La critique de ce jeu a été réalisée sur une New 3DS XL et les captures d’écran proviennent de l’éditeur.
Si l’idée de mélanger un jeu de stratégie et un jeu d’action vous semble bizarre, attendez de connaître le scénario de Code Name S.T.E.A.M avant de faire votre rupture d’anévrisme. La première cinématique commence par l’entrée d’une personne dans sa chambre où un amiibo Marth est délicatement posé sur le bureau tel un subtil placement de produit dans un film de Michael Bay. Il ouvre ensuite son comics Code Name S.T.E.A.M dont l’action se déroule au XIXème siècle d’un monde en pleine révolution de la vapeur, utilisant cette technologie pour tout et n’importe quoi. Dans cet univers, le bon vieux Abraham Lincoln a, tel un Nick Fury des temps anciens, fondé le Service des Troupes d’Élite Annihilatrices de Monstruosités qui rassemble les plus grands de leur temps. Ces héros ne sont pas n’importe qui car il agit de personnages issus des classiques de la littérature américaine (ou venant de ce continent dans les œuvres d’auteurs non-américains). Tous ensemble, l’objectif sera de mettre fin à l’invasion de satanés aliens.
Je suis venu, j’ai été vu, j’ai perdu
Si les personnages sont inspirés de livres, tout porte à croire que les employés d’Intelligent Systems ont joué à Valkyria Chronicles en dehors de leurs lectures. Ceux qui connaissent cette série de Sega seront immédiatement en terrain conquis (quitte à détester les différences). Pour les autres, Code Name S.T.E.A.M est un jeu de stratégie qui se joue au tour par tour, tout en intégrant les codes du jeu de tir à la troisième personne. Concrètement, cela veut dire que chaque unité utilise de la vapeur pour aller de case en case sur le terrain ainsi que pour attaquer et préparer sa défense. Le joueur doit gérer de cette façon quatre personnages avant de mettre fin à son tour et laisser faire l’armée adverse. Pour autant, l’armée en attente ne se contente pas de jouer aux cartes puisqu’il est possible d’attaquer en anticipant l’ennemi. Pour ce faire, il faut utiliser une arme compatible avec les embuscades, garder assez de vapeur à la fin du tour et, si possible, positionner son champ de vision de façon à voir l’ennemi arriver.
Le champ de vision est en effet très important dans ce jeu. La plupart des aliens ne se donnent pas le mal de se déplacer si rien ne leur semble suspect. Il faut donc se déplacer le plus discrètement possible pour ne pas les attirer. S’ils vous ont vu, vous aurez du mal à échapper à leur embuscade mais s’ils ne peuvent pas ou plus se défendre, libre à vous de changer de trajet pour les attirer ailleurs et les prendre à revers. Ce fonctionnement est également le gros problème de ce gameplay. Le besoin de se mettre à couvert a pour conséquence le fait de passer la plupart des tours adverses à fixer un mur sans voir quoi que ce soit. Le système d’embuscade empêche totalement de passer cette phase que la riposte soit possible ou non. Paradoxalement, lors de cette séquence il est impossible de mettre le jeu sur pause sans fermer la console ou sans appuyer sur le bouton Home. L’armée ennemie étant souvent bien plus nombreuse que celle du joueur et les monstres qui ont un doute pouvant patrouiller au sein de leur périmètre, le tour adverse devient bien souvent interminable. Heureusement, la première mise à jour du jeu permet d’ajouter une option qui accélère le temps selon la puissance de la console. La vitesse est doublée sur 3DS, 3DS XL et 2DS tandis qu’elle est triplée sur New 3DS et New 3DS XL.
