CRITIQUEMARVEL’S SPIDER-MAN : MILES MORALESCritique réalisée à partir d’une version presse.
Le 11 juin 2020, Sony réalise un coup d’éclat en annonçant la sortie de l’objet de toutes les convoitises du moment : la PlayStation 5. Cette révélation s’accompagne de l’annonce de plusieurs jeux, dont Marvel’s Spider-Man : Miles Morales. Si le jeu est très attendu puisqu’on incarne pour la première fois Miles Morales, il l’est aussi parce qu’il s’inscrit dans la ligne directe du précédent opus, qui a été un véritable carton sur PlayStation 4. Succès critique et marketing, Marvel’s Spider-Man est un des meilleurs titres de la console, les développeurs d’Insomniac Games ayant réussi à transcrire avec justesse l’univers Marvel et à rendre la ville de New-York à la fois authentique et vivante. Cependant, autour du titre, les ambitions divergent entre l’éditeur et les développeurs. D’un côté, Sony semble vouloir tempérer les attentes, et c’est Simon Rutter qui affirme que le jeu « n’est qu’une extension et une amélioration du jeu précédent » (précisons tout de même que cette extension coûte 60 euros). De l’autre côté, Insomniac Games assure que le jeu est un « jeu autonome ». Cette divergence servira de base à cette critique : nous trouvons-nous en présence d’un « DLC XXL », ou au contraire d’un jeu parfaitement autonome comme l’affirment les développeurs ?
MÊME VILLE, MÊME RÔLE, REALITÉS DIFFÉRENTES.
Marvel’s Spider-Man : Miles Morales prend place à New-York, tout comme son prédécesseur, mais sous la neige. La ville n’a pas changé, seuls quelques bâtiments diffèrent, rappelant le passage de notre mentor, Peter Parker, durant l’aventure précédente. Le rôle de notre héros est de protéger New-York, tout comme le « vrai Spider-Man », ce dernier étant absent durant l’ensemble de l’aventure. Ainsi, c’est l’idée que le jeu est bien un « DLC » qui semble s’installer dès les premiers instants du jeu. En réalité, la vie de Miles Morales vient nuancer cette réponse.
Le personnage principal est extrêmement attachant et c’est là un des points forts du jeu. La VF du jeu transpire de justesse et il faut saluer ici le doublage d’Ellias Changuel (doubleur de Miles Morales) qui y est pour beaucoup dans cette réussite. Miles n’est que « l’autre Spider-Man » et vit dans l’ombre du « vrai Spider-Man », il est sous-estimé et parfois même méprisé par la population ou ses ennemis. C’est cette image de pâle copie qui lui colle à la peau qui cristallise au fond tout l’enjeu du titre : devenir Spider-Man à part entière. Ce fil conducteur ajoute un caractère inédit à l’aventure et tend à la distinguer du précédent opus car les questionnements autour du héros ne sont pas les mêmes. Pour la population new-yorkaise, on passe du Spider-Man « affirmé » sur lequel on compte dans les situations les plus désespérées, au Spider-Man « novice » dont on n’attend pas grand chose mais qui a tant de choses à prouver. L’investigation optionnelle permise dans le jeu offre aux joueurs la possibilité de s’immerger encore plus dans l’aventure et nous permet de mieux comprendre les tenants et aboutissants de l’histoire. L’accentuation de cette immersion rend le personnage encore plus attachant.
Le jeu aborde aussi une thématique inédite, particulièrement frappante tant elle est originale : la situation d’Harlem. Ce quartier n’est pas que le théâtre d’un grand nombre de missions dans le jeu, il joue aussi son propre rôle et prend une place importante dans l’histoire. Simon Krieger, l’antagoniste principal du jeu, décide d’y installer un réacteur de Nuform, prétextant que c’est une énergie propre. En réalité, le Nuform est nocif pour l’être humain, et le choix de Simon Krieger de l’installer à Harlem pour la première fois est révélateur de la vision que peuvent avoir les gens de ce quartier, où vivent des personnes « dont tout le monde se fiche », comme le dit Miles. Miles et les personnages secondaires vivant à Harlem incarnent le bouillonnement culturel du quartier, ainsi que ses nouvelles revendications, mais aussi ses problèmes dont il souffre toujours. La question sociale de ce quartier s’emboite parfaitement avec l’histoire de Miles. Les sonorités et la bande-son du jeu s’inspirent logiquement de l’univers culturel d’Harlem, et ce pour notre plus grand plaisir.
