Cinéma et jeux vidéo : univers parallèles ?Transmédia
Le cinéma et les jeux vidéo sont-ils concurrents, complémentaires ou totalement distincts ? Dans notre société régie par l’ère numérique, le cinéma a su tirer son épingle du jeu en évoluant avec les technologies modernes, utilisées par l’industrie vidéoludique. Ces deux entités se côtoient donc, tout en gardant leurs caractéristiques propres. Commençons par un bref historique, puis par ce qui les réunit, pour enfin terminer par quelques clins d’œil au cinéma dans les jeux vidéo, juste pour le fun.
Cinéma et jeux vidéo : 40 ans que ça dure
Depuis sa démocratisation dans les années 70, le monde vidéoludique entretient des relations très étroites avec le 7ème art. Des adaptations de films en jeux vidéo, parfois décevantes (cf E.T), ont d’abord vu le jour (la première en date, bien que non officielle, étant Shark Jaws sur Atari en 1975), les licences continuant d’ailleurs à être exploitées au maximum aujourd’hui encore. Puis, la réciproque se produit : l’industrie cinématographique s’est inspirée de softs pour les transcrire sur grand écran, au grand dam des joueurs, les réalisations étant souvent grotesques et bâclées. Citons par exemple les mauvais Street Fighter, Mortal Kombat ou encore Doom. Heureusement, certains films relèvent le niveau, tels que Silent Hill, qui doit son succès à la qualité des effets spéciaux et des décors, contribuant à retranscrire l’ambiance pesante du jeu.
Il est certes plus facile pour un éditeur d’adapter un film en jeu, les gamers désirant en priorité que le soft soit de qualité en matière de gameplay ou de graphismes, sans pour autant qu’il soit 100% fidèle au modèle de base. On se rappelle notamment des Chroniques de Riddick. A contrario, trouver des acteurs pour incarner un personnage virtuel en tentant de conserver une crédibilité auprès des fans est compliqué. En effet, si on peut estimer qu’Angelina Jolie fait une parfaite Lara Croft, il n’en est pas de même pour les acteurs interprétant les combattants de Tekken.
Les scripts de jeux vidéo ne sont également pas forcément adaptés pour être retranscrits à l’écran, leur intérêt reposant sur les interactions du joueur-spectateur. Pour palier à cette difficulté, les réalisateurs ont quelques fois recours à l’infographie pour modéliser entièrement les personnages, technique utilisée pour Final Fantasy : les créatures de l’esprit, qui malgré de bonnes critiques et un budget de 137 millions de dollars a fait un flop à sa sortie.
Des univers antagonistes ? Pas tant que ça.
Le cinéma est une grosse machine vieille de plus d’un siècle faisant partie intégrante de la société et de la culture populaire actuelles. En effet, on estime que 95% des français ont déjà vu un film au cinéma. De plus, c’est un art mis en lumière par d’innombrables festivals partout dans le monde. Enfin, les acteurs, d’Hollywood notamment, sont de véritables icônes.
L’art vidéoludique (considéré par certains comme le 10ème art) est beaucoup plus récent et ne bénéficie pas, malgré les progrès fulgurants effectués depuis une vingtaine d’années, de la même popularité. Les jeux vidéo demeurent toujours dans l’esprit collectif un loisir de jeunes, chronophage, antisocial, voire dangereux. Le débat sur l’influence néfaste des jeux sur le comportement des adolescents a récemment été relancé à la suite d’une énième étude.
De ce fait, le monde cinématographique ne pâtit pas de la montée du jeu vidéo, comme cela a pu être le cas avec la démocratisation de la télévision dans les années 50 ou plus récemment de l’accès aux films via le téléchargement. Lorsque Nintendo a relancé l’industrie vidéoludique moribonde au milieu des années 80, les conglomérats audiovisuels se sont immiscés dans la brèche et ont donné naissance aux premières adaptations de jeu, comme le très mauvais Super Mario Bros (1992).
