Pokemon Vs. Palworld : Un combat perdu d’avance ?Voxel Libre

Rédigé par

Palworld n’est-il rien de plus qu’un « Pokémon avec des armes » ? Allons, soyons sérieux, la réalité est, comme souvent, bien plus complexe que cela.

Si vous n’êtes pas entré en hibernation depuis ce début d’année 2024, vous avez forcément entendu parler de Palworld, ce jeu bac à sable développé par le studio japonais Pocketpair mêlant survie, action aventure et capture de monstres… Le tout avec des armes à feu ! Dis comme ça, ça paraît complètement dingue, mais quand on y réfléchit, un titre dans lequel on explose des bestioles mignonnes à coup de shotgun ou de fusil à pompe dans un immense monde ouvert, il était évident que ça allait cartonner (sans mauvais jeu de mots bien sûr !). 12 millions de copies écoulies après deux semaines d’exploitation et uniquement sur Steam. C’est vous dire l’engouement qu’a généré le titre.

Ceci dit, on ne va pas faire comme si personne n’avait rien remarqué, la première chose qui a frappé les joueurs et ce dès les premières images, c’est la ressemblance plus que flagrante avec un autre univers vidéoludique bien connu, celui des Pokemon. Pourtant,  le PDG Takuro Mizobe a assuré que l’inspiration principale du concept de Palworld ne venait pas de ces derniers, mais plutôt de Ark: Survival Evolved, un autre jeu dans lequel des monstres sont nos compagnons. Il explique aussi que les mécanismes de survie et les tâches du jeu ont quant à elles été inspirés par Rust, tandis que la série Dragon Quest aurait influencé la conception des créatures.

 

 

Evidemment, cette défense n’a en rien convaincu les fans des monstres de poche de Game Freak qui sont rapidement montés au créneau et se sont insurgés contre cette pâle copie de leur jeu favori. Review bombing, appel au boycott, déferlement de haine… Même des menaces de mort ont été prononcées envers les développeurs de Palworld... Si certaines formes de contestation peuvent légitimement s’entendre, les autres, à caractères haineuses, insultantes et violentes sont assurément inadmissibles et prouvent malheureusement que la bêtise humaine n’a désormais plus de limite. Pour limiter les dégâts, The Pokemon Company n’avait plus d’autre choix que d’intervenir…

 

LA POKEMON COMPAGNIE A L’ATTAQUE

Face à cette levée de boucliers et à l’avalanche de réactions d’un public criant au plagiat, The Pokemon Company, la société affiliée à Nintendo et détentrice des droits de propriété intellectuelle de Pokemon a finalement été contraint de réagir officiellement dans un communiqué. Quelques jours après la sortie du jeu sur Steam, ils ont ainsi déclaré : « Nous avons reçu de nombreuses demandes concernant le jeu d’une autre société sorti en janvier 2024. Nous n’avons accordé aucune autorisation pour l’utilisation de la propriété intellectuelle ou des actifs de Pokémon dans ce jeu. Nous avons l’intention d’enquêter et de prendre les mesures appropriées pour remédier à tout acte portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle liés aux Pokémon ».

Le message est clair : il s’agit là plus d’une réaction visant à éteindre toute polémique que de l’expression d’une volonté affichée de partir en croisade contre le studio Pocketpair. Il faut dire que passés les cris du coeur de certains joueurs lâchés sous le coup de l’émotion, la zone apparaît bien plus grise qu’il n’y paraît. Dans les faits et au vu des éléments actuellement mis sur la table, il est même difficilement envisageable que Nintendo et The Pokemon Company obtiennent gain de cause lors d’un procès.

PALWORLD, UN MONSTRUEUX PLAGIAT DE POKEMON ?

Vous connaissez cette célèbre citation du chimiste français Antoine Lavoisier ? Celle qui dit : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme». Et bien c’est aussi valable pour le jeu vidéo ! Depuis, l’avènement du 10ème art dans le paysage culturel mondial, les créateurs de JV s’inspirent les uns les autres pour sans cesse nous proposer des expériences vidéoludiques toujours plus marquantes. Cela même si disons-le, les AAA de ces dernières années peinent à renouveler leur formule malgré la quantité astronomique d’argent qu’ils génèrent, mais ça c’est une autre histoire…

Pour en revenir à Palworld, l’argument qui revient le plus souvent chez ses détracteurs, c’est donc la ressemblance parfois flagrante des Pals avec certains Pokemon. S’il apparaît effectivement difficile de leur donner tort, ce n’est pas pour autant que ce positionnement est attaquable, et encore moins légalement répréhensible. Peut-être dans notre culture occidentale, mais pas au Japon en tout cas.

 

Dans certains cas, il est vrai que la ressemblance entre Pals et Pokemon est frappante !