La quête principal du jeu apparait trop courte, bien qu’elle soit intelligemment ficelée, et sa durée dessert le scénario en apportant une carence en rebondissements. Les relations avec les différents personnages sont plutôt monotones, abstraction faite de celle avec Phin Mason. Ganke Lee, votre meilleur ami, s’avère tout de même attachant et impliqué dans votre tâche, si bien que vous aurez réellement l’impression d’accomplir des missions en équipe. Concernant votre oncle, Le Rôdeur, il s’affiche comme le stéréotype du « tonton protecteur », et la quête qui lui est liée est sans grand intérêt. En effet, le personnage ne semble vivre que dans les souvenirs qu’il a entretenus avec votre père, tout en se plaignant de façon récurrente. On peut aussi pointer du doigt quelques incohérences scénaristiques, comme le fait que Phin se présente comme altruiste et pacifique, mais qu’elle n’hésite pas à détruire tous les bâtiments quand elle essaie de vous fuir… Cependant, le personnage de Simon Krieger est purement détestable, et c’est en ça qu’il est une réussite : il est l’archétype du capitaliste sournois et égoïste.
DES SENSATIONS AU RENDEZ-VOUS.
Si Marvel’s Spider-Man : Miles Morales brille autant, c’est surtout grâce aux sensations qu’il procure. Tout comme dans le précédent opus, parcourir la ville de New-York grâce aux capacités surnaturelles du héros est un pur régal, tant les mécaniques sont bien pensées et simples d’utilisation. Ce plaisir est évidemment aussi assuré par des graphismes efficaces, même sur PS4 Pro. Bien que les équipes d’Insomaniac Games aient pensé à intégrer des points de déplacements rapides à travers toute la map, vous ne les utiliserez presque jamais car vous passerez toujours un bon moment à vous rendre d’un point A à un point B. Vous pourrez profiter de ces occasions pour vous initier au mode photo du jeu, très bien fourni et où on peut se perdre durant plusieurs minutes pour prendre le meilleur cliché.
Encore une fois, ce nouveau titre se distingue grâce à l’ajout de nouvelles compétences qui rendent le parkour plus jouissif qu’il ne l’était auparavant. Miles Morales dispose de capacités bioélectriques qui lui servent en combat, mais aussi au sein même du parkour : il peut se propulser en l’air et réaliser un saut vers l’avant ultra-rapide. De plus, on peut désormais aussi réaliser des figures de style dans les airs, ce qui a pour effet de recharger la jauge de bioélectricité. L’addition de ces deux mécaniques rend le parkour stylé et profondément nerveux. Mention spéciale pour l’effort qui a été fait sur les interactions du héros avec le décor durant les phases de parkour, qui paraissent si naturelles qu’elles procurent une sensation de vitesse et d’agilité incomparable.
On ne pourrait pas parler de sensations sans évoquer les incroyables cinématiques du jeu. Cet aspect représente l’un des plus gros points forts du titre. L’excellence de ces cinématiques vient sérieusement brouiller la limite entre jeux vidéo et cinéma. Certaines d’entre-elles viennent d’ailleurs aussi satisfaire les plus grands fans de Spider-Man, en faisant référence aux films les plus célèbres de la franchise. De plus, les animations où notre héros entre dans un conduit d’aération, ou encore lorsqu’il se propulse à travers une brèche, nous permettent de ressentir que l’on incarne Spider-Man avec toutes les capacités que cela implique. L’ensemble de ces qualités est sublimé grâce à une bande-son incroyable, au style pop et rap.
ENTRONS DANS LE VIF DU SUJET.
