosses des années 80-90 à travers la planète. Coller un Shoryuken à Iron Man a quelque chose de magique qu’aucune autre licence ne peut revendiquer. L’inoubliable Marvel vs Capcom 2, son roster pharaonique et sa bande-son légendaire restera à jamais comme l’un des meilleurs représentant de son genre. Alors comment expliquer que cet épisode Infinite, lui qui avait toutes les cartes en mains, se plante aussi lamentablement ?
Marvel Cinematic Universe vs Capcom
Premier point de discorde majeure autour de ce Marvel vs Capcom Infinite, son casting. Constitué de 30 personnages (hors DLC), il ne contient que cinq nouveaux venus : Gamora, Captain Marvel, Ultron pour Marvel, et Megaman X et Jedah pour Capcom. Tous les autres sont des visages familiers comme Ryu, Iron Man ou encore Hulk. À titre de comparaison, Tekken 7 propose 37 personnages, et Ultimate Marvel vs Capcom 3 (ressortis cette année sur toutes les plates-formes pour 25 €), c’est 50 personnages. Autant dire que c’est vraiment très restreint. Alors oui des DLC arrivent, mais la première vague (Black Panther, Sigma, Monster Hunter) qui semble avoir été coupée au dernier moment fait un peu mal. Tous les trois sont présents dans le mode Histoire du jeu, avec des séquences qui ressemblent fortement à des combats retirés en dernière minute.
Impossible également de ne pas regretter l’absence de nombreux personnages iconiques de la série. Absolument aucun X-men n’est présent, Docteur Doom et les 4 Fantastiques sont absents, tout comme Venom côté Marvel. Capcom de son côté a préféré omettre Amaterasu, Vergil, Jill Valentine, Wesker et Captain Commando, entre autres. Si rien n’explique véritablement les choix de Capcom, ceux de Marvel sont justifiables par la toute-puissance du Marvel Cinematic Universe et les problèmes de droit sur les personnages. En bref, Marvel n’a pas les droits d’exploitation sur les X-men et les 4 Fantastiques au cinéma, et aura donc préféré mettre en avant ses Avengers. Mais alors pourquoi ne pas avoir également ramené Daredevil, Jessica Jones ou Luke Cage, tous issus du prolongement de cet univers en série télé avec un énorme succès critique et commercial ? On se doute que Capcom en garde sous le coude pour les futurs DLC (et l’inévitable Ultimate Edition), mais l’absence de prise de risque ou de véritable nouveauté est vraiment regrettable, et même dommageable pour le lancement du jeu. Rien n’explique non plus le nombre ridicule de personnages féminins : quatre en tout et pour tout. On n’aurait pas dit non à une Black Widow par exemple…
Age of Étron
Capcom essaye aussi de singer le MCU dans un catastrophique mode histoire. Plié en moins de 2H30, aucune séquence de cette aventure n’aura su attiser la moindre once d’excitation en nous. Aucune de ses tentatives d’humour, largement constituées de personnages parachutés dans l’intrigue pour lâcher leurs punchlines respectives (Frank West et son nullissime « I’ve covered wars you know ? », mon Dieu), d’une mauvaise imitation de Robert Downey Jr pour Iron Man et d’un Dante tellement insupportable qu’il semble écrit par Fabien Onteniente. À aucun moment on ne sent les développeurs convaincus par leur propre histoire, par ses enjeux et sa force émotionnelle. Capcom nous livre un mode histoire de fonction, pas même utile pour prendre connaissance des différentes mécaniques de gameplay ou des spécificités de chaque personnage. 2H30 de malaise qui ferait passer Thor pour un chef-d’œuvre contemporain.
