Mansa Moussa

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MANSA MOUSSA

SOUVERAIN DU MALI


Mansa Moussa dessiné dans un atlas catalan de 1375. Conservé à la BNF, à Paris

Mansa Moussa (écrit parfois Mûsâ) [1280-1337], appelé Kankou Moussa, est le Roi des rois du Mali (autrement dit « empereur » de l’empire du Mali) au début du XIVe siècle. Il est connu dans l’histoire du monde comme étant la personne la plus riche de tout les temps, sa fortune ayant été estimée à 400 milliard de dollars par un site internet américain. Mansa Moussa est avant tout un souverain du Mali, pays et Empire qui fut le plus grand d’Afrique de l’Ouest et l’un des plus fameux de toute l’Afrique.

Mansa Moussa se fait connaître dans le monde musulman et de réputation jusqu’en Europe, lors de son pèlerinage à La Mecque qu’il entreprend en 1324. Il arrive au Caire durant le mois de Juillet et il donne une telle impression, lui, son cortège et sa richesse incommensurable, qu’à partir de là on raconta partout dans le monde la procession qu’il fit dans la ville du Caire. Le cortège aurait été constitué de 60 000 hommes, 12 000 esclaves et une centaine de chameaux transportant chacun 150 kilos d’or pur. Mansa Moussa aurait ensuite distribué une telle quantité d’or à toutes les personnes qu’il croisait que la ville a connu un crack du cours de l’or qui dura 12 ans.

Il est naturellement mis en scène dans la série de jeu Civilization lorsque pour le quatrième jeu, la civilisation malienne est jouable.

 

ÉVOLUTION DES CARACTÉRISTIQUES DE JEU ENTRE LE QUATRIÈME ET LE SIXIÈME CIVILIZATION (2005-2016)

Comme le jeu l’exige, la civilisation, lorsque celle-ci n’est pas jouée par le joueur, agit d’elle-même. Elle se gère, se développe, déclare la guerre, fait la paix, etc., toute seule. Ses actions, la forme et la façon de se développer, sont influencées par la « personnalité » du dirigeant. Ainsi chaque dirigeant de civilisation a des traits de caractères particuliers. Ces traits de caractères sont des bonus ou des malus. Chaque civilisation a aussi ses originalités qui vont influencer également le jeu du joueur. Ces objets de gameplay apparaissant dès le premier jeu ne vont pas arrêter d’être améliorés et repensés de jeu en jeu. Aussi, une évolution de ces caractéristiques est notable dans le temps.

Faisons un tour d’horizon en ce qui concerne Mansa Moussa :

Mansa Moussa, portrait dans Civilization IV

Mansa Moussa, portrait dans Civilization VI Gathering Storm

Suite à ce tour d’horizon de la civilisation malienne de Mansa Moussa, tels que présentés dans les jeux Civilization, on peut en premier lieu être heureux que dès 2005 le jeu Civilization se soit tenté a exploré l’histoire et la culture des pays africains d’avant la colonisation. Approfondissons, en second lieu, le sujet pour découvrir plus encore d’éléments clefs de l’histoire des pays subsahariens et de l’empire du Mali en particulier.

 

L’HISTOIRE SÉRIEUSE AVEC UN GRAND « H »

 

Petit traité d’histoire des pays du continent nommé Afrique

En premier lieu, l’Afrique est un continent grand de 30 millions de km², il y a 9000 kilomètres du Nord au Sud et 6500 kilomètres d’Est en Ouest à son maximum de périmètre, ce qui pose l’espace géographique physique ; si on considère, pour les repères temporels, que les hominidés sont apparus il y a 3 millions d’années en Ethiopie, le continent africain a donc quelques millions d’années d’histoire. Limitons-nous dans le principe a évoquer la grosse poignée de noms de grandes entités sociétales, comme l’empire du Mali, qui parsème l’histoire de l’Afrique. Une remarque sur les noms, aussi bien des entités politiques que des personnes : il y a parfois une multitude de façon d’écrire certains noms, due aux langues et leur translittération en français, dans la majorité des cas nous adoptons ici la façon d’écrire trouvé dans les livres consultées (voir la bibliographie en fin de page).

Carte de Willem Blaeu, colorisée, du XVIIe siècle

Photographie des vestiges de la ville de Méroé, classé patrimoine mondial de l’UNESCO en 2011, au Soudan actuel. Photographie de Nigel Pavitt, National Geographic.

Carte de l’ « empire » d’Aksoum et sa prise de la Mer Rouge ; crédit image : Creative Commons Wikipédia

Carte de la côte Swahili à travers les siècles ; source worldhistory.org

Photo aérienne des vestiges du Grand Zimbabwe, on voit bien le « grand enclose » et tout l’urbanisme autour, tout est construit en granit ce qui est exceptionnel ; crédit photo : Creative Commons

Carte représentative du Royaume du Kongo, crédit : British Museum, « The wealth of Africa, the kingdom of Kongo ».

