M. BisonDictateur dans Street Fighter
M. BISONle psycho pouvoir
Street Fighter II a créé le genre du jeu de combat, son boss final est donc en toute logique l’un de ceux que les joueurs ont le plus affronté. M. Bison a été pensé comme un vilain classique, ce qui aurait pu le rendre inintéressant mais ce n’est heureusement pas le cas malgré sa part de caricature.
TENTER DE CONQUÉRIR LE MONDE !
Comme de nombreux dictateurs, le rêve de Bison est de dominer le monde, ce qu’il tente de faire avec son organisation criminelle Shadaloo. Il apparaît pour la première fois en tant que boss final non-jouable dans Street Fighter II: The World Warrior. Il devient utilisable, tout comme les autres membres de Shadaloo, dans la seconde version du jeu, Street Fighter II’: Champion Edition. Ce statut de boss final dans cette œuvre fondatrice du genre permet au personnage pourtant caricatural de s’imposer en tant que méchant classique du jeu vidéo. En effet, son uniforme militaire rouge sang, sa cape, sa soif de pouvoir et son rire diabolique en font l’archétype même du méchant dans une série qui a pourtant une belle galerie d’antagonistes tels que Sagat, Akuma ou Seth. Il s’agit d’un personnage puissant et calculateur ce qui se retrouve dans son gameplay avec ses dévastatrices attaques à charger et ses feintes.
Comme pour la plupart des personnages de la série, Akiman (Akira Yasuda) est à l’origine du design de Bison. Il a tout de même été fortement inspiré d’une des grandes influences japonaises de l’époque. En 1983, Hiroshi Aramata débute la publication de textes issus de sa série de romans Teito Monogatari dont le personnage principal est Yasunori Katô, un militaire haut gradé aux pouvoirs surnaturels qui tente de détruire Tokyo. Cette reconstruction moderne de l’ésotérisme classique japonais connaît un franc succès mais rentre réellement dans l’inconscient collectif du pays en 1988 avec Tokyo: The Last Megalopolis, son adaptation cinématographique. Joué par Kyūsaku Shimada, le personnage devient culte et devient l’inspiration de nombreuses autres créations dont Bison avec lequel il partage à la fois son apparence et ses pouvoirs, mais également le Général Washizaki, antagoniste du manga Riki-Oh et référence reconnue de Bison. Bien entendu, les Nazis servent également de modèle pour le personnage avec son uniforme militaire, rouge de surcroît, mais plus particulièrement des SS dont il reprend à la fois l’image des crânes et le logo puisque la Sig Rune se retrouve sur sa ceinture et sur sa casquette.
Au niveau de la scène internationale, les joueurs de Street Fighter nomment le personnage Dictator pour plus de clarté. L’adaptation américaine a en effet été l’occasion d’un jeu de chaises musicales pour les boss de Street Fighter II: The World Warrior. Le boxeur s’appelle à l’origine Mike Bison en référence au célèbre athlète qui aurait donc pu porter plainte. L’équipe de Capcom présente aux États-Unis a donc préféré donner ce nom à un autre personnage pour limiter les risques, ce qui tombait plutôt bien puisque le nom japonais du boss final, Vega, ne leur semblait pas assez menaçant. Vega devint donc M. Bison mais la signification du M reste un secret bien gardé par l’éditeur qui aime beaucoup jouer avec cela dans la version anglaise, en ajoutant des mots tels que Mighty ou Master devant le nom de Bison.
PSYCHO POWER
M. Bison tire sa puissance du Psycho Power, une énergie négative qui lui permet de réaliser la plupart de ses attaques dont le célèbre Psycho Crusher durant lequel il bondit vers l’adversaire tout en étant imprégné de ce ki. L’utilisation de ce pouvoir nécessite de se séparer de tout ce qu’il y a de positif dans son âme. Dans sa quête de pouvoir, Bison a donc rejeté sa part d’humanité et son empathie pour atteindre la noirceur absolue ce qui explique son côté caricatural dans le mal. Le Psycho Power lui donne des capacités d’hypnose, de téléportation et de lévitation, en plus de l’énergie brute qu’il peut ajouter à ses coups.
