Donkey Kong : Popeye aux origines du gorille de NintendoCapsule Temporelle

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DONKEY KONG : POPEYE AUX ORIGINES DU GORILLE DE NINTENDO


Retour sur les débuts fringants de l’un des personnages les plus marquants de l’Histoire du jeu vidéo : ce bon vieux gorille, Donkey Kong.

Quand on pense aux premiers jeux vidéo, le titre qui nous vient d’abord à l’esprit, c’est généralement Pong. Certes, les mythiques barres blanches sur fond noir, leur console et ses manettes en forme de thermostat four ont bel et bien permis à bon nombre d’entre nous de s’initier aux joies du 10ème Art, mais rendons à César ce qui est à César. Le premier personnage ennemi clairement identifié comme tel et celui contre lequel tous les gamers des années 80 ont pris plaisir à lutter restera à jamais le seul, l’unique et l’authentique Donkey Kong. Son empreinte dans l’histoire du jeu vidéo force d’autant plus le respect que notre gorille préféré aurait pu ne jamais voir le jour.

FAUX DÉPART

Notre histoire commence en 1980 alors que Nintendo n’est pour l’heure connu au Japon qu’au travers ses cartes et ses jouets. En recherche de nouveaux secteurs d’activités juteux, c’est tout naturellement que la firme nippone va se tourner vers cet art naissant qu’est le jeu vidéo sur Arcade. Après les premiers succès de Wild Gunman, Shérif, Space Firebird ou encore Radar Scope, le président Hiroshi Yamaushi et son beau-fils Minoru Arakawa vont tenter ensemble de transformer l’essai en pénétrant le marché américain. Ce dernier deviendra ainsi le premier président de Nintendo of America.

Malheureusement pour lui, sa première tentative de percer aux États-Unis sera un échec. Sur les 3000 bornes de Radar Scope importées aux US, seule une toute petite partie sera vendue. Au final, près de 2000 d’entre-elles ne trouveront pas preneur et seront stockées à New-York. Afin d’écouler à tout prix l’amas de bornes invendues et ainsi éviter la faillite de la branche naissante de Nintendo of America, Arakawa a une idée de génie : changer la carte mère des Radar Scope pour les remplacer par celle d’un nouveau jeu plus attrayant.

Nintendo Radar Scope partiellement restaurée

Pour mener à bien cette mission capitale, Hiroshi Yamaushi va solliciter l’un de ses meilleurs éléments, un certain Gunpei Yokoi. Déjà à l’origine des plus grands succès de la firme comme le Love Tester Electronic et les bien connues Game & Watch, il apparaît naturellement comme étant l’homme de la situation. Peu emballé par la proposition de départ, préférant de loin s’occuper à développer de nouvelles G&W, ce dernier va s’y atteler, mais compte bien régler ça en vitesse.

POPEYE ENTRE EN SCÈNE

Pragmatique, le producteur partira du principe que pour pénétrer le marché de l’Oncle Sam, il faut attirer ses joueurs avec des figures fortes de la culture populaire américaine. Très vite, c’est Popeye qui est choisi pour prendre le rôle principal de son futur jeu. Inspiré par le célèbre épisode « A dream walking », durant lequel le marin boosté aux épinards se balade sur un chantier en étant toujours sauvé in extremis par une poutre ou un échafaudage. Yokoi trouve rapidement son terrain de jeu : un chantier.

Pour ce qui est de la modélisation des personnages, il fera appel à un tout jeune designer de la maison, le dénommé Shigeru Miyamoto. Ensemble, ils se mettent d’accord sur le principe du jeu : Popeye, en bas de l’écran, devra escalader un tas d’échafaudages et montrer des échelles pour atteindre Brutus, son ennemi juré situé tout en haut d’un immeuble. Pour ce qui est du gameplay, les deux hommes s’affranchissent de la logique des shoot’em up qui consiste à tirer sur des cibles mobiles pour laisser place à une stratégie d’esquive d’obstacles inspirée par carton de l’époque sur Arcade, Pac Man. Ainsi donc plutôt que des fantômes, Popeye devra éviter les tonneaux que lui lance son adversaire, ainsi que les flammes engendrées par les fuites de pétrole. Exit aussi les Pac-Gommes pour se booster, bonjour les marteaux ! Enfin bref, vous connaissez le principe.