Les combats dans le jeu peuvent être abordés de deux manières : par la force pure ou par la subtilité de l’infiltration. Les deux aspects sont une réussite. D’abord, le système de combat s’appuie sur les mécaniques du précédent opus, en y ajoutant un brin de nervosité grâce aux capacités inédites de Miles. Tous les combats deviennent de véritables bacs-à-sable où vous pouvez faire parler votre imagination pour venir à bout des ennemis : lancer des objets, enchaîner exclusivement grâce à vos poings, vous servir des gadgets, combattre dans les airs, utiliser la bioélectricité… et la liste n’en finit pas. Vous pourrez également utiliser des « coups de grâce » qui éliminent l’ennemi instantanément après une cinématique des plus stylées, et qui change selon la position dans laquelle vous l’avez déclenchée. On ne peut que saluer ici tout le travail d’Insomniac Games qui a réussi à rendre les combats si funs et si satisfaisants à regarder.
Pour ceux qui privilégient l’infiltration, vous ne serez pas en reste. Vous pourrez très bien venir à bout d’une base ennemie en restant exclusivement discret. Si cela est possible, c’est grâce à un level-design extrêmement qualitatif, et à des compétences débordantes d’efficacité tant elles ont été bien pensées. Dans ce nouvel opus, il est possible de devenir totalement invisible instantanément. Cette nouvelle mécanique permet de nouvelles approches beaucoup plus risquées qu’auparavant et permet d’approcher au plus près les ennemis pour déclencher les exécutions. Les phases d’infiltration se distinguent notamment par le fait qu’elles sont profondément immersives : vous écoutez les indications de Ganke, les conversations des ennemis, et essayez de réfléchir en même temps à vos déplacements. Si l’IA apparait parfois comme un peu « aux fraises », elle reste cependant bien au-dessus de la plupart de gros titres du moment comme Assassin’s Creed : Valhalla. A noter d’ailleurs que vous pouvez prédire les déplacements des ennemis et analyser leur champ de vision pour savoir si vous pouvez être repéré. Observation et vitesse d’exécution sont les maîtres mots de l’infiltration dans Marvel’s Spider-Man : Miles Morales.
Dans cette nouvelle aventure, notre héros fait face à deux factions qui sont elles-mêmes ennemies : l’Underground et Roxxon Energy Corporation. Elles sont respectivement dirigées par Tinkerer et Simon Krieger. La variété des ennemis de Roxxon est moindre en comparaison de celle de l’Underground, beaucoup plus fournie et très originale. Les développeurs ont su exploiter tout le potentiel de la « matière programmable » afin de créer des designs intéressants, presque cyberpunks. Tous les ennemis ont des caractéristiques précises qui nécessitent une adaptation de votre style de combat et l’utilisation de compétences dédiées pour en venir à bout. Lorsque beaucoup d’entre eux sont réunis, vos compétences d’analyse sont mises à rude épreuve, il vous faudra choisir intelligemment vos focus et utiliser à bon escient gadgets et autres capacités spéciales. J’aurais tout de même aimé avoir à faire à encore plus de types d’ennemis, mais la courte durée de vie du jeu n’a sûrement pas permis aux développeurs d’étoffer cet aspect. Dommage.
DES DÉFAUTS RÉCURRENTS ?
Si je ne tarie -pour l’instant- pas d’éloges au sujet de ce jeu, c’est parce qu’il est indéniablement un succès vidéoludique. N’empêche qu’il n’est pas parfait. L’un des gros points noirs du jeu est sa difficulté trop relative, même si le plus haut degré de difficulté reste tout de même une épreuve. Dans l’ensemble de votre aventure, vous mourrez très peu. Même constat pour les différentes énigmes du jeu, qui sont teintées de répétitivité et trop simplistes. Vous aurez, au cours de toute l’aventure, le sentiment d’être constamment pris par la main.
Marvel’s Spider-Man : Miles Morales fait bien figure de DLC au niveau du contenu qu’il propose. On ne dispose seulement que de quatre gadgets à travers toute l’aventure. Ces derniers ne sont d’ailleurs pas très intéressants en comparaison avec la multitude de gadgets proposés dans le premier opus. Sur les quatre, seulement deux apportent vraiment un plus aux combats. Le manque de contenu se ressent aussi en ce qui concerne les différentes tenues déblocables au cours du jeu, trop peu nombreuses à mon goût. Cependant, je tiens à nuancer cela puisque elles ont, selon moi, été l’objet d’un plus grand soin. Presque toutes sont jolies et élaborées dans des styles différents, contrairement au précédent opus où presque la moitié des tenues n’étaient clairement pas une réussite esthétique. Mais bon, les goûts et les couleurs… chacun s’en fera son propre avis.
