Un roi trop prétentieux
Plus les années passent et plus Fifa prend de l’ampleur, le phénomène dépasse même aisément le jeu. À l’approche de sa sortie, ce sont tous les joueurs professionnels de la planète football qui alimentent leurs réseaux sociaux avec leurs attentes, leurs envies, ou tout simplement du teasing sur la monture annuelle du titre d’EA. La sortie de la nouvelle version de Fifa est d’une ampleur peut-être supérieure à celle d’un nouveau Call of Duty du temps où il était le roi des fêtes de fin d’année. Pourtant, cette année plus encore que les deux précédentes, le jeu a de quoi laisser perplexe. Le phénomène marketing semble plus que jamais avoir pris le pas sur le jeu en lui-même.
Il a vraiment trois poumons !
Commençons par ce que Fifa 18 fait de bien, il y a assez de contenu dans ce jeu pour nourrir la moitié de la planète gaming pendant une année. Ceux qui se contentent de deux ou trois jeux par an seront vite rassurés face à l’avalanche de modes de jeu et de choses à faire dans cet épisode. À commencer par le retour de « L’aventure », bonne surprise de l’an passé qui met le joueur aux commandes d’Alex Hunter, star en devenir de Premier League. On regrettait de ne pas pouvoir jouer plus d’une saison l’an passé, mais ce choix tombe sous le sens dès les premières minutes de jeu. Mieux rythmée, plus riche, plus intéressante et toujours très appliquée dans l’écriture et les doublages anglais (car la VF est malheureusement à la ramasse), cette nouvelle saison dans la vie de Hunter surclasse facilement la précédente. C’est aussi la meilleure porte d’entrée pour les nouveaux venus sur Fifa ou les simulations de football.
Les vétérans eux ne pousseront probablement pas cette aventure jusqu’au bout, la faute à un intérêt scénaristique qui s’essouffle et un manque de défi sur la longueur. Ces derniers pourront se rattraper avec le mode carrière qui profite de plusieurs améliorations notables. Les transferts se gèrent maintenant via des petites cinématiques interactives en présence du joueur et de son agent. Une excellente idée qui renforce grandement l’immersion et le sentiment de réussite après avoir signé ses premières recrues. Si l’effet s’estompe inéluctablement après quelques saisons, l’ergonomie bien pensée de ces séquences suffit à conserver leur intérêt. Surtout qu’il est maintenant possible d’ajouter de nombreuses clauses aux contrats des joueurs, mais aussi de négocier hors période de mercato pour être le premier à dégainer quand il ouvrira ses portes à la mi-saison ou à la fin de saison. On regrette tout de même la disparition de certaines options pourtant importantes comme la disparition des options d’achat sur les prêts.
FUT moi la paix !
Pour ceux qui préfèrent le online, le mode FUT se voit enrichi de quelques nouvelles fonctionnalités. Le mode Clash d’équipe permet d’affronter des équipes fabriquées par d’autres joueurs et de monter le classement pour obtenir des récompenses. L’intérêt est relativement limité sur le papier, mais le fan de football pourra tout de même affronter les équipes choisie par Neymar, Griezmann et autres méga-stars partenaire du jeu d’EA. L’autre idée de génie est de proposer plusieurs cartes différentes pour les « légendes », représentant différentes périodes de leur carrière. Ronaldinho, Maradona, Henry, tous sont ici présents sous au moins trois cartes, de quoi faire fondre des milliers de cartes bleues. Rien ne semble capable d’empêcher cet Ultimate Team d’être le mode le plus joué sur le jeu d’EA, et de lui permettre de payer le loyer de centaines de youtubers spécialisés à grand renfort de vidéos d’ouverture de centaines de packs de cartes.
Le niveau des gardiens est consternant
We need to build a Wall !!
Passons à ce qui fâche, et c’est malheureusement le plus important, ce Fifa 18 est très mal équilibré. Encore aujourd’hui plus d’un mois après sa sortie et plusieurs patchs, de nombreux soucis persistent et ne seront probablement réparés que l’an prochain. À l’E3, nous vous parlions de nos inquiétudes concernant les gardiens. Certes ils sont moins ridicules que dans la démo que nous avions essayée au Hollywood Paladium, mais leur comportement est tout bonnement consternant la plupart du temps. Quand ils ne sont pas en retard de plusieurs secondes sur une frappe, ils sont placés absolument n’importe comment. Ce sont de véritables passoires qui dans le meilleur des cas dévieront une frappe sans danger de 40 mètres en corner. Même les gardiens à plus de 90 de général sont capables de se trouer comme votre pote Théo en primaire sur un tir écrasé de Yacine (pourtant il avait crié « j’ai !! »). Il est inexcusable de voir une simulation comme Fifa rater à ce point ses gardiens après autant d’années à faire le même jeu.
Le problème est encore plus grave quand on voit à quel point la défense est devenue exigeante. La moindre erreur est (trop) souvent synonyme de but encaissé. Seuls les défenseurs de métier ont une chance de s’imposer face à un attaquant lancé par leur puissance physique, ou face à un bon dribbleur avec un tacle bien placé. Les autres se contenteront de bourrer les coups d’épaules ou de se jeter vainement en espérant arracher un contre, souvent sans l’accord préalable de celui qui tient la manette.
