L’histoire du mod de GTA San Andreas qui a ruiné Rockstar GamesCapsule Temporelle

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LE MOD DE GTA SAN ANDREAS QUI A RUINÉ ROCKSTAR GAMES


Pour éviter de mourir d’impatience en attendant la sortie de GTA VI, replongeons-nous dans l’une des polémiques les plus marquantes de l’histoire de Rockstar Games.

Rockstar Games, c’est un peu le boss final des studios de jeux vidéo, l’équivalent d’Eren Jager en mode grand terrassement dans l’Attaque des Titans. En fait, leurs jeux sont tellement des Game Changer que quand ils sortent, c’est toute l’industrie qui les regarde et s’en inspire avec des étoiles plein les yeux. Aujourd’hui encore, la concurrence tremble à l’idée de sortir ses jeux en même temps que le mastodonte GTA VI. Avec tout ça, on croirait presque que la filiale de Take-Two Interactive est purement et simplement intouchable. Et pourtant, en 2005, alors que le studio avait déjà acquis ses lettres de noblesse avec les jeux GTA III et Vice City, un homme seul a suffi à faire trembler et vaciller le studio comme jamais.

Quand bien même la saga GTA tire son aura de ses innombrables qualités intrinsèques, une grande partie de son buzz vient également des polémiques qu’elle engendre. Tout ça, le studio en a bien conscience et c’est ainsi qu’après la sortie de l’épisode Vice City, alors que Rockstar travaille déjà sur l’opus San Andreas, Dan Houser, le fondateur du studio, va volontairement chercher à créer la controverse.

Une fois qu’on a dit ça, comment faire ? Pour Houser, c’est très simple : après la vulgarité, la violence, l’apologie de la drogue, du crime organisé, du trafic d’armes, des trafics en tout genre, de l’arnaque et du gore, il lui reste une ligne rouge que GTA n’a encore jamais franchie : celle du contenu sexuellement explicite. En sachant très bien que le sexe, ça fait vendre, mais surtout parler, l’homme va alors imaginer l’un des mini-jeux les plus osés de toute l’histoire du jeu vidéo.

 

UN CAFÉ MADEMOISELLE ?

Vous le savez si vous avez déjà joué à GTA: San Andreas, vous savez que votre personnage Carl Johnson, ce bon vieux « CJ », a la possibilité de multiplier les conquêtes avec plusieurs petites amies. Or, lorsque vous disposez de suffisamment d’affinités avec l’une d’elles, elle vous invite chez elle pour « prendre un café. On ne va pas vous faire un dessin, le café en question était bien entendu un peu plus chaud que prévu. Bien sûr, la partie de jambes en l’air était seulement suggérée dans le jeu final (via un plan de l’extérieur de la maison habillé de gémissements de plaisir parfaitement explicites). Sauf que ce n’était pas ce qui était prévu à la base.

En effet, les développeurs du jeu avaient bel et bien conçu un mini-jeu tout entier pour jouer cette scène de sexe. Celui-ci consistait à remplir la barre d’excitation de la demoiselle pendant que CJ la prenait sauvagement sur le lit. Problème, à quelques mois de la sortie du jeu, les équipes ont réalisé que si cette phase de gameplay, aussi minime soit-elle, était intégrée dans le jeu final, elle lui collerait d’office l’étiquette « Adult Only » donnée par l’ESRB (l’équivalent du PEGI 18 chez nous). Or, cette évaluation, synonyme de présence de scènes de sexe explicites dans un jeu, Rockstar ne la veut pas dans la mesure où elle limiterait fatalement la portée commerciale de leur jeu  auprès des réseaux de distribution et du public.

Dos au mur, le studio décide alors au dernier moment de retirer ce mini-jeu de la version finale du titre. Mais comme la sortie de San Andreas approche à grands pas et que les devs n’ont juste pas le temps de totalement l’effacer des données du jeu, ils vont se contenter de cacher la misère en le désactivant, sans pour autant le supprimer du code du jeu.

 

 

Et comme vous pouvez vous en douter, il n’a pas fallu longtemps pour qu’un petit malin, un Néerlandais du nom de Patrick Wildenborg découvre le subterfuge et rende le mini-jeu accessible via un mod. À ce moment-là, il ne le sait pas encore, mais il s’apprête à créer le plus gros scandale de toute l’histoire des GTA. Et quand bien même Rockstar est habitué aux polémiques avec ces jeux précédents, le studio n’avait clairement pas anticipé une tempête de cette envergure.

 

UNE CONTROVERSE, UNE !

Forcément, la présence de relations sexuelles actives dans le jeu, c’est du pain béni pour les détracteurs de Grand Theft Auto. Face à la gronde de ces derniers, Rockstar Games s’est d’abord dédouané de toute responsabilité en affirmant que ce mini-jeu n’était pas de leur fait, mais le fruit d’un mod non-officiel. Bien sûr, l’argument a très vite démonté puisque vous savez maintenant que ce mini-jeu, même s’il a été retiré au dernier moment, est bel et bien un contenu officiel présent dans le code source du jeu. Dan Houser s’est alors justifié en déclarant que l’objectif de celui-ci était « d’aborder le côté obscur de la modernité et tous les tabous longtemps explorés au cinéma ». Une plaidoirie qui si elle s’entend, n’a sans surprise pas calmé les conservateurs et ennemis de GTA.