Carte de l’Empire Kanem-Bornou à son apogée au XVIIe-XVIIIe siècle, crédit image : Creativ Commons

Carte représentative de l’Empire du Mali, avec les voies commerciales en tirets, qui reprend la zone d’influence du Ghana. crédit image : soninkara.org

Détails sur l’Afrique de l’Ouest de l’Atlas Catalan

Carte représentant l’étendue maximale de l’Empire Songhay, crédit image : Creativ Commons

En conclusion, nous venons de voir un ensemble d’entités politiques qui ont marquée l’Afrique à l’Est (Egypte, Kouch, Aksoum), à l’Ouest (Ghana, Mali, Songhay) ou encore au Sud Ouest et Est (Kongo, Grand Zimbabwe et la Côte Swahili), sans oublier le Kanem-Bornou placé au centre-nord du continent. Chacune de ces entités a connu son lot d’apogée, de prospérité, de division et puis de disparition pour des raisons différentes mais des points communs sont tout de même a noter puisqu’ils arriveront à faire le pont vers Mansa Moussa et le Mali. Il y a d’un côté le commerce autour duquel s’est construit toutes les puissances politiques, l’histoire du continent africain y est particulièrement concerné, puis il y a de l’autre côté la religion que nous allons explorer plus en profondeur ci-après, avec la pénétration de l’Islam sur la côte Swahili aussi bien que dans les empires du Ghana, Mali et Songhays, avec les dirigeants qui ont sût reposer leur légitimité politique sur la religion ; le royaume d’Aksoum, avec la christianisation de l’Ethiopie, est aussi un bon exemple. Revenons maintenant sur Mansa Moussa et l’Empire du Mali et les jeux Civilization pour approfondir certains sujets.

 

 

Dans Civilization IV, Mansa Moussa a deux traits de personnalités : Financier et Spirituel

Comme tous les souverains de Civilization, Mansa Moussa a deux traits de personnalités qui influencent le jeu, réfléchissons quelques minutes ce que implique un souverain dit « financier » et « spirituel » :

Concept-art représentant Mansa Moussa, source image Tera-news.com

Le commerce riche et prospère ne s’est pas fait en un jour et si on peut considérer que l’une des plus grandes richesses du commerce partant du Mali est l’exportation d’or pur, additionné à l’ivoire très réputé et le sel très demandé, il y avait tout de même la nécessité de traverser le Sahara du sud au nord (et inversement) pour faire commencer le transit de ces marchandises. Cette traversée par des caravanes de dromadaires semblent avoir été rare avant le IVe siècle de notre ère (mais elles existent depuis au moins -500) et semblent s’intensifier et s’organiser à partir du VIe siècle. Qu’est-ce qui poussent des nomades-marchands à traverser désert ? dans le monde arabe, la légende d’un pays de l’or (appelée « Bilâd al-Sûdân« , littéralement « pays des Noirs« ) au Sahel se transmet dans la population marchande et l’appât du gain germe et grandit. Des pistes de caravanes se créées dans le désert avec des points de repères et des postes de repos réguliers (caravansérail), puis des villes plateformes du commerce grandissent au nord comme au sud du désert ; Sijilmasa au Maroc, Awdaghust et Tadmakka au Sud au Ghana-Mali sont sur pieds probablement avant l’an 1000 comme les premiers relais d’envergures de toutes les caravanes qui s’aventurent dans le désert ou en reviennent. Mais le commerce se fiche assez de la politique, le seul intérêt est l’achat-vente de marchandises à prix intéressants, alors quand un pouvoir politique souhaite mettre la main sur le commerce, il ne fait, en réalité, que le diriger vers les plateformes de commerces que ce pouvoir maitrise : l’empire du Mali, et Mansa Moussa particulièrement habile, transforme les voies des caravanes en proposant des destinations supplémentaires aux caravaniers. Ceux-ci peuvent rejoindre, après Tadmakka et Awdaghust, en poussant leur chemin, les villes de Oualata, de Tombouctou, de Gao, de Koumbi-Saleh, soit pour trouver d’autres marchandises, soit d’autres tarifs d’achats-ventes. A travers ces quelques villes importantes, ce sont les marchandises, biens et artefacts de tout l’Empire du Mali qui s’achètent et se vendent, car c’est bien l’Empire du Mali qui reste maître des lieux de production et des arrière-pays de chaque villes. Voilà le siège du commerce et de la finance de Mansa Moussa.