Voir devient la nécessité absolue du gameplay. Tout comme l’ennemi a du mal à voir le joueur, le joueur a du mal à voir l’ennemi. Si les endroits pouvant servir de couverture ne manquent pas, ils sont également un obstacle à la vue. La principale difficulté vient même de ce point, tout est un piège. Le jeu fonctionne sur le principe du Die and retry, le joueur avance, se fait massacrer puis recommence la mission sachant où se situe le piège pour avancer avant de tomber sur le piège suivant et ainsi de suite. S’il semble logique de tout miser sur la prudence dans cette situation, les vagues d’ennemis qui apparaissent à intervalles très réguliers à l’entrée du niveau n’accordent pas ce luxe. Le jeu entier est axé sur ce principe, il est en effet impossible d’avoir une vue globale de la carte que ce soit avant ou pendant la mission. La mission du joueur est par conséquent de doser la séparation des personnages afin d’avoir des angles de vue assez différents pour bien couvrir le terrain, sans trop les isoler pour ne pas les voir tomber dans une embuscade. Le tout apporte une dimension d’exploration au genre avec la présence de trois rouages plus ou moins bien cachés sur chaque carte, objets qui permettent d’obtenir de nouveaux vap-packs. Cet équipement influe sur la vapeur maximale du personnage, le taux de recharge de vapeur à chaque tour sans oublier l’apport de certains effets.
Le grand stratéguerre
Chaque personnage possède une arme principale qu’il ne peut pas changer, une arme secondaire (disponible pour tous mais en un seul exemplaire) et un vap-pack qui varie selon sa catégorie de poids. Il possède, de plus, une attaque spéciale qui ne peut s’utiliser qu’une seule fois par mission ainsi qu’une capacité spéciale offrant un effet à lui seul ou à l’équipe entière. Malheureusement, la composition de l’équipe étant limitée à quatre places, les combinaisons ne sont pas si nombreuses malgré la dizaine de héros jouables. Une équipe qui tient la route dans la campagne contient en effet un soigneur, un lanceur de bombes, un explorateur et un personnage capable de faire des dégâts importants à longue distance. Ne pas connaître la carte à l’avance fait oublier toute idée de prise de risques dans sa sélection des personnages puisqu’il est possible de ne pas pouvoir réussir la mission ou de trouver tous les rouages sans tel ou tel héros. Le joueur va donc préférer une combinaison passe partout et mettre de côté des combattants plus spécifiques. Débloquer de nouvelles armes secondaires permet à un personnage d’avoir une arme similaire à l’arme principale d’un autre pour permettre plus de liberté, mais en la rendant moins efficace, Intelligent Systems empêche la copie d’égaler l’original.
Une fois en jeu, le gameplay est très simple. Le déplacement se fait avec le stick et le tir avec le bouton L. Pour le reste des commandes, il est possible d’utiliser soit l’écran tactile soit une touche. En plus de ce qu’offre le menu, on peut donc changer la portée des armes compatibles avec cette fonction avec R, changer le personnage sélectionné avec haut et bas sur la croix directionnelle, et l’arme équipée avec gauche et droite de cette même croix. L’attaque spéciale se lance uniquement via l’écran tactile puisqu’il faut appuyer sur le logo et tirer sur la chaîne qui apparait sur l’écran à ce moment-là. Ce qui peut s’avérer le plus compliqué est la visée utilisable via un joystick virtuel sur l’écran du bas ou le combo de touches A B X Y, nous vous recommandons donc fortement d’utiliser, si possible, un Circle Pad Pro ou le stick C d’une New 3DS pour l’usage le plus confortable possible. La configuration optimale ne sauve pas pour autant le joueur des petites frustrations du système de visée.
Avoir un ennemi vaguement dans le viseur ne suffit pas pour le toucher. Un monstre n’est atteint que si sa barre de vie et les dégâts potentiels s’affichent. Et même dans cette situation, la réussite du tir n’est pas assurée, la précision de l’arme, les mouvements de la créature sur place et sa surface visible pouvant faire tout rater. Les minuscules ennemis volants sont donc des cauchemars à tuer puisque même en se tenant sur leur case, il n’y a aucune garantie de les avoir. La situation est semblable pour les points faibles présents sur les aliens permettant de faire des coups critiques qui peuvent parfois sembler aléatoires. Le système d’embuscade présente autant de complications. Il n’est pas rare, en effet, de ne pas pouvoir riposter sans la moindre explication. Les embuscades ennemies sont également problématiques dans certains cas. Appuyer sur le bouton de tir quand l’ennemi prépare sa contre-attaque risque de consommer la vapeur sans effectuer l’action. Cette phase reposant sur les mouvements du personnage contrôlé frustre par son manque de pitié. Quand le héros est pris dans le viseur d’un extraterrestre, impossible pour lui de bouger le moindre muscle sans prendre d’autres rafales. Se mettre à couvert ou même tourner la tête pour voir l’ennemi devient impensable.
