Vidéo : adjectif invariable de m@#%*Voxel Libre


VIDÉO : ADJECTIF INVARIABLE DE M@#%*
Je m’insurge, oui je le dis haut et fort, je n’en puis plus. Je peux tout à fait comprendre l’engouement de certains pour le support vidéoludique, l’emballement du jeu vidéo comme on dit, une passion dévorante pour la culture de la sphère du divertissement multimédia. Un amour tel qu’il dépasse les frontières de la raison et de la bienséance. Mais s’il vous plaît, une fois pour toutes, n’accordez plus jamais l’adjectif invariable vidéo.
Pourquoi ce coup de colère si soudain ? Parce qu’après avoir lu une myriade d’absurdités sur la toile francophone (ce dernier lien renvoie vers un article corrigé, effaçant l’infâmie), je ne peux que m’indigner face au mépris de certains journaleux quant à la langue de Richelieu (faut pas plaisanter avec Riri, il a quand même créé l’Académie Française le cardos). Néanmoins, il en est de même pour les aficionados du joystick… Enquête.
POUR LA PETITE HISTOIRE…

Bien qu’on la retrouve dans Questions pour un Champion, elle est aussi l’effigie d’ouvrages que je ne pourrais que trop vous conseiller !
J’en vois déjà certains fustiger avec la réforme orthographique de 1990 : « Oui, les deux graphies sont acceptées… » Alors certes, bien qu’il existe une nouvelle règle pour les mots empruntés, notamment une section sur le singulier et pluriel (p. 10, chapitre I, section 6, partie 2), la définition du mot vidéo n’a pas changé, il s’agit encore d’un adjectif invariable. Ma source sera l’outil développé par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales :
II. − Adj. inv. [Corresp. à supra I A]
Jeu vidéo. Synon. de vidéo-jeu (s.v. vidé(o)-).Le circuit intégré, on le retrouve en effet dans les calculatrices électroniques, les montres à quartz, les jeux vidéo (Le Point, 6 févr. 1978, p. 98, col. 3).
On prendra le temps de remarquer que jeu vidéo s’écrit sans trait d’union. Trait d’union, qui je le rappelle, se place pour les noms composés (Lézarde-à-l’ombre-des-arbres par exemple, personnage issu du jeu Morrowind, se définit comme nom composé). Or ici, jeu vidéo n’en est pas un, en effet un mot composé est une juxtaposition de deux lexèmes libres permettant d’en former un troisième qui soit un lemme (« mot ») à part entière et dont le sens ne se laisse pas forcément deviner par celui des deux constituants.
L’explication peut sembler barbare certes, lexèmes, lemme, mais l’idée est là. Jeu vidéo ne peut pas être un nom composé car il s’agit de jeu, donc une activité ludique et interactive, se déroulant sur un support vidéo.
DU MÉPRIS DES ACTEURS DE L’ACTUALITÉ
Le jeu vidéo est une thématique qui a souvent été dénigrée, voire critiquée par les médias aux heures de grande écoute. Outre la nécessité d’exploser le baromètre médiamétrique, en corrélant le n-ième attentat avec des habitudes de divertissement du média vidéoludique, on remarquera très, voire trop souvent, l’accord de vidéo. Oui les amis, en plus de cracher sur le monde du jeu vidéo, ces gens ne connaissent même pas leur propre langue.
Est-ce leur faute ? Devons-nous les blâmer car ils n’ont guère prêté attention à l’école ? Ou tout simplement parce qu’ils n’ont étudié que très vaguement le sujet dans le seul et unique but de faire du buzz, du chiffre, de l’audimat ? Il est compréhensible qu’un présentateur télé n’ait pas de temps à consacrer à son dossier, trop occupé par son dernier brushing… L’image, c’est important, doit-elle l’être au détriment du travail bien fait ? Question ouverte, vous avez 4 heures.
UNE PASSION DÉVORANTE ENTÂCHÉE
Malheureusement, les fans n’en sont pas exempts. En effet, combien de blogs, articles, youtubeurs et autres sites amateurs qui certes expriment leur amour du jeu vidéo scandent haut et fort « J’aime les jeux vidéos ! » (aïe).