Carte illustrant la position d’Essouk-Tadmekka en Afrique de l’Ouest et le premier système du commerce islamique transsaharien, source image : https://journals.openedition.org/afriques/1237

En ce qui concerne la religion, pour l’Afrique de l’Ouest et la Côte Swahili à l’Est, la religion de l’Islam est naturellement arrivée avec les marchands musulmans, les voies de commerces ont été les voies d’expansions de la religion. Il est naturel également que les dates où on peut tracer des actes de conversions vont presque de pair avec le commerce : une mosquée est par exemple construite à Awdaghust vers 951 tandis que la Grande Mosquée Djingareyber de Tombouctou [qui sert d’arrière-plan du personnage Mansa Moussa dans les deux Civilization où il apparaît] est construite sous le règne de Mansa Moussa, autour de 1325-1327. Dans un premier temps, les marchands caravaniers arabes pénètrent assez peu dans les villes du Sahel, ils dorment sous leur tente à l’écart des centres urbains, puis petit à petit comme le commerce est florissant et qu’il y a de plus en plus de marchands, les vies se mêlent et se mélangent et les convictions religieuses se mélangent aussi, tant et si bien qu’on trouve à Tadmekka des inscriptions funéraires arabes qui remontent pour les plus anciennes à l’an 1011, marqueurs de l’acceptation et la pénétration culturelle de la religion. L’entrée de l’islam au Mali se confirme bien chez Mansa Moussa puisque, comme on l’a vu en entrée, en bon pratiquant, il fait son pèlerinage en direction de la Mecque et fait construire à Tombouctou une grand mosquée à l’architecture des plus remarquables. Autre part en Afrique, la Côte Swahili voit l’édification de mosquées dans toutes ses grandes localités, comme Kilwa et Mogadiscio. Enfin, plus au nord, on observe l’existence d’un royaume Chrétien d’Ethiopie qui domine l’ancien territoire d’Aksoum à partir du XIe siècle. Ce royaume trouve une fondation sociale permettant la cohabitation de chrétiens, de musulmans et de païen (du royaume du Damot) pour faire la richesse notamment du commerce : les musulmans assurent le commerce à longue distance tandis que les chrétiens assurent les voies intérieurs entre zones de productions et lieux de commerce extérieures. Ceci n’empêchant pas les conflits, qu’ils aient une origine de nature commerciale, ou purement politique, ou encore purement religieuse.

La grande Mosquée de Djenné, plus grand édifice en terre crue, ou banco, construite au XXe siècle

 

Traits de civilisation dans Civilization VI :

Carte du Sahel, selon le site internet de Oxfam France dans son article titré : « À la découverte du Sahel, la porte entre deux Afriques ».

Représentation d’un cavalier Mandeka, terre-cuite du XIIIe-XIVe siècle, conservé au Musée National d’Art africain de Washington

Peinture sur toile représentant un Djeli devant un chef, source de la peinture : Pascal Mpeck, 2002

Photo du marché de Djenné, source Tripadvisor avec son diaporama de photos intitulé « Djénné; lundi jour de marché »

Photo UNESCO de la journée crépissage de la mosquée, photographe : Francesco Bandarin

 

Et dans Civilization VII ?

Eh bin y a plus les maliens ni Mansa Moussa… Civilization VII (développé par Firaxis Games et sorti le 11 février 2025) a changé beaucoup le gameplay de la série de jeu. En premier lieu, il n’est plus question de jouer avec une seule civilisation mais de jouer une civilisation le temps de l’Âge en cours puis d’en changer ; et il y a trois Âges à passer (Antiquité, Exploration, Moderne). On peut lire le journal des développeurs ici qui présente ces changements. En second lieu, il n’y a tout simplement plus le choix du Mali comme civilisation ni non plus Mansa Moussa comme choix de dirigeant.

L’idée couchée par les développeurs est de faire avancer le joueur dans le temps et les différents Âges avec un point mis sur la cohérence historique sur les choix de transition entre les différentes civilisations. C’est-à-dire qu’à chaque Âge, il y a une civilisation qui représente la zone géographique du monde qui est en jeu, et le joueur sera poussé à garder la cohérence de sa civilisation. Par exemple, pour l’Inde, il y a la civilisation des Maurya pour l’Âge Antique, puis les Chola pour l’Âge de l’Exploration et enfin l’empire Moghol pour l’Âge Moderne. En ce qui concerne l’Afrique, le choix des développeurs est de faire parler la civilisation de Aksoum pour l’Âge Antique, la civilisation Songhaï pour l’Âge de l’Exploration et enfin la civilisation Bouganda pour l’Âge Moderne.

Cruelle leçon d’histoire, les Songhays prennent le dessus sur les maliens.