Foot-champagne
Les attaquants sont donc plus que jamais les stars du jeu. Ils disposent d’une palette de mouvements gigantesques pour déstabiliser d’un simple coup de rein une défense entière. Et il n’est plus du tout envisageable de les rattraper une fois bien lancé dans le dos des défenseurs. Cela dit, ils sont aussi capables de se placer dos au but pour mieux remiser sur leurs partenaires en protégeant leur ballon. Ces joutes physiques entièrement déterminées par un bon positionnement du joueur feront plaisir à voir à tout passionné de ballon rond. Enfin, il est possible de tirer profit d’attaquants moins axés sur les dribbles ou la vitesse pour faire jouer son équipe (Valère si tu nous lis). Les centres ont aussi connu un joli lifting et sont beaucoup plus variés que d’habitude. Il est également possible d’aller chercher ce joueur un peu isolé au deuxième poteau avec une balle plus en cloche, ou ce milieu défensif qui arrive lancé au point de penalty avec un centre tendu. Rares sont les fois où l’on se surprend à pester avec le fameux «MAIS PAS À LUI BORDEL ».
Malheureusement ce qu’il faudrait à Fifa c’est une vraie révolution de ses codes. Les mêmes techniques passent encore et toujours trop souvent, comme dans les précédents épisodes. La faiblesse des gardiens rend n’importe quelle frappe lointaine particulièrement dangereuse (votre serviteur a inscrit plus de cinq buts d’au moins 35 mètres avec Jeremy Morel, et sans remettre en cause le talent de l’homme aux deux adorables terre-neuve, c’est bizarre), les enroulés sont toujours aussi efficaces, et l’éternel « tout droit » ne connaît toujours aucune limite. Rajoutez des milieux qui ne peuvent pratiquement plus défendre correctement, et vous ne serez rapidement plus étonnés de finir l’essentiel de vos matchs en ligne sur des scores comme 6-4, 4-4, 3-5 ou 6-2.
Say my name
Trop peu de nouveautés de gameplay ont été apportées à cette édition qui réitère les mêmes erreurs que l’an passé. On peut revenir sur ce système de coup de pied arrêté qui me donne envie d’égorger d’adorables petits chinchillas blancs par dizaines. Dix coups francs tirés avec le même joueur, de la même position, avec la même force et le même angle donneront environ huit à neuf résultats totalement différents. Parfois une frappe totalement écrasée qui se plante dans le mur, parfois le ballon s’envole pour ne plus jamais retomber, et parfois c’est une magnifique barre rentrante imparable qui claque dans le stade. Ces stades seront d’ailleurs notre meilleur source de consolation pour nous, passionnés, non pas par leur apparence mais bien pour leur ambiance absolument phénoménale. Une fois que vous aurez coupé le micro d’Hervé Mathoux et de Pierre Ménès en roue libre totale sur les commentaires, montez le son et appréciez le travail réalisé par l’équipe sonore. Les supporteurs chantent, scandent le nom de vos joueurs, hurlent de joie, sifflent… Quiconque a déjà mis un pied dans un vrai stade retrouvera sans problème l’atmosphère unique d’un vrai match de football.
Fifa peut vous occuper pendant une année entière à lui tout seul
Le frostbite utilisé pour la deuxième année consécutive sur Fifa semble aussi mieux maîtrisé par les développeurs. La physique de balle est excellente, tout comme les modèles des joueurs très souvent reconnaissables au premier coup d’œil. Les animations sont excellentes et on en profiterait encore plus si la plupart ne venaient pas entraver certaines actions de façon totalement aberrante. Voir des joueurs râler, se rouler au sol par souci d’immersion ou d’authenticité, pourquoi pas. Mais si c’est pour se faire signaler hors-jeu ou devoir attendre quelques secondes avant qu’il retrouve sa liberté de mouvement et donc rater un ballon potentiellement décisif, c’est à hurler de rage. Le problème n’est pas nouveau, mais il serait temps qu’EA réagisse enfin et tranche avec l’héritage de Fifa 08, encore trop visible aujourd’hui.
Fifa 18 déçoit sur de nombreux points. Il est incroyablement généreux et occupera ses possesseurs pendant des centaines voire des milliers d’heures toute l’année, mais il marque aussi un gros pas en arrière pour la licence. Cette édition est l’une des moins bonnes depuis la refonte totale entamée par Fifa 08, et il est grand temps pour EA de réagir et d’enfin révolutionner le gameplay de sa série. Comment excuser le comportement des gardiens, l’absence totale d’équilibre entre attaque et défense et les aberrations constantes auxquelles les joueurs font face lors de leurs parties ? Cela ne l’empêchera malheureusement pas de s’écouler à des millions d’exemplaires… mais cette année Fifa n’est tout simplement pas une bonne simulation de football.
L'avis général
- L'ambiance des stades phénoménale
- Les centres plus variés
- Peut facilement occuper pendant une année à lui tout seul
- Le jeu physique plus crédible
- L'aventure encore meilleure que l'an passé...
- Les gardiens sont à la rue
- La défense tellement exigeante qu’elle favorise l’attaque
- Les coups de pieds arrêtés à revoir intégralement
- Sensation que la série régresse
- ...mais qui s’essouffle passé quelques heures