Compatible avec les amiibos Smash Bros. des personnages issus de Fire Emblem, le jeu permet à ces héros de devenir jouables mais ces derniers n’apportent pas assez pour se rendre indispensables. Faute de lecteur compatible sur les anciens modèles, nous ne saurions vous conseiller l’achat d’une New 3DS dans ce but. La rareté des figurines Marth et Ike, sorties et écoulées bien avant la sortie du titre, n’aident à provoquer de l’enthousiasme malgré la promesse de Nintendo de les rééditer. En jeu, les amiibos n’offrent pas la possibilité de changer leur équipement ce qui les rend moins flexibles que les autres personnages et donc moins intéressants. La très bonne idée liée à ces figurines est leur utilisation, scanner un personnage permet de le stocker dans la console et de l’utiliser à volonté tant qu’il ne tombe pas au combat. Le besoin de scanner sans arrêt sa figurine est inexistant, tout comme celui de devoir la transporter en permanence. Tout ceci a une limite, puisque respectant la série d’origine, le jeu n’autorise pas la résurrection de ces personnages, il faut attendre la prochaine sélection de l’équipe pour les scanner à nouveau.
Le level-design au cœur de l’effort
La grande force de Code Name S.T.E.A.M vient de la variation de ses niveaux. Chaque carte offre une nouvelle problématique et on retrouve rarement deux fois les mêmes enjeux. Le joueur peut tour à tour prendre un château, mener une guérilla dans les très étroites allées d’une bibliothèque, survivre à un largage de bombes dans une bataille sur plusieurs étages ou, au contraire, prendre les ennemis de haut. De nombreuses mécaniques et objectifs font leur apparition mais cela devient plus frustrant qu’autre chose. Contrairement à beaucoup de jeux qui se contentent de trouver quelques gimmicks pour les utiliser à outrance quitte à provoquer le dégoût, Code Name S.T.E.A.M propose de nombreuses idées mais il faut s’estimer chanceux si on les revoit ne serait-ce que deux fois par la suite. L’exemple du tank est flagrant, il est possible d’utiliser ce véhicule mais son apparition est tellement courte qu’on se demande pourquoi avoir pris la peine de le créer si ce n’est pour provoquer le joueur. Une insatisfaction de plus qui heureusement fait plus honneur à l’équipe qu’il ne gâche le plaisir du joueur, il s’agit là d’un vrai problème de riche. Un mini-jeu permettant de contrôler A.B.E, un robot Abe Lincoln géant, dans un combat digne des Gundams ou des Mégazords, choisissez votre référence, fait également son apparition régulièrement tout en se révélant assez anecdotique.
La campagne du jeu est découpée en chapitres qui ont leur importance car le Liberty, vaisseau servant de base à l’équipe, n’est disponible qu’entre ces chapitres. Si le fait de ne pas pouvoir accéder à l’encyclopédie en permanence n’est pas un drame, les armes et les vap-packs débloqués s’obtiennent uniquement en visitant la base même si les conditions de déblocage sont réunies bien avant. Cette approche peut être considérée comme réaliste, les objets fabriqués à bord du Liberty devant être récupérés à bord du Liberty et n’apparaissent pas par magie au détour d’un couloir. Mais la réalité est tout autre, les chapitres contiennent eux-mêmes une à trois missions qui sont liées par le système de médailles. Code Name S.T.E.A.M n’a pas de système d’expérience, les héros conservent leurs statistiques tout au long du jeu. En revanche, les nouvelles armes se débloquent en fonction des médailles amassées par le joueur. Les médailles s’obtiennent lors des missions en tuant des ennemis et en les ramassant sur la carte. Tout n’est pas aussi simple étant donné que ces récompenses servent aussi de monnaie auprès des points de sauvegarde. Chaque carte contient une poignée de ces constructions qui permettent de sauvegarder, comme leur nom l’indique, mais également de soigner contre un certain nombre de médailles le personnage l’utilisant, ou toute l’équipe pour quelques centaines de médailles. Lors d’un chapitre, l’équipe commence sans la moindre médaille, celles qui ont déjà été obtenues dorment tranquillement à la base. La somme s’accumule lors des différentes missions du chapitre et il devient possible de dépenser toutes les médailles de la carte précédente dès la suivante.