L’épée de Damoclès finit donc par tomber sur Rockstar et San Andreas se voit immédiatement retiré des points de vente américains dans l’attente d’une réévaluation « Adult Only » par l’ESRB. Aussi, dès la révélation du scandale, plusieurs plaintes sont déposées par des associations de parents et consommateurs, tandis que les actionnaires de Take-Two Interactive, la maison mère de Rockstar, enfoncent le clou en attaquant l’éditeur en justice. Au final, même si l’affaire est réglée à l’amiable, le studio reste le grand perdant de cette histoire et doit verser plus de 20 millions de dollars de dédommagements à ses actionnaires et honorer un total de 2276 demandes de remboursements à 35$ chacune. Après-coup, ça fait quand même cher le mini-jeu de c*l.

De son côté, le modder Patrick Wildenborg, qui sans le savoir a précipité Rockstar dans le précipice, n’a pas manqué de réagir à l’affaire lors de son dénouement : « Pourquoi un jeune de 17 ans (sous-entendu, un mineur) aurait le droit de jouer à un jeu dans lequel il est libre de tirer sur des flics et de battre des femmes, mais dans lequel il n’a pas le droit de faire l’amour à sa petite amie après l’avoir fréquenté depuis un certain temps ? Je ne comprends pas comment certains Américains peuvent trouver que la vision de deux personnes faisant l’amour est plus dommageable pour un mineur que toute la violence du jeu ». Des mots sages et justes, vous en conviendrez.

Et pourtant, quand bien même le mini-jeu était initialement disponible dans le code du remaster de GTA San Andreas issu du bundle, Grand Theft Auto : The Trilogy – The Definitive Edition, au final,  Rocktar Games n’a pas voulu prendre de risques inutiles et n’a pas manqué de rapidement le supprimer. On a donc droit à la même scène que dans le jeu original. Dommage, même si on comprend que Rockstar ait préféré jouer la carte de la prudence. À l’époque tout de même, les équipes du studio ne s’étaient pas gêné d’en rajouter une petite couche, non sans une certaine rancune.

 

LA STATUE DE L’HILARITÉ

Quand bien même Rockstar a perdu la bataille il y a vingt ans, le studio n’avait pas perdu la guerre et l’a vite fait savoir. En effet, plutôt que de se taire, les développeurs du studio ont rapidement contre-attaqué dans l’opus suivant, GTA IV. Une offensive toute en finesse via un doigt d’honneur des plus subtils adressé à Hillary Clinton, l’une des plus virulentes détractrices de la franchise à l’époque.

Pour le contexte, l’intrigue de ce jeu se déroule dans la ville de Liberty City. Une « ville de la liberté » inspirée de New-York et dans laquelle on retrouve une représentation parodique de la Statue de la Liberté nommée Statue de l’Hilarité (Statue of Happiness de son nom original). Et là, tout de suite, vous devriez commencer à comprendre où Rockstar veut nous emmener : en effet, si vous l’observez bien, vous verrez que celle-ci n’arbore pas le visage bien connu de l’œuvre originale, mais plutôt celui de la Démocrate. La parodie aurait pu s’arrêter là, mais comme le studio a la rancune tenace, ils ont poussé le bouchon encore plus loin en lui modélisant un gobelet de café fumant dans la main droite, à la place de sa traditionnelle torche. Un « Hot Coffee » si vous préférez.

Leur message va même encore plus loin puisque la Statue de l’Hilarité tient dans son autre main, une tablette de pierre datée du 4 juillet 1776 et sur laquelle est écrit le message suivant : « Envoyez-nous vos personnes les plus futées, vos plus malignes, vos plus intelligentes, celles qui rêvent de liberté, et soumettez-les à notre autorité. Regardez comment nous allons les utiliser pour qu’ils torchent le cul des riches, tout en les persuadant que notre pays est celui des opportunités ». Une réinterprétation des plus cyniques de la Déclaration d’Indépendance, le texte le plus sacré des États-Unis d’Amérique.

Le message résonne d’autant plus fort que si Statue de La Liberté, la vraie, est face à l’horizon et a le dos tourné à la ville de New-York, synonyme de son ouverture sur le monde, la Statue de l’Hilarité au contraire a le regard braqué sur La Grosse Pomme, comme si elle cherchait à la contrôler. Pas besoin d’être plus explicite, c’est ce qu’on appelle ici un clash dans les règles de l’art !

 

La fameuse statue de l’Hilarité ne vous rappelle-t-elle pas quelqu’un ?

 

On rigole, on rigole, mais étant donné le virage autoritaire que sont en train de prendre les US en ce moment avec le retour au pouvoir de Donald Trump, il y a fort à parier que GTA VI (qui nous ramènera dans la ville de Vice City en Floride) n’épargne pas le président Républicain et son entourage. Espérons quand même que les polémiques qui l’entourent ne soient pas trop fortes de café.