Préhistoire du Jeu Vidéo #08.2 – Les années 60, le MIT et Spacewar!Capsule Temporelle

Préhistoire du Jeu Vidéo #08 partie 2 : LES ANNÉES 60, LE MIT ET SPACEWAR!
Après la première partie (ICI) sur le développement du jeu, voyons à présent la suite !
SPACEWAR! ET SES HÉRITAGES
Le jeu se diffuse car il est montré lors des Portes Ouvertes du MIT avec le soutien des professeurs-chercheurs en Intelligence Artificielle. Le code est open source et se partage très rapidement dans les universités et les groupes d’informaticiens réceptifs. Beaucoup de ceux-ci s’amusent à coder à leur tour des aménagements (ciel qui tourne, missiles également sensible à la gravité, etc.). L’entreprise DEC qui a construite le PDP-1 fait la demande pour intégrer le jeu Spacewar! sur tout les nouveaux ordinateurs sorti d’usine, pour tester les capacités et également vanter lors de manifestation publique la puissance de l’ordinateur. Le jeu deviendra également le programme de référence pour savoir si la machine fonctionne à son premier allumage ou non. En effet, le PDP-1 est ainsi conçu avec sa mémoire qu’un programme qui est chargé y demeure même après l’extinction de la machine. Si au redémarrage le programme est de nouveau en fonctionnement, cela indique que l’ordinateur n’a aucun défaut. Spacewar! qui a été pensé comme un détournement d’un programme lambda de démonstration pour un PDP-1 vierge de tout programme, se retrouve au final à remplir ce rôle. Et ce jusqu’en 1969, date de fin de production et vente de la machine. En 1975, trois exemplaires entrent dans la collection du Computer History Museum de Californie.

Photo de Steve Russell en 2011 au Computer History Museum devant l’un des PDP-1 conservé.
Outre vivre en open source un peu partout chez la nouvelle génération de hackeur, Spacewar! voit une émulation en Java être bricolée par Vadim Guerassimov (co-développeur de Tétris en 1984) au alentour de 1999. Puis en 2015, Norbert Landsteiner conçoit une version de l’émulation de Guerassimov pour le rendre jouable sur navigateur web, sur tablette, smartphone, … La tâche n’était pas si simple car l’écran particulier du PDP-1 n’est pas transcriptible sur un ordinateur moderne sans quelques ajustements : il ressemble à un écran radar avec, entre autre, la spécificité de laisser l’intensité lumineuse des points quelques secondes avant de la couper. Cela a pour effet de laisser une trainée lumineuse derrière les vaisseaux et les missiles sans que cet effet soit codé quelque part. Il fallait donc l’imiter.
Spacewar! a inspiré beaucoup de personnes dont voici deux éléments principaux : le premier jeu codé sur borne d’arcade (en réalité c’était un PDP-10 ou 11), Galaxy Game, en 1971, est une version de Spacewar! arrangée par des étudiants, Bill Pitts et Hugh Tuck. Ils l’ont présenté en premier lieu au bar étudiant de l’université de Stanford ; Nolan Bushnell et Ted Dabney construisent une borne d’arcade plus simple et plus commercialisable que le bricolage Galaxy Game, pour proposer, en 1971, Computer Space, une version de Spacewar! dont on a retiré la gravité et l’étoile centrale, trop complexe en codage, ainsi que le mode deux joueurs pour centrer le jeu sur un vaisseau spatial qui dégomme des soucoupes volantes. Le succès de Computer Space n’est pas au rendez-vous et les deux inventeurs essayent autre chose pour proposer Pong en 1972 qui aura l’envolée historique qu’on lui connait.

La première compétition esport de l’Histoire sur Spacewar! ; ou le premier « Intergalactic spacewar olympics » comme le titrera le magazine Rolling Stone dans son numéro du 7 décembre 1972
Puis il y a des suites et influences de Spacewar! qui font peser dans l’histoire et la culture du jeu vidéo le poids indéniable de Spacewar! comme un élément des prémices du phénomène planétaire que deviendra le « jeu vidéo » :
- Orbit War, développé par Silas Warner, une version multijoueur disponible sur le réseau PLATO, permettant une diffusion rapide et efficace du jeu aux adhérents de PLATO ;
- Cinematronics propose en 1977 une bonne d’arcade nommé Space Wars, construite par Larry Rosenthal, ancien étudiant du MIT ;
- Atari propose Space War en 1978 (également nommé Space Combat) qui propose 17 versions différentes du jeu et suit de près le jeu Orbit, par Atari également, qui ressemblait déjà beaucoup à Spacewar! en reprenant le nom du jeu de Silas Warner ;
- et que dire d’Asteroids, d’Atari encore, de 1979, qui ressemble beaucoup à la version Computer Space de Bushnell et Dabney.

Image de couverture du jeu Space Wars de Cinematronics
Mais le destin est trompeur car il faut également dire qu’aucun des trois développeurs de Spacewar! ne fera carrière dans l’industrie du jeu vidéo. Chacun d’eux et nombre des étudiants du MIT qui ont touché de près ou de loin à cette invention, travaillera dans le monde de l’informatique mais sans revenir, professionnellement parlant, aux jeux vidéo. Une fois de plus, il a été difficile à cette période, les années 60, d’entr’apercevoir l’avenir prometteur du phénomène.
A lire en plus, une de nos précédente Capsule Temporelle sur Spacewar! qui s’est penché sur d’autres thématiques : Spacewar, le premier jeu vidéo ambitieux !
- Sources et crédits :
- Damien DJAOUTI, La Préhistoire du jeu vidéo, Edition Pix'n Love, Paris, 2019, 128p.
- Article chez Grospixels sur Spacewar! ultra complet pour plus de détails
- Une petite parenthèse scientifique d'un article en français qui centre le propos sur Spacewar!, comme quoi le "jeu c'est sérieux".