Cela agit comme une double peine pour les moins bons joueurs. Non seulement ils auront plus de mal à traverser les niveaux, mais ils mettront également beaucoup plus de temps à obtenir d’autres armes susceptibles de les aider. À la fin d’un chapitre, des médailles bonus sont accordées selon la rapidité du joueur à boucler les niveaux et sa capacité à les finir avec toutes ses unités en vie. Il est possible de recommencer le chapitre dès qu’il est terminé pour améliorer ses performances ou le tenter avec des pénalités afin de multiplier le butin. Code Name S.T.E.A.M n’ayant qu’un mode de difficulté, les joueurs trouvant le jeu trop simple auront de quoi faire avec cette fonction. Les joueurs ayant du mal avec la campagne normale sont une fois de plus pénalisés par ce système. Cela reste cohérent avec le reste du jeu puisque la fonction StreetPass permet d’obtenir des médailles selon le nombre de scores supérieurs que vous avez par rapport à la personne que vous croisez. La dernière méthode d’obtention de cette monnaie est le multijoueur mais il serait étonnant de voir les joueurs au niveau moins élevé et à l’équipement moins fourni ne pas dominer ces affrontements. Compléter la campagne ne suffit pas à obtenir toutes les médailles nécessaires au 100%, mais un taux compris entre le tiers et la moitié de ce qu’il faudra.
La campagne dure en tout une vingtaine d’heures et démarre contre toute attente par sa partie la plus compliquée. Le premier chapitre n’épargne rien aux joueurs fraichement débarqués, les vagues d’ennemis apparaissent un tour sur deux mais si les monstres ne sont pas les plus puissants du jeu, l’absence de soins rend les coups réguliers gênants. Nintendo est bien conscient de ce fait si on en juge par la démo, qui donne accès à une soigneuse beaucoup plus tôt que dans le jeu complet. Un passage par la démo est d’ailleurs fortement conseillé avant l’acquisition du jeu car les médailles obtenues sont transférables dans la version finale. Finir le premier chapitre de la démo permet, en plus, de débloquer une arme exclusive. La campagne souffre de deux problèmes dont celui des nouveaux personnages. Avant de commencer une mission, le jeu prévient de l’arrivée imminente d’un nouveau héros mais ne donne aucune indication sur ses capacités. Il faut donc lancer la mission, découvrir le personnage, l’utiliser pendant un tour ou deux puis recommencer la carte en changeant, si besoin est, l’équipe. Certains nouveaux personnages arrivent en outre sans arme secondaire ce qui selon leur arme principale peut les rendre inutiles. Dans un jeu où près d’un tiers des niveaux sont concernés, on en vient parfois à redouter l’apparition d’unités jouables. Le deuxième problème de la campagne est plus trivial, il est lié au système de partage de médailles au sein des chapitres. Ce système rend, en effet, impossible le fait de pouvoir recommencer une mission sans devoir refaire tout le chapitre. Le joueur peut en arriver à perdre plusieurs tours pour retrouver le rouage manquant plutôt que de recommencer tout le chapitre.
Le désert émotionnel du Colorado
Autant le dire, les anti-américanistes primaires doivent à tout prix fuir le jeu qui est une véritable lettre d’amour aux États-Unis d’Amérique. Les braves héros américains doivent sauver une fois de plus la planète menacée par les extraterrestres, tout en étant menés une fois de plus par un courageux président américain grâce à leurs belles valeurs américaines. Difficile de savoir si le studio japonais utilise ces références au premier ou au second degré. S’il est évident de comprendre la profonde affection pour les travaux de Jack Kirby ou de Lovecraft, entendre l’hymne américain à la guitare électrique quand un personnage lance un aigle sur fond de drapeau américain lors d’une super attaque a de quoi faire douter sur la moquerie possible. Même si avouons-le, cela ne nous empêche pas de sortir un petit “AMERICA, FUCK YEAH!” jouissif pendant la cinématique.