 

En effet, il suffit de brasser un tant soit peu la culture populaire nippone pour s’apercevoir que les univers mettant en scène les créatures mignonnes sont légion au Pays du Soleil Levant. Que ce soit Dragon Quest, Digimon, Pokemon, TemTem, Yokai Watch ou Monster Hunters pour ne citer que les plus connus, ces titres ont tous comme point commun de s’être inspirés les uns des autres. On parle ici de jeux vidéo, mais ces inspirations mutuelles des oeuvres culturelles japonaises sont tout autant valables pour les sentai, ces séries de super-héros nippons qui pullulent par dizaines au Japon. Eux aussi reprennent entre eux leurs codes narratifs et visuels sans que personne n’y trouve à redire.
The Pokemon Company n’est d’ailleurs pas étrangère au phénomène puisque les 150 premiers Pokemon des versions rouge, bleue et verte sorties en 1996 s’inspirent eux-mêmes des créatures de Dragon Quest, un autre monument du jeu de rôle japonais amorcé dix ans plus tôt, en 1986. Le grand public le sait moins, mais là aussi, les ressemblances sont plutôt frappantes. « Faites ce que je dis, pas ce que je fais » comme on dit.

 

Initialement, Pokemon s’inspire aussi de Dragon Quest, et personne ne dit rien !

 

L’ARME JURIDIQUE FACE AUX ARMES A FEU

La réalité, c’est que si Nintendo et la Pokemon Company avaient de réels arguments entre les mains pour attaquer Palworld, la firme de Kyoto ne se serait probablement pas gênée pour traîner en justice le studio à l’origine de leurs maux. Après tout, on connaît la férocité de Big N sur toutes les questions de propriété intellectuelle et tous ceux  qui ont tenté de s’y frotter s’y sont piqués et se sont cassé les dents. Quand bien même certains douteraient encore de la force de leur machine juridique, il n’y a qu’à regarder le fameux mod de Palworld qui utilisait les vrais skins de Pokemon. Il aura suffi de quelques heures à peine pour que celui-ci soit retiré des Internets et que les avocats de Nintendo viennent frapper à la porte de son développeur. Il en va de même pour le jeu de cartes à jouer et à collectionner Poke Zoo, un TCG en l’occurrence honteusement plagié sur celui de Pokemon : Nintendo et TPCI sont déjà à leurs trousses.

Comprenez par là qu’au vu des circonstances actuelles, le géant Nintendo n’est absolument pas en mesure d’attaquer en justice le studio à l’origine de Palworld. Et cela, ils le savent bien. Rappelons tout de même que le studio Pocketpair reste une société indépendante composé d’une toute petite équipe. En cela, croyez bien que si celle-ci n’avait pas une défense en béton armé, ils n’auraient jamais pris le risque de sortir leur jeu. Je veux dire, à leur échelle, à quoi bon se lancer dans un combat perdu d’avance ? Et puis après tout, si Temtem n’a pas sauté en son temps, pourquoi est-ce que Palworld paierait les pots cassés ?

 

 

Surtout qu’en définitive, il suffit de jouer quelques heures au jeu pour comprendre qu’au-delà des inspirations visuelles évidentes entre certaines créatures des deux licences et son système de capture proche de celui de Pokemon, Palworld est parvenu à créer son propre monde. Un univers inspiré de pleins d’autres plus anciens et qui combine de nombreuses autres mécaniques maintes fois exploitées dans le jeu vidéo certes, mais un monde qui a la décence de vivre selon ses propres règles tout en faisant kiffer de nombreux joueurs. Et ça, c’est tout en leur honneur puisqu’il y avait longtemps qu’un jeu vidéo n’avait pas procuré de telles sensations.
Mais cela ne signifie pas pour autant que le studio Pocketpair est lavé de tout soupçon. Il leur reste en effet encore à prouver que les équipes n’ont pas fait usage de l’intelligence artificielle pour designer directement leurs créatures. Si cela était avéré, ce serait là bien plus dommageable que de simples inspirations visuelles. Il est toujours bon de rappeler que si l’IA représente bel et bien un appui technologique considérable, c’est aussi un véritable fléau pour les artistes qui se voient de plus en plus mis au second plan.

Une fois qu’on a dit tout ça, il n’y a plus qu’à attendre le verdict de Nintendo et The Pokemon Company qui arrivera au terme de leurs « investigations ». D’ici là, il sera intéressant d’observer si la hype autour de Palworld tiendra ou non sur la longueur. Les Pals parviendront-ils à bousculer pour de bon l’hégémonie de Pokemon ? En-tout-cas, la fenêtre de sortie a plutôt été bien choisie puisqu’ils débarquent à une période où l’image de la licence culte de Game Freak n’a jamais été aussi sérieusement écornée. Reste maintenant à savoir si un AK47 et tout l’arsenal militaire de Grizzbolt et consors suffira à mettre définitivement KO Pikachu et ses 1024 autres potes. Ou sans aller aussi loin, esperons juste que la réussite de Palworld sera le déclic dont Pokemon a besoin pour réellement évoluer.