Les premiers documents de conception des étapes de planification de Donkey Kong nous donnent un aperçu très intéressant de ce à quoi ressemblait le jeu lorsqu’il utilisait des personnages de Popeye.

Baptisé tout d’abord « Popeye et l’attaque des tonneaux de bière », le jeu a du potentiel et Nintendo se frotte les mains… Quand soudain, sans crier gare et sans donner une once d’explication, King Features, la société détentrice des droits de Popeye, retire les droits d’exploitation de la licence à Nintendo. C’est la douche froide, mais loin de se laisser abattre, Gunpei Yokoi et Shigeru Miyamoto vont montrer qu’ils ont plus d’un tour dans leur sac.

MIYAMOTO À LA RESCOUSSE

Face à l’urgence de la situation, il n’y a pas trente-six solutions : ils n’ont d’autre choix que de créer de nouveaux personnages. Cette mission sera donc attribuée au game designer du projet, Miyamoto-San. Et pour donner un peu plus de profondeur à son projet, il va imaginer un triangle amoureux entre une jeune fille, son héros et une créature avec laquelle l’amour est impossible. Dans cette optique, les inspirations sont évidentes : d’abord les différentes adaptations du conte La Belle et La Bête puis le film King Kong de 1976. C’est finalement sur cette deuxième œuvre que Shigeru va concentrer sa créativité.

Désireux de donner vie à sa propre version du gorille, il va le dessiner et le nommer Donkey Kong. La princesse, quant à elle, ne sera pas nommée et prendra les traits d’une demoiselle en détresse tout ce qu’il y a de plus classique. Pour ce qui est du personnage principal. Vous savez tous de qui il s’agit, même si celui-ci n’a, pour l’heure, pas encore de véritable nom. Il faut se rendre à l’évidence, la star du jeu, ce n’est pas le héros, mais bel et bien le gorille.

La star de l’époque, c’est Donkey Kong !

Ce n’est qu’au moment de la localisation du jeu aux États-Unis que le charpentier moustachu à salopette et à casquette sera baptisé Jumpman par les équipes de Nintendo Japon. Face à ce manque cruel d’inspiration, les équipes de Nintendo of America s’offusquent et décide de renommer le bougre, Mario. Vous vous demandez peut-être encore d’où vient ce nom ? Et bien, c’est tout simplement le nom du bailleur italien de leur entrepôt qui selon eux, ressemble à leur personnage. Ce patronyme sera immédiatement validé par Miyamoto lui-même et la princesse sera quant à elle renommée Pauline.

Et voilà, tout est en place pour marquer l’Histoire. La suite, vous la connaissez : l’originalité du jeu, son esthétique novatrice, ses personnages charismatiques et son gameplay addictif à souhait ne manqueront pas de titiller les joueurs d’Arcade de l’époque. Cerise sur le gâteau, le jeu est même livré avec une cinématique animée pour signifier la transition entre chaque niveau. Que demander de plus ?

Signe que le succès de Donkey Kong a largement dépassé toutes les espérances, il n’a pas seulement réussi à pénétrer le marché américain comme le voulait le contrat de base, mais s’est carrément imposé comme un incontournable dans le monde entier. L’année de sa sortie en 1981, le jeu de Shigeru Miyamoto et Gunpei Yokoi s’est écoulé à plus de 60 000 exemplaires et a généré un total de revenus établi à plus de 180 millions de dollars. Un véritable carton en somme. Si bien qu’il n’en faudra pas plus pour faire de Nintendo, un vrai géant du jeu vidéo.