L’omniprésence de la culture populaire américaine peut en revanche s’avérer être un défaut pour le rapport aux personnages. En utilisant des personnages déjà existants, le jeu demande aux joueurs de connaître au préalable les œuvres. Si tout le monde situe à peu près Tom Sawyer (mais si, vous le connaissez, c’est l’Amérique), pour Henry Fleming ou John Henry, l’affaire n’est peut-être pas gagnée d’avance. Le parti-pris du studio est de ne pas présenter les protagonistes en dehors d’un « C’est X, il fait partie de l’équipe. » et d’une biographie de deux ou trois phrases à trouver dans l’encyclopédie. Ils n’ont ainsi aucune personnalité, aucun trait particulier en dehors de clins d’œil à leurs origines, à l’image de l’omniprésence du courage dans tout ce qui est lié au Lion du Magicien d’Oz. Si un sourire en coin est apparu sur votre visage en lisant l’exemple : félicitations, sinon bienvenue dans Code Name S.T.E.A.M. Les personnages ont si peu d’intérêt dans le jeu que certains noms ne sont même pas respectés par la traduction française. Tiger Lily, l’amie de Peter Pan, n’est donc pas Lili la tigresse mais Little Lily, et Queequeg tiré de Moby Dick devient King Queg. Mais la palme revient au Scarecrow du Magicien d’Oz qui ne s’appelle pas l’Épouvantail en français mais Al Oween.
Ici, l’influence du jeu d’action occidental a clairement pris le pas sur celle du Tactical RPG japonais. Le but n’est pas l’intrigue ou l’attachement à des personnages, mais la proposition de classes. Il n’y a pas des héros mais des fonctions, pire encore, via le système d’équipement il est possible de priver les protagonistes de cette dernière particularité. Tout l’univers du jeu est basé sur ce principe, rendant le résultat totalement désincarné. La base steampunk est intrigante mais elle ne suffit pas. Des panneaux sont bien présents au sein des niveaux pour apporter du détail à l’ensemble, mais dans un jeu où le moindre pas peut mener à la perte, le joueur abandonne l’idée de faire du tourisme dès le tutoriel. Les aliens eux-mêmes restent une énigme. Le jeu n’a pas de réel antagoniste, les monstres n’ayant pas la possibilité de communiquer, personne ne peut savoir s’il s’agit d’une race dotée d’une conscience et d’une volonté de détruire ou de simples animaux qui tentent simplement de survivre. Au final, le joueur se contente de dégommer les bébêtes pour atteindre la sortie et éviter le game over.
Et l’art dans tout ça ?
Visuellement, Code Name S.T.E.A.M n’est pas une claque mais parvient tout de même à faire le travail. La 3D représente en revanche plus un obstacle qu’un apport esthétique. Inspiré des comics, le design tente naturellement de l’imiter avec l’utilisation du cel-shading. Artistiquement, l’équipe avoue avoir basé sa production sur les œuvres de Jack Kirby et Bruce Timm ainsi que l’âge d’argent des comics. Le rendu des artistes a malheureusement souffert des premiers retours sur le jeu et le style des couleurs a été modifié pour rendre le jeu plus lisible. À l’origine, les textures devaient être similaires à celles des artworks utilisant la technique des points Benday. La palette des couleurs a également été impactée par ce processus, le rouge-marron-orange est omniprésent chez les héros tandis que les aliens sont tous bleus, ces derniers étant d’ailleurs fortement inspirés des livres de H.P Lovecraft. Si le résultat est sympathique, on peut regretter son manque d’originalité que la vision de base aurait pu apporter. Les cinématiques finissent de lier le jeu au média imité puisqu’elles passent de cases en cases, se servant des bulles pour afficher les sous-titres. Si les décors et les monstres bougent lors de ces séquences, les personnages sont quant à eux fixes, figés et leurs mouvements brusques puisque sans animation de transition.
