La réalité virtuelle #03 – Les fantômes du passéCapsule Temporelle

Rédigé par

 

LA RÉALITÉ VIRTUELLE #03 : LES FANTÔMES DU PASSÉ


Après les quelques essais et bizarreries des années 1960, la réalité virtuelle refait surface trente ans plus tard. Cette fois-ci, la technologie se veut accessible à tous et particulièrement liée à un secteur qui a alors le vent en poupe : le jeu vidéo.

 

DU CÔTÉ DE L’ARCADE

la-realite-virtuelle-cette-fois-ci-cest-la-bonne-03-les-fantomes-du-passe-contenu03

Virtuality présente en 1990 un système d’arcade compatible VR

Le chercheur Jonathan Waldern profite du Computer Graphics de 1990 pour présenter Virtuality. La société conçoit une machine d’arcade ayant la capacité d’utiliser un casque de réalité virtuelle. Le doctorant travaille depuis les années 80 sur des prototypes de jouets incorporant la réalité virtuelle. Soutenu par IBM Research Labs, la société Virtuality Group s’était déjà fait connaître en oeuvrant pour le Data Glove. Mais avec Virtuality, c’est tout un dispositif mis en place et alimenté par un… Amiga 3000 ! Cet ordinateur personnel a permis de lancer les deux premiers modèles : 1000CS games et 1000SD games. Nous retrouvons des jeux de simulations aériennes comme VTOL, de l’aventure fantasy avec Legend Quest mais aussi des jeux de courses tel que Total Destruction. En 1994, Virtuality lance une nouvelle série baptisée 2000 (SU et  SD). Elle utilise les processeurs Intel 486-PC et Motorola 88110 et fait tourner un peu plus de jeux dont Pac-man VR. L’entreprise est également à l’origine du « Project Elysium », la VR conçue pour IBM et permettant avec un logiciel professionnel pour les architectes, de visualiser leur futures constructions.

Lorsque nous abordons la réalité virtuelle et les années 90, nous sommes assez nombreux à avoir en tête le Virtual Boy de Nintendo sorti en 1995. Cependant, « comme beaucoup de fois » diraient certains, le premier constructeur de jeu vidéo à se lancer dans la VR, c’est SEGA et plus précisément sa branche américaine. Au Summer Consumer Electronics show de 1993, Alan Hunter de MTV introduit avec la Mega Drive et son Mega-CD le SEGA VR. Avec son écran LCD, sa détection de mouvement, un son stéréo et quatre jeux prévus à sa sortie plus une version VR de Virtua Racing, l’accessoire high-tech est annoncé à 200 $ seulement. SEGA s’est tournée vers Reflection Technology puis IDEO, mais l’équipe s’est heurtée à la difficulté de synchroniser les graphismes aux mouvements de la tête, ce qui provoque des nausées et maux de tête. Au départ prévu pour la Mega Drive, puis la Saturn mais aussi l’arcade, le casque ne voit le jour que dans les salles de jeux électroniques. Et oui, le couple VR et jeux vidéo a débuté avec les bornes d’arcade. La technologie est encore loin de se démocratisée notamment à cause d’un prix de recherche et de fabrication très élevé à l’époque.

 

« LE VIRTUEL, ÇA MARCHE »

Pour cette édition 2016 de l’E3, tous les regards se sont tournés vers les actuelles et futures expériences de réalité virtuelle. L’ironie de l’histoire, c’est que la promesse de la réalité virtuelle était déjà l’une des grandes attractions de la première édition du salon en 1995 ! Les annonces et commercialisations se bousculent : le Virtual Boy, l’Atari VR mais aussi les Cybermaxx, I-Glasses et VFX-1 promettent une nouvelle expérience ludique imminente… La communication met alors déjà le paquet et les dossiers comparatifs se multiplient dans la presse spécialisée.

un secteur très prisé des médias et qui fait fantasmer bon nombre de joueurs

Le Virtual Boy s’est notamment fait remarquer en vantant de proposer de « vrais graphismes en 3D » dans un matraquage publicitaire sans précédent. Nintendo se démarque avec ses deux écrans indépendants et son choix de ne pas être un casque mais bel et bien une console à part entière.

