WARP
WARP est un studio unique dans le paysage du jeu vidéo. Après avoir créé le studio EIM (Entertainment Imagination and Magnificence) en 1989, Kenji Eno se sent enfermé dans le modèle des studios classiques qui vivent des commandes et des licences. Il met donc fin au fin dans le but, selon lui, de sauver son équilibre mental. Il ne sent pas à l’aise dans ce milieu très normé et austère et travaille pendant deux ans pour un magazine automobile avant de visiter les salons San Francisco Mac World Expo et Be-In en 1994. Surpris de voir l’évolution des mentalités dans cette industrie et du bond technologique, il décide dans la foulée de fonder WARP, un studio qui doit être différent des autres.
Think different
Pour sa nouvelle aventure, Kenji Eno s’entoure de quatre autres personnes. Leur but est de créer des œuvres de cinéma interactif avec un accent prononcé sur la musique et le son en général, Eno étant musicien à la base. Dans les productions du studio, il ne s’agit d’ailleurs pas de personnages mais d’acteurs digitaux. Dans un premier temps, la société choisit de se lier à The 3DO Company (Panasonic). En effet, le créateur s’oppose au format cartouche imposé par Nintendo qu’il juge trop coûteux. L’autre raison de cette association est la provenance de 3DO qui vient de San Francisco, l’endroit qui a donné envie à Eno de revenir au jeu vidéo.Le premier (et plus grand) succès du studio est le jeu D. Sorti le 1er avril 1995 sur 3D0, D est considéré comme l’instigateur du survival horror (Resident Evil sortira un an après). Intéressé par le titre, l’éditeur Acclaim décide de ne pas seulement le localiser pour le marché américain mais aussi de le porter sur PlayStation, Sega Saturn et MS-DOS. Les problèmes de production des exemplaires pour la console de Sony créent une véritable haine pour le constructeur chez Eno. Très bien accueilli à sa sortie grâce à ses cutscenes en Full Motion Video 3D, le jeu a aujourd’hui très mal vieilli, à tel point que le site Game Informer le classe parmi les pires jeux de survival horror jamais sortis.
Les ennemis de mes ennemis
La 3DO étant un réel échec, WARP doit se trouver un nouvel allié parmi les constructeurs. Le choix est plus que simple pour Eno qui refuse toujours de travailler avec les cartouches de Nintendo et méprise toujours Sony. En 1996, quand il dévoile son partenariat avec Sega lors d’une conférence, le créateur à la santé mentale fragile va même jusqu’à diffuser une vidéo du logo de la première console de Sony qui se transforme en logo de la Sega Saturn. Le studio se spécialise donc dans les jeux Saturn et c’est en toute logique qu’il est parmi les premiers à annoncer son soutien envers la Dreamcast. En 2000, WARP sort D2 sur Dreamcast. Le jeu fait un flop et entraîne dans les mois qui suivent la société développeuse vers le dépôt de bilan. Eno quitte une fois