Ce choix n’est pourtant pas sans conséquence puisqu’en expulsant la part de lumière en lui, Bison a involontairement créé Rose, une cartomancienne maîtrisant le Soul Power, l’énergie opposée du Psycho Power. Elle vit dans le seul but de mettre fin aux agissements du dictateur qui pourraient briser l’équilibre du monde. Cependant, en étant chacun l’exact contraire de l’autre, ils sont de force égale et ne peuvent donc pas réellement se vaincre. M. Bison ne porte aucun intérêt à cette partie de lui qui ne représente pas de réelle menace tandis que Rose le hait profondément et cherche à le vaincre en passant par quelqu’un d’autre.
L’autre problème engendré par le Psycho Power est l’usure du corps qu’il provoque. Ce pouvoir demande un corps assez résistant pour le supporter pleinement mais aussi sur la longueur. Lors de la création de la préquelle Street Fighter Alpha, il est décidé de rendre Bison plus imposant en augmentant sa masse musculaire. Il fallait donc expliquer le changement physique ce qui a été fait avec cette faiblesse mais aussi avec le Psycho Drive. Il s’agit d’une machine capable de stocker le Psycho Power généré par Bison qui peut à la fois utiliser l’appareil comme une arme mais aussi comme un chargeur afin de reprendre des forces. Son utilisation intensive lui fait prendre conscience du besoin d’un nouveau corps et plus particulièrement de celui du meilleur combattant du monde, Ryu.
LE PLAN DÉMONIAQUE
Dans les épisodes Alpha, Bison vient de recruter Sagat pour travailler auprès de lui. En apprenant qu’un combattant a réussi à battre son nouvel employé lors du premier World Warrior Tournament, le chef de Shadaloo décide de mettre également la main sur Ryu. Malheureusement pour lui, ses ennemis parviennent à contrecarrer ses plans en détruisant le Psycho Drive, provoquant ainsi la mort de Bison dont l’esprit parvient tout de même à posséder le corps de Rose. Doté d’un nouveau corps plus faible, il organise donc le deuxième World Warrior Tournament afin de se venger mais aussi d’attirer Ryu qui lui échappe toujours. Il s’agit des événements des Street Fighter II durant lesquels Bison se fait une nouvelle fois tuer, cette fois-ci par Akuma. Il est ainsi remplacé par Seth, un androïde dont il avait lui-même demandé la création à Shadaloo, qui organise à son tour un tournoi. Dans Street Fighter IV, l’objectif de Bison est donc de vaincre le nouveau chef et de s’emparer de son corps.
Au fil des épisodes, l’organigramme de Shadaloo se montre de plus en plus clair. Bison règne en maître tandis que Sagat, Balrog et Vega le secondent. Juste en dessous d’eux se situent les Dolls, treize jeunes femmes dont l’esprit est manipulé par le chef grâce au Psycho Power. Shadaloo a en effet enlevé des adolescentes prometteuses dans le monde entier afin de former une garde d’élite. Chacune d’entre elles a subi un lavage de cerveau, perdant toute trace de son ancienne vie en dehors de son nom qui est un des douze mois de l’année dans la langue de son pays d’origine. Bison sait être magnanime. La dernière Doll répond au nom de Killer Bee, il ne s’agit pas d’une kidnappée mais d’un clone de Bison qui comptait en faire son prochain corps. Libérée de l’emprise sur elle, elle s’échappe de Shadaloo et prend le nom de Cammy. Il ne s’agit pas de l’unique tentative de créer des corps de remplacement puisque le Shadaloo Intimidation Network (S.I.N.), la division responsable de l’armement au sein de l’organisation criminelle, a également développé 26 êtres, une fois de plus voués à devenir des corps pour Bison. L’un d’entre eux, le numéro 15, prend la tête du S.I.N. et s’élève au rang de bras droit de Bison, avant de le remplacer en prenant le nom de Seth suite aux évènements de Street Fighter II.
