NETFLIX : LE TRAÎTRE DE LA GUERRE DES CONSOLES

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À la fin des années 2000, l’acteur qui a le plus profité de la guerre des consoles, ce n’est ni Microsoft, ni Sony et pas non plus Nintendo, mais bien le géant de streaming Netflix.

Quand on pense trahison dans l’histoire du jeu vidéo, la première qui nous vient en tête, c’est généralement celle de Nintendo envers Sony dans l’affaire de la fameuse console Nintendo Playstation. Aussi violent et sauvage fut ce coup de couteau dans le dos, ce n’est presque rien comparé à ce qu’a fait subir Netflix à Sony et Microsoft, alors que les deux sociétés se livraient déjà à une guerre des consoles sans merci avec leurs machines de septième génération. D’emblée, vous vous demandez peut-être ce que vient faire Netflix sur un terrain qui, à première vue, ne le concerne pas. Et pourtant, c’est bel et bien à cette plateforme de streaming que nous devons la plus grande trahison de toute l’histoire du jeu vidéo.

À ses débuts en août 1997, Netflix est une société spécialisée dans la location de DVD via un système d’abonnement et de livraison à domicile. Si son service cartonne et permet à la société de devenir rapidement l’un des acteurs majeurs du marché mondial de la vidéo. Mais alors qu’au milieu des années 2000, le format DVD entame son déclin, l’entreprise californienne va tout naturellement se tourner vers l’avenir de la VOD, le streaming. Un move qui lui permettra de devenir le géant que nous connaissons tous aujourd’hui. Mais pour en arriver là, Netflix a dû faire des choix. Et l’un d’entre eux impliquait de mettre un pied dans le monde du jeu vidéo et de jouer un rôle décisif dans la mythique « Guerre des consoles ».

 

 

MICROSOFT ET NETFLIX : L’ALLIANCE EXCLUSIVE

Conscients de la révolution que représente ce format, Sony et Microsoft, qui ont déjà compris depuis la PlayStation 2 et son lecteur DVD que le succès d’une machine ne se faisait plus seulement par les jeux, mais aussi grâce aux diverses options multimédias qu’elles pouvaient proposer, vont alors commencer à intégrer du streaming via la PS3 et la Xbox 360. Tout se passe à l’E3 2008 : d’un côté, Sony propose un service de films à la demande désormais inclus dans le Playstation Store. De l’autre, Microsoft va signer un partenariat exclusif avec… Netflix.

Les lignes du contrat sont claires : « la Xbox sera la seule console du marché qui proposera à ses abonnés d’avoir accès à des milliers de films via Netflix grâce à leur technologie Instant Stream« . La fonctionnalité est même poussée encore plus loin avec une feature qui permet carrément de regarder des films avec ses amis en ligne. Clairement, avec cette annonce, Microsoft signe le plus gros coup de cet E3 2008.

Par ailleurs, histoire d’enfoncer le clou grâce à Sony et son service qui fait plutôt pâle figure devant l’alliance Microsoft X Netflix, la société verte va acter une baisse de prix significative de sa console tout en signant l’une des campagnes marketing les plus massives de l’histoire du gaming, tout ça dans le but de permettre à la Xbox 360 de reprendre une position dominante sur le marché des consoles.

 

 

La promo est ultra-agressive, mais ce que Microsoft se garde bien de dire trop fort, c’est que pour avoir accès au service, il faut disposer d’un abonnement Xbox Live Gold à 50 balles par mois et de l’abonnement payant à Netflix qui va avec. Des prérequis qui mis ensemble coûtent cher, et qui en plus n’offrent pas l’accès à l’intégralité du catalogue de la plateforme. En effet, vous vous doutez bien que Sony Pictures n’a pas donné les droits de diffusion de ses films sur Xbox 360. Il manquait plus que ça !

Pour autant, l’offre cartonne et Microsoft annonce rapidement que plus d’un million de personnes utilisent Netflix sur Xbox 360, qui pour rappel, est d’après les modalités de l’accord d’exclusivité, la seule console de jeu compatible avec le service de streaming. Enfin ça, c’est la théorie puisque dans la pratique, Microsoft s’est bien fait avoir et aurait mieux fait de lire les petites lignes en bas du contrat.

 

SONY CONTRE-ATTAQUE

Simplement parce qu’à peine un mois après la signature du deal d’exclusivité entre Netflix et Microsoft, le 26 octobre 2009, Sony provoque un séisme sur la planète gaming en annonçant à son tour l’arrivée de Netflix sur sa PS3, et ça, sans avoir besoin d’abonnement en ligne puisqu’à cette époque, l’offre online de Playstation est encore gratuite. Et là forcément, si vous avez bien suivi, vous vous demandez sûrement comment Sony et Netflix ont pu contourner légalement la clause d’exclusivité avec Microsoft. Eh bien en fait, c’est très simple : le contrat stipule que l’exclusivité concerne uniquement l’usage de sa technologie Instant Play sur Xbox, autrement dit le streaming de films en ligne sur console.