Ni X-men, ni 4 Fantastiques, deal with it
Peut-être que ce moment aurait été moins douloureux si l’aspect technique et artistique du titre avait été plus soigné. C’est ce qui a fait de MvC Infinite la risée du web au cours de l’E3 dernier. Il est tout simplement inimaginable de se retrouver face à un jeu aussi laid avec les moyens actuels. Entre les visages catastrophiques, la pauvreté des décors, les animations à peine soignées et une direction artistique tout bonnement hideuse, le titre accumule les tares à n’en plus finir. En voulant reprendre les codes visuels du MCU, Capcom n’en a extrait que le pire avec des couleurs ternes, des textures fades, et des grains de peau réaliste très étrange et incohérent avec une bonne partie du casting. Même les combats n’ont aucun impact visuel, c’est terriblement mou, dénué de tout ce qui faisait qu’on appréciait jouer aux précédents épisodes. La surabondance de supers-coups, de personnages à l’écran et d’effets visuels qui faisaient tout le sel des MvC n’est plus. Le pire, c’est que ce n’est même pas plus lisible qu’avant, c’est simplement plus ennuyeux à regarder, et donc à jouer. Et le tout n’est pas aidé par une OST sans inspiration, d’une fainéantise redoutable.
Infinite Crisis
Dans cet océan de loupés et d’incompréhensions, MvC Infinite aura au moins le mérite de nous rappeler une chose : Capcom sait toujours faire des jeux de combat. Si tout ce qui entoure le gameplay est bon pour la benne, on a tout de même quelques mécaniques de jeux intéressantes à se mettre sous la main. La série revient aux 2vs2, il n’est donc plus question de compter sur plusieurs assists pour créer une ouverture dans la défense adverse. Pour compenser le manque de mobilité et de gap-closer de plusieurs personnages, tous peuvent maintenant faire un Air Dash et se rapprocher de leur adversaire par les airs. De quoi changer la vie d’un Haggar par exemple, ultra dépendant de ses compagnons dans l’épisode précédent. On peut aussi utiliser un Active Switch pour se sortir d’un combo: en l’échange de deux barres de super, notre second personnage peut débarquer sur le terrain à n’importe quel moment et contre-attaquer. De quoi retourner pas mal de situations à première vue désespérée.
La plus grosse nouveauté est l’apparition des six gemmes de l’infini que l’on choisit pour accompagner son duo. Elles ont toute une capacité (vol de vie, téléportation, attaque à tête chercheuse…) et un mode spécial changeant les règles du combat temporairement. Il peut aussi bien s’agir de ressusciter son camarade, de décupler sa force ou sa vitesse ou encore d’enfermer son adversaire dans une cage pour le marteler d’attaques. Si tout cela n’aide pas à équilibrer un jeu déjà bien mal embarqué de ce côté, il permet une créativité assez unique qu’on ne retrouve pas ailleurs. De plus, le titre est accessible à tous grâce à un système d’auto-combo déclenchable en martelant la touche « petit poing ». Cela déclenche une combinaison simple sans pour autant transformer madame Michu en une génie du pad. Il faudra passer par la case défis pour comprendre les quelques subtilités propres à chacun des personnages, même si ces derniers auraient mérité d’être plus approfondis.
Capcom sauve à peine les meubles en assurant à ce Marvel vs Capcom Infinite un gameplay solide, accessible et profond avec une belle variété de possibilité grâce aux gemmes de l’infini. Mais il est impossible de lui pardonner ses innombrables erreurs qui relèvent parfois de l’amateurisme pur. Son mode histoire calamiteux semble avoir été écrit par un enfant de quatre ans qui faisait combattre ses jouets, et ne parvient jamais à retenir l’attention du joueur. Son casting parasité par le MCU souffre de l’absence de noms iconiques de la série et du manque de prise de risque des deux instigateurs du jeu. Dans l’ensemble, c’est tout simplement insuffisant sur tous les points, et même un gameplay efficace ne peut corriger cela.
L'avis général
- Gameplay rodé
- Les Infinity Stones
- Online stable
- Accessible à tous
- D'une laideur sans commune mesure
- OST sans saveur
- 30 personnages à peine, des absences intolérables
- Mode histoire catastrophique
- La tronche de Dante