Si Bison est véritablement doué pour créer des alliés, il l’est tout autant pour se faire des ennemis puisqu’il n’est pas rare que ses créations se retournent contre lui. À la fois, Rose, Cammy et Seth ont pour objectif de le battre mais il ne s’agit pas des seuls à lui en vouloir. De nombreux combattants participent aux tournois dans le seul but de vaincre Shadaloo et Bison. C’est notamment le cas de Chun Li dont le père a été assassiné par l’organisation. Elle collabore donc avec Charlie Nash dans un premier temps puis avec Guile, le meilleur ami de ce dernier quand celui-ci semble mort du fait de Bison. Sagat lui-même s’est soulevé contre Bison en apprenant ses plans concernant Ryu. Il ne pourrait pas considérer une victoire contre ce dernier comme une réelle revanche si son esprit est effacé par Bison. Le dictateur entretient également une rivalité certaine avec Akuma puisqu’il s’agit de deux personnages à la recherche du pouvoir absolu. Cependant, chacun méprise la puissance de l’autre, que ce soit Akuma avec le Psycho Power qu’il considère comme répugnant vu le manque d’honneur qu’il implique, ou Bison avec le Satsui No Hado qu’il juge inférieur.
L’INVASION
La série Street Fighter n’étant pas très avare en crossover, adaptations et autres caméos, il n’est pas rare de croiser Bison ailleurs que dans sa propre saga. Il peut néanmoins laisser sa place de représentant du mal de la série à Akuma ou à Seth. Malgré son absence dans les Street Fighter III puisque le rôle de grand méchant est attribué à Gill et à son Illuminati, Bison est resté depuis tout ce temps dans les autres jeux reprenant cet univers. Il est ainsi jouable dans la plupart des jeux de la série des Marvel vs. Capcom mais également dans tous les affrontements avec les personnages de SNK, qu’il s’agisse de jeux de combat ou non. Son éditeur Capcom aime également le mettre dans ses autres titres puisqu’il est également présent dans des jeux tels que Capcom Fighting Evolution, Namco X Capcom ou Street Fighter X Tekken. L’influence du personnage ne s’arrête pas au jeu vidéo puisque sa série ne compte plus les dessins animés, comics, mangas et les films dérivés. L’aspect caricatural du personnage est d’ailleurs une force dans bon nombre de ces produits qui sont souvent pardonnés grâce leur interprétation du personnage.
Ainsi, si le film Street Fighter : L’ultime combat sorti en 1994 reste dans les mémoires, cela a plus un lien avec M. Bison qu’avec la qualité générale du long métrage. Le personnage y est interprété par Raúl Juliá qui avait été choisi pour sa formation d’acteur dramatique censée donner de la grandeur au personnage (dans le but d’égaler les ennemis de James Bond) mais qui au contraire peut sembler faire tâche dans ce film plus que moyen. Malheureusement, l’acteur souffrait d’un cancer dont il avait caché l’existence à la production afin de pouvoir faire un dernier film avant sa mort, un projet dédié à ses enfants fans du jeu. L’acteur qui a également joué Gomez dans La Famille Addams meurt deux mois avant la sortie de la production et ce rôle devient culte sur Internet où il est régulièrement parodié, notamment avec le célèbre « Of Course !, » et obtient le statut de mème. Il ne s’agit pas de la seule version du personnage à connaître ce sort puisque certaines répliques du dessin animé sont tout aussi populaires auprès des internautes anglophones.
Même si ces œuvres ne sont pas canoniques, les jeux eux-mêmes font désormais des clins d’œil à ces moments notamment le très auto-référentiel Street Fighter X Tekken. Ces moments cartoonesques dépassent parfois Bison ou Street Fighter et se retrouvent cités sans le moindre contexte, preuve de la vilénie très classique du personnage qui ne le prive pas non plus de son charisme. C’est pour cela qu’il a droit à l’un des plus grands honneurs via sa présence dans le film Les Mondes de Ralph au sein des Méchants Anonymes qui accueillent aussi, de façon moins logique, Zangief.
Mis de côté pendant un certain temps par Capcom, ce méchant classique du jeu vidéo a retrouvé grâce aux yeux de l’éditeur avec Street Fighter IV. Cet épisode, situé chronologiquement entre Street Fighter II et III, était un bon moyen de le faire revenir sur le devant de la scène. Il s’agit d’un retour gagnant pour le personnage qui sera en 2016 dans le casting original de Street Fighter V avec une chevelure devenue blanche, mais également parmi les ennemis à combattre dans le Tactical-RPG Project X Zone 2.