L’autre gâchis artistique est le doublage. Nintendo a réuni des pointures du genre et le moindre amateur de doublage américain perdra tout sens commun à la lecture du casting. Si certains regretteront l’obligation d’entendre les voix américaines, les autres seront ravis de voir les noms de Adam Baldwin (voix officielle de Hal Jordan et vu dans Firefly), Jeremy Shada (Finn The Human dans Adventure Time), Paul Eiding (Colonel Roy Campbell dans la saga Metal Gear) ou Grey DeLisle (voix officielle de Catwoman et d’Azula dans le dessin animé Avatar). Ce n’est pas un hasard si Nintendo of America a autant communiqué sur les doubleurs, allant même faire présenter le stream de démonstration par le doubleur d’Abraham Lincoln, Wil Wheaton, qui interprétait Wesley Crusher dans la série Star Trek: The Next Generation ainsi qu’invité très régulier jouant son propre rôle dans The Big Bang Theory. Avec un tel ensemble, le peu de phrases prononcées par chacun tiendrait presque du crime. En dehors des quelques phrases de la première apparition, des phrases de jeu du type « Il m’a touché ! » ou « J’en vois un là ! », les personnages se contentent d’une phrase dans chaque cinématique qui ressemble trop souvent aux précédentes. Lincoln apprend une mauvaise nouvelle à l’équipe et chacun va tour à tour donner une phrase amenant au final à la solution. Chaque cinématique est par conséquent une liste à cocher pour que chacun ait le minimum syndical. La musique qui alterne entre le rock et le dubstep ne restera pas dans les mémoires, se contentant une fois de plus de faire le travail après un thème d’ouverture qui est pour le coup beaucoup plus inspirant.
En multi comme à la campagne
N’ayant pas trouvé d’adversaires en ligne, cet aspect du jeu ne sera que brièvement abordé. Le multijoueur est possible en local comme en ligne. Dans le cas du local, les deux joueurs auront besoin de posséder le jeu. Trois modes sont présents pour opposer deux joueurs. Les deux premiers modes reprennent le système de jeu de la campagne tout en donnant une limite de 60 secondes par joueur pour achever son tour afin d’éviter que les parties s’éternisent, tandis que le dernier mode, A.B.E vs A.B.E, reprend le gameplay du mini-jeu avec le robot géant. Les attaques spéciales sont également absentes pour ne pas ruiner l’intérêt des parties par leur puissance. Le mode Match à mort a pour but l’élimination des quatre unités adverses dans un délai de 30 tours. L’autre mode est la Ruée vers l’or, un mode beaucoup plus court car il s’agit de ramasser plus de médailles que l’autre joueur en cinq tours. Une toute nouvelle dynamique apparaît dans ces modes qui demandent un temps d’adaptation après la campagne.
Avec des affrontements basés sur le combat ou l’exploration, les compromis tactiques exigés lors de la partie solo disparaissent, tout comme les facilités liées à l’intelligence artificielle. Vous aurez beau lancer toutes les canettes du monde devant l’adversaire humain pour détourner son regard, il y a tout de même peu de chance pour que cela fonctionne. Si l’attente entre les tours peut rebuter les joueurs en manque d’action, les plus stratèges trouveront dans ces parties le réel intérêt du jeu où les compositions les plus folles deviennent possibles. Comme toujours le principal attrait du multijoueur est la communauté, il ne fait aucun doute que le jeu mérite que des fans explorent en profondeur ses mécaniques pour en faire un jeu compétitif. La présence d’un mode Tournoi en ligne témoigne de cette possibilité que Nintendo compte bien pousser en organisant des compétitions de façon régulière. Six cartes sont disponibles dans les modes multijoueurs, si leur construction est intéressante pour la jouabilité, le décor brille surtout par son vide.
Peut mieux faire
Non, malgré tout ce que nous avons listé, Code Name S.T.E.A.M n’est pas un mauvais jeu. Il est d’autant plus énervant qu’il souffre de problèmes mineurs à l’image de celui de la longueur des tours réglé en quelques lignes de code. Dans le fond et dans la forme, le titre réclame une suite qui, après la prise en compte du retour des fans, pourrait offrir à Nintendo une vraie nouvelle série. En attendant, le premier essai manque cruellement d’âme, faute qu’il est simple de mettre sur le dos de son influence action : personnages non travaillés, campagne relativement courte (si on la compare à celles des Tactical RPG) qui ne sert qu’à préparer pour le multijoueur, et course à la performance mettant de côté les joueurs les plus faibles. Si le titre ressemble aux jeux d’action d’occidentaux, il fait un peu tâche au milieu de ses aînés mais c’est aussi par là que passe l’innovation.
L'avis général
- Un concept et un univers intéressants...
- Une variété de level design rafraichissante
- Un bel hommage aux artistes américains
- Un casting de rêve...
- Un lanceur de PINGOUINS EXPLOSIFS
- ... qui mériteraient d'être réellement creusés
- Une difficulté qui repose trop sur le piège
- Un système de visée souvent à la ramasse
- ... totalement sous-exploité
- Des choix de traduction plus que douteux