Hélas, cela a la fâcheuse tendance à montrer du doigt l’analphabétisme plus qu’autre chose. C’est d’ailleurs un argument, voire l’argument, qui réduit à néant tout effort consistant à montrer son intérêt profond pour la chose. En effet, il est vraiment dommage de voir des analyses bien construites, des points de vue intéressants avec ces horreurs telles que « jeux-vidéos, jeux vidéos, jeux-vidéo, etc. »
Devons-nous pour autant dénigrer son idée ? Doit-il s’empêcher d’écrire ? Cela serait dommage de ne pas permettre à certains d’exprimer une passion qui les dévore. Je peux parfaitement comprendre, mais il est nécessaire et primordial de ne pas tenter un débat qui pourrait se retourner contre vous.
Une fois pour toutes, vidéo est un adjectif invariable qui ne prend donc pas de s, et jeu vidéo n’est PAS un mot composé ! Paix et amour.
UN POST-SCRIPTUM POUR ALLER PLUS LOIN ENCORE
Un petit article « Le Saviez-vous ? » donne une histoire supplémentaire sur l’expression « jeu vidéo ». En effet, après la polémique de 2017 où le Petit Robert avait écrit « jeux vidéos » dans sa définition nouvelle du mot gamer, « amateur de jeux vidéos », nombreuses ont été les publications discutant sur l’invariabilité de l’adjectif « vidéo ». Sur le fond l’invariabilité de l’adjectif est imparable, le Robert défend son pluriel avec l’idée de l’harmonisation des pluriels de tous les mots se terminant par -o (« paranos, barjos, machos » donne en exemple le dictionnaire, des exemples bien choisis pour se défendre). De ce fait, le terme « jeux vidéos » est passé dans le dictionnaire.
Mais qu’est-ce qu’un dictionnaire ? Si on se réfère de nouveau au Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales : « Recueil des mots d’une langue ou d’un domaine de l’activité humaine, réunis selon une nomenclature d’importance variable et présentés généralement par ordre alphabétique, fournissant sur chaque mot un certain nombre d’informations relatives à son sens et à son emploi et destiné à un public défini« . Si l’on approfondi la problématique, on peut aussi se questionner sur comment est construit un dictionnaire ? Et c’est là que le bât blesse. Il n’y a pas loin à aller chercher puisque même sur wikipédia on peut lire sur la page « dictionnaire » cette petite partie donnant l’aspect des dictionnaires : « Les dictionnaires de langue peuvent se classer en deux catégories, selon qu’ils sont de type descriptif ou normatif, ce dernier cas étant le plus fréquent. Un dictionnaire descriptif s’attache autant que possible à décrire une langue telle qu’elle est écrite et parlée dans toute sa diversité ; un dictionnaire normatif tente au contraire d’établir la norme et d’orienter l’usage, en utilisant des expressions comme « à éviter » ou « locution vicieuse »« . Le dictionnaire tente d’orienter l’usage de la langue, c’est dit… Sauf que la langue est un enjeu capital de liberté de pensée car on pense avec les mots. Le journal Le Monde faisait par ailleurs en 2015 un long article sur l’histoire de l’expression « jeu vidéo », et concluait sur ces petites phrases politiquement engagées :
« Quelle que soit la langue, sous la probable influence de l’anglo-américain, video ne prend quasi jamais de « s ». Certains y verront une défaite nationale, d’autres le triomphe d’une génération technophile élevée dans un imaginaire transnational commun. Elle a en tout cas une fonction sociale à ne pas sous-estimer : rappeler que les férus de la manette peuvent aussi être des mordus d’orthographe. »
Voilà en quelques idées et exemples ce que la langue française à de plus grand : autour d’un si petit -s pluriel se dessine un combat puissant. Il implique des enjeux sur les contrôles de la langue, de la liberté, de la passion intime. En somme, de l’Être Humain en entier.