Préhistoire du Jeu Vidéo #02 – le NIMROD et ses ancêtresBibliotopie, Capsule Temporelle

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 Préhistoire du Jeu Vidéo #02 : LE NIMROD ET SES ANCÊTRES


Deuxième chapitre du livre « Préhistoire du Jeu Vidéo », écrit par Damien DJAOUTI aux éditions Pix’n Love, il est temps d’aborder dans cet article le NIMROD et les débuts de la simulation informatique des jeux de sociétés ; ou comment des inventeurs ont voulu faire la démonstration de la puissance de calcul des premiers ordinateurs avec un programme ludique qui n’est pas encore appelé jeu vidéo.

[Retrouvez en introduction du premier article de la série, la présentation du livre « Préhistoire du Jeu Vidéo », ICI]

 

UN ORDINATEUR POUR REPRÉSENTER SES POSSIBILITÉS INFORMATIQUES

Il est d’abord question d’innovation anglaise : en 1951, l’entreprise anglaise de Manchester, Ferranti, produit le NIMROD, conçu par John Makepeace Bennet et assemblé par Raymond Stuart-Williams, un ordinateur qui est capable de simuler une partie de Nim, le « jeu des allumettes » inspiré de la Chine ancienne. Le jeu du Nim, dans la version programmée, se joue à deux : il y a 4 tas de 7 allumettes, chaque joueur à tour de rôle peut soit prendre une allumette soit plusieurs sur le tas de son choix. Le gagnant est le joueur qui tire la dernière allumette. Le NIMROD est constitué d’une façade avec 4 lignes de 7 spots lumineux qui représentent la présence ou l’absence de l’allumette. A tour de rôle le joueur choisit son action puis ensuite c’est à l’ordinateur de jouer. Les actions sont coordonnées par des messages affichés qui disent si c’est le tour du joueur ou celui de la machine.

 

Le NIMROD, réplique conservée et présentée au Computerspiele Museum, à Berlin

 

Le NIMROD est construit par Ferranti dans la précipitation (entre décembre 1950 et avril 1951) pour être présenté lors du Festival of Britain de l’été 1951, un festival qui a la volonté de promouvoir l’art contemporain et les innovations scientifiques, technologiques, industrielles et architecturaux de la Grande Bretagne. L’ambition du NIMROD est ainsi de démontrer les capacités d’un ordinateur à calculer et sa conception technique industrielle. La partie « ludique » est secondaire. Cela biaise par ailleurs le résultat final de ce festival : si le public est venu en masse regarder le NIMROD et se confronter à l’ordinateur (Alan Turing, pionnier de l’informatique, s’y est essayé, dit-on), très peu de personnes ont discuté avec les employés de Ferranti pour saisir les aspects techniques. La présentation est ainsi senti comme un échec par l’entreprise. A la suite du Festival of Britain, le NIMROD est exposé en Allemagne à l’Exposition Industrielle de Berlin où il se passe la même chose, la foule est intriguée et enthousiaste pour le produit, le jeu, les lumières qui s’allument et s’éteignent et de nombreuses personnes jouent (le chancelier allemand de la RFA, Konrad Adenauer, en aurait d’ailleurs fait les frais en perdant trois parties). Après quoi il part à Toronto pour être exposé. Le NIMROD ne réapparait plus après cela.

 

Photo de la présentation du NIMROD à Berlin en 1951, avec les joueurs devant le panneau de contrôle, l’employé de Ferranti qui présente et la foule qui regarde

 

UN JEU EN FAÇADE POUR LAISSER PLACE À L’INFORMATIQUE

LE NIMROD est un bon exemple de ce temps dans l’histoire du Jeu Vidéo où le « jeu » n’était pas considéré mais était utilisé pour démontrer la puissance technologique de la machine. L’entreprise Ferranti a déjà fait cela plus tôt en 1951 avec l’ordinateur multi-usage nommé Mark I : assez vite la même année, Dietrich Prinz propose sur cet ordinateur un programme qui permet de jouer aux échecs. Mais le programme informatique est limité, il calcul uniquement à partir des données fournies la meilleure stratégie pour gagner la partie, ce n’est pas exactement une partie d’échecs. En 1952, Christopher Strachey programme sur le Mark I un jeu de dames complet (il avait essayé de coder le même jeu sur Pilot ACE, ordinateur issu du National Physical Laboratory qui épuisait toute les capacités de la machine). Ou encore John Makepeace Bennet qui en 1956, en Australie, à présenté sur le SILLIAC, un programme pour jouer au Nim en rendant capable l’ordinateur de faire plusieurs parties en même temps. On voit donc que les jeux suivent les évolutions des performances informatiques et restent une application pour démontrer la puissance de la machine. Il n’y a pas à proprement parlé d’innovation intrinsèque au Jeu Vidéo mais les évolutions informatiques sont phénoménales, l’application ludique des machines fut le meilleur facteur de rendu des inventions techniques.

 

Dietrich Prinz devant le Mark I

 

Si on remonte le temps, le NIMROD a des ancêtres dans la même veine :

 

Le El Ajedrecista entouré de Gonzalo Torres Quevedo et Norbert Wiener (professeur au MIT à partir 1919)

 

 

Le Nimatron, tel que présenté dans son Brevet déposé

 

 

Bertie The Brain lorsque la machine est exposée à Toronto

 

 

Photo du plateau de jeu du Computer Basketball