Le gros point noir du titre est sa rejouabilité quasi inexistante. En fait, la rejouabilité de ce nouveau Marvel’s Spider-Man : Miles Morales est complètement artificielle et c’est en cela qu’elle me dérange. L’unique raison pour laquelle vous relancerez votre partie sera pour débloquer les derniers éléments cosmétiques du jeu, les derniers trophées et les dernières améliorations de gadgets. Une fois votre « Nouvelle Partie + » terminée, il n’y aura plus rien à faire dans le jeu, si ce n’est les interventions sur les scènes de crimes et les bases pour remplir les défis que vous avez peut-être manqués. Encore un point de rejouabilité artificielle finalement.
Comme l’aventure de Peter Parker avant lui, celle de Miles Morales reste assez répétitive, notamment au sujet des éléments collectables où il faut seulement se rendre à un endroit indiqué sur la carte et ramasser ou collecter l’objet. Certains d’entre eux font référence à l’histoire de Miles et Phin et sont donc tout de même intéressants, mais leur principale utilité reste la quête des trophées et le craft pour concevoir les tenues et les « mods ». Ces derniers peuvent être intéressants dans la mesure où ils vous serviront à vous spécialiser dans le style de jeu que vous avez choisi. Ils sont peut-être peu nombreux, mais tous s’avèrent intéressants dans certaines situations.
UN « DLC XXL » QUI AURAIT PU ÊTRE BIEN PLUS.
Simon Rutter n’a pas menti quand il disait que ce nouveau jeu serait une version améliorée de la précédente. Bien que plus court, le jeu est néanmoins moins répétitif et plus complet. Plus complet dans le sens où les équipes d’Insomniac Games ont pris en compte les reproches liées au précédent titre en apportant des alternatives qui viennent rompre la répétitivité de l’aventure, et je pense notamment aux quêtes « AQSD » disponibles grâce à l’application du jeu. Ces dernières sont variées et très originales. C’est justement ce type d’activité qui manquait au sein de l’aventure de Peter Parker. Les « crimes », activités qui apparaissent de façon aléatoire lorsque que vous parcourez la ville, ont aussi fait l’objet d’ajustements et sont devenus bien plus riches qu’auparavant, même si au bout d’une dizaine, la répétitivité reprend du poil de la bête. Globalement, les activités sont variées et bénéficient d’une certaine profondeur, mis à part pour les objets collectables.
Au final, le jeu est bel et bien un « DLC XXL » et est indissociable de la première aventure. C’est regrettable mais prévisible. Dommage, car il aurait pu aspirer à être bien plus que ça. L’histoire de Miles dans le jeu est, selon moi, bien plus marquante que celle de Peter Parker. Elle fait écho à des thèmes plus actuels et plus sensibles. La fin du jeu est mémorable, chargée d’émotions, mais également satisfaisante car elle vient conclure la quête intérieure du héros. Le fait que le jeu m’a autant plu a eu l’effet paradoxal qu’il m’a déçu en même temps, car je suis resté sur ma faim. J’aurais aimé une quête principale plus longue et une véritable rejouabilité. Le jeu reste cependant un sérieux argument de vente pour Sony, puisqu’il est une exclusivité. Etant l’un des premiers titres disponibles pour la PS5, il remportera un succès certain et justifié, mais je crains que les lacunes évoquées ici tendent à ternir sa réputation. En tout état de cause, on ne pourra pas reprocher aux équipes d’Insomniac Games d’avoir rater le côté immersif. Marvel’s Spider-Man : Miles Morales est un jeu de son temps qui a parfaitement compris les nouveaux enjeux de notre époque et qui les retranscrit au sein même de l’aventure.
L'avis général
- Les systèmes de combat et d'infiltration sont intuitifs et créatifs.
- Des cinématiques époustouflantes
- Le personnage principal est attachant
- La ville de New-York bouillonne de vie
- Des activités variées...
- ... mais qui sont parfois répétitives
- Un manque de contenu en comparaison du premier opus
- La durée de vie du jeu est très limitée étant donné son prix
- Des énigmes trop simplistes