C’est « un secteur très prisé des médias et qui fait fantasmer bon nombre de joueurs », relève alors à l’époque le magazine CD Consoles, dans son reportage sur le salon de Los Angeles. Mais c’était sans savoir que vingt ans plus tard, cette phrase serait remployée presque à l’identique dans la plus part des journaux actuels. Les articles de l’époque rendent compte d’une certaine curiosité pour la technologie, si ce n’est une irréfrénable passion. « Le virtuel, ça marche » voilà un titre représentatif de cette période, propos rapporté par CD Consoles faisant référence au casque d’Atari. Et dans cet article élogieux, nous retrouvons des descriptions  semblables à celles d’aujourd’hui « Le principe est simple, une fois le casque en place, il s’agit de lever la tête pour apercevoir les missiles tombant du ciel. Le décor bouge en fonction des mouvements de la tête et l’impression d’y être est totale. »

 

LA DOUCHE FROIDE

Les années 90 correspondent aux expérimentations plus grand public, c’est un pas fait en avant vers la démocratisation de la technologie. Les consommateurs mais surtout les industries semblent alors convaincus que la réalité virtuelle est la prochaine étape immanquable dans le domaine des loisirs. Mais voilà, les tests et la publicité ne suffisent pas à en faire la révolution tant attendue. Et pour cause, la technologie n’est pas à la hauteur de ses promesses et le prix prohibitif de la plupart de ces appareils empêche toute diffusion. Le confort n’est clairement pas non plus le point fort de la réalité virtuelle des années 90. Entre les envies de vomissements et les maux de tête, les joueurs de l’époque ne gardent pas un très bon souvenir de leurs essais.

Une petite partie de Dragon Age : Origins en réalité virtuelle ? Ça n'intéresse personne ?

Une petite partie de Dragon Age : Origins en réalité virtuelle ? Ça n’intéresse personne ?

Les développeurs ne sont pas tous très enthousiastes non plus, ce même quelques années plus tard : BioWare a fait des démos et même une version de Dragon Age en VR. Mais le malaise étant trop important lors d’une partie de jeu, comme le confesse Greg Zeschuk le cofondateur de la société, l’idée a vite été abandonnée. Dans le magasine Gen 4, le Cybermax vaut un « lourd et peu confortable ». Et si pour conserver un prix de commercialisation abordable Nintendo a fait le choix d’un écran monochrome à l’affichage rouge et noir, il faut prévoir environ 10 000 francs soit 2 000 euros actuels pour une technologie de plus haute définition.

 

LE VIRTUAL BOY

Le Virtual Boy de Nintendo, une console conçue pour les enfants et déconseillée aux... enfants.

Le Virtual Boy de Nintendo, une console conçue pour les enfants et déconseillée aux… enfants.

Si nous reprenons le cas du Virtual Boy, les raisons sont multiples : sa pauvre ludothèque dont on ne retiendra que Wario Land, la faible exploitation de la 3D réduite à des fils de fer, l’annonce d’une toute nouvelle console de salon répondant au nom de code d’Ultra 64, la consommation de six piles AA en seulement six heures… Et pour couronner le tout, Nintendo finit par déconseiller sa console aux plus jeunes alors que les enfants étaient son cœur de cible. Véritable fiasco pour l’équipe de son créateur, Yokoi Gunpei, le Virtual Boy fait aujourd’hui figure de curiosité et même d’objet collector. Et oui, il faut compter 300 euros pour un modèle d’occasion à moins d’avoir la chance de tomber dessus dans un petit vide grenier de campagne pour 80-90 euros… Chanceux, je ne donnerai pas de nom.

 

LA VR, FAUX DÉPART

Quoiqu’il en soit, qu’il s’agisse de la technologie laborieuse, des périphériques trop lourds ou de son prix, la réalité virtuelle n’a pas été d’un résultat probant avec un public finalement peu réceptif. Pour en profiter sans contrainte en France, les expériences au Futuroscope sont longtemps restées une alternative. La réalité virtuelle en 1995 dans le jeu vidéo est devenue tabou, et le spectre du Virtual Boy effraye encore bien du monde. Certains casques n’ont même jamais été commercialisés, comme l’Atari Jaguar VR, annulé dans la foulée du salon. Du flaire quant à l’échec approchant ou bien du vent sur la faisabilité et l’endurance du produit ? Qu’importe, notre société s’est finalement tournée vers une autre avancée technologique plus accessible, utile et concrète. Je veux bien entendu parler d’Internet, démocratisée avec le World Wide Web, il y a 25 ans de cela. Ces échecs n’auront en rien arrêté les industriels, remettant ainsi les petits plats dans les grands pour la décennie actuelle. Alors, HTC Vive, Oculus, Samsung VR ou encore PlayStation VR… ça donne quoi ? Cette fois-ci… c’est la bonne ?