Dès lors, tout ce que Sony a eu à faire, c’est de proposer le service Netflix via un support Blue-ray disc. Pour y parvenir, la maison mère de Playstation va user de la technologie BD Lime, une fonctionnalité qui permet aux utilisateurs d’accéder à du contenu provenant de serveurs de studios de cinéma via le titre BD-J du disque et un lecteur Blu-ray connecté à Internet. Non, vous ne rêvez pas, Netflix, voyant les bénéfices qu’il pourrait en tirer, n’a pas hésité à trahir Microsoft et a ainsi permis à la PS3 de revenir dans la course face à sa concurrente.

 

 

 

Ajoutez à ça que Sony n’a pas lésiné sur les moyens, en actant à son tour une baisse de prix significative avec l’arrivée sur le marché de la PS3 Slim et une campagne marketing d’envergure. Une campagne qui va porter ses fruits puisque rappelons-le, contrairement à la Xbox 360, aucun abonnement n’est nécessaire (hormis un compte Netflix bien sûr), pour accéder au service de streaming. Il n’en faudra pas plus à Sony et sa PS3 pour reprendre la tête sur le marché des consoles.

Les choses auraient pu s’arrêter là, mais dans un énième élan de gourmandise insatiable, Netflix va annoncer en janvier 2010 que son service va désormais débarquer sur la Wii. C’est la douche froide pour Sony, mais encore plus pour Microsoft qui, sur ce coup-là, a de quoi être vert de rage.

 

ET NINTENDO DANS TOUT ÇA ?

On en a très peu parlé depuis le début de ce récit, mais pendant que Sony et Microsoft s’affrontaient sans pitié dans une éternelle course à la puissance, la firme de Kyoto quant à elle a poursuivi son chemin en solo, préférant plutôt jouer la carte du casual gaming, avec une console innovante dans son approche du gameplay et davantage axée et sur le grand public et la sphère familiale. Résultat ? La Wii deviendra naturellement la console la plus vendue de sa génération avec un total de 101,63 millions d’exemplaires. Ce qui représente autant de nouveaux clients potentiels pour Netflix. On comprend alors vite pourquoi la plateforme de streaming a laissé les deux titans se battre entre eux pour aller frapper à la porte du plombier moustachu.

Le CD Netflix arrive donc à son tour sur la Wii et c’est un succès. Les films en HD du catalogue ont beau ne pas être disponibles dans la mesure où la console ne prend pas en charge la haute définition, cela ne va pas empêcher plus d’un million de joueurs d’installer Netflix sur la dernière-née de Nintendo, en à peine quatre mois. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, 25% des utilisateurs de Netflix utilisent le service sur leur Wii, soit autant que sur PS3 et Xbox 360 cumulé selon une étude de juillet 2011.

 

 

 

Comble du malheur pour Microsoft, en novembre 2010, son accord d’exclusivité pour l’utilisation du streaming avec Instant Play sur Xbox arrive à terme et à partir de cette date, le CD Netflix n’est plus obligatoire sur les machines concurrentes. C’est ainsi qu’à cette date, une application officielle Netflix débarque sur la Wii. Le service est tellement populaire que l’appli va continuer de fonctionner même après la fin de vie de la machine. En fait, il faudra attendre 2019, date à laquelle Nintendo a mis fin au service en ligne de la Wii, pour que Netflix ne soit plus fonctionnel dessus. Partant de là, on a du mal à comprendre pourquoi, si Netflix est actuellement accessible sur PS5 et Xbox Series, il n’a jamais été porté sur la console hybride de Nintendo. Là encore, même si de nos jours, tout le monde possède l’appli Netflix sur sa télé connectée ou son smartphone, on parle quand même de plus de 150 millions de Switch en circulation.

On a quand même une pensée pour Microsoft qui dans tout ça, est un peu le dindon de la farce. La marque verte pensait gagner la guerre des consoles en utilisant Netflix, la plateforme de streaming s’est finalement retournée contre elle en s’associant à ses concurrents directs. Des rivaux qui de leur côté, n’ont pas manqué de saisir l’opportunité de reprendre à leur compte ce service révolutionnaire. L’arroseur arrosé en somme. Le niveau de trahison est même tellement haut qu’on se demande si Xbox ne s’est pas juste pris un méchant retour de karma après que la marque se soit moquée de la PS3 suite de son lancement complètement raté.