Les techniques de création de jeux ont depuis énormément évolué et s’apparentent désormais à celles utilisées par le cinéma. La technique de la Motion Capture (qui fera l’objet d’un prochain article), consistant à numériser des mouvements de personnages réels, qui a ensuite permis la mise au point de la Performance Capture ou capture des expressions du visage, utilisée dans les films de la saga du Seigneur des Anneaux , en sont de parfaits exemples. D’ailleurs cette dernière technique a été utilisée dans le développement du jeu Beyond : Two souls, les personnages ayant les traits et expressions de leurs acteurs respectifs Willem Dafoe et Ellen Page. Le soft bénéficie qui plus est du savoir-faire du compositeur Hans Zimmer, auteur des musiques de plusieurs blockbusters, tels que Gladiator. Les limites entre jeu et film semblent donc devenir plus floues à mesure que les progrès technologiques avancent, la seule barrière demeurant étant l’interactivité propre aux jeux vidéo.
Cette interactivité permet une immersion plus poussée, l’action du joueur s’opposant à la passivité du spectateur. Le joueur s’identifie au personnage du jeu, ce sont ses actions qui le font progresser ou perdre. Le studio Creative Assembly a bien saisi cette nuance en proposant de revivre le film Alien : le 8ème passager de l’intérieur avec Alien : Isolation, en recréant la même ambiance et le même sentiment d’impuissance face à l’extraterrestre, mais cette fois en confiant les manettes aux fans du film, décuplant ainsi le stress et l’angoisse. Jouissif !
Pas qu’une histoire de fric
Les références au cinéma dans les jeux ne s’arrêtent pas aux techniques communes ou aux adaptations, destinées, faut pas se mentir, à récolter davantage de recettes. Certains softs, sans rapport direct avec un film en particulier, contiennent des clins d’œil plus ou moins subtils à des classiques des salles obscures, preuve que les joueurs et développeurs peuvent être des cinéphiles avertis. Ces petits bonus enrichissent agréablement un jeu, surtout quand cela réunit deux thèmes opposés (jeu de guerre et film comique).
En voici quelques exemples :
- The Simpsons : Bart vs Space Mutants (1991) : dans ce soft, à la difficulté accrue, Bart recourt à des lunettes de soleil afin d’identifier les extraterrestres parmi la population, à l’instar de John Nada, le héros d’Invasion Los Angeles (titre original « They live ») de John Carpenter, sorti en 1988.
- Flashback (1992) : plusieurs idées ont été puisées dans des oeuvres cinématographiques telles que Total Recall pour l’amnésie du héros chargé de contrecarrer un complot sur fond de voyages spatiaux, ainsi qu’à Running Man, un niveau étant un match à mort télévisé.
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Grand Theft Auto: Vice City (2002) : le personnage principal Tommy Vercetti et le scénario du jeu sont inspirés de Scarface (1983) et de son héros, Tony Montana. De plus, un PNJ, Steve Scott, réalisateur de films X insistant pour y faire apparaître un requin géant, est une caricature de Steven Spielberg.
- Call of Duty : World at war (2008) : dans le premier niveau, il faut empêcher la mort d’un dénommé Ryan pour obtenir le trophée « Semper Fi: le soldat Ryan est sauvé » en hommage au film éponyme.
- Tropico 5 (2014) : dans le trailer, El Presidente (vous) débarque sur l’île au sommet du mât de son bateau sombrant comme Jack Sparrow au début du premier opus de Pirates des Caraïbes.
Quelques unes des nombreuses références à La Classe Américaine, qui est en réalité un téléfilm parodique diffusé sur Canal+ en 1993, monté avec des extraits de films américains :
- Gears of War 2 : Jérôme DELAYEN commente dans les crédits du soft que « ce jeu n’est pas un jeu sur le cyclimse ».
- Battlefield Bad Company 2 : A la fin du jeu, Sweetwater lance : « Terminées les ouiches lorraines ». Eh oui, on dit des ouiches lorraines…
- Portal 2 : dans le chapitre 5, Wheatley déclare que « selon des algorithmes très évolués, le nom le plus classe du monde est Abitbol ».
Conclusion
Les fruits de l’union du cinéma et des jeux vidéo n’ont pas toujours su convaincre, en raison d’une réalisation bâclée, conséquence de la pression des exploitants de licences pour sortir des jeux ou des films dans les délais et espérer ainsi faire un maximum de pognon. Malgré cela, certaines œuvres de qualité ont permis de pérenniser les liens entre ces deux arts, qui se mêlent de plus en plus tout en conservant leur identité, se boostant mutuellement. Ceci ne pourra qu’être bénéfique, notamment pour les joueurs, dont l’expérience de jeu s’améliorera concomitamment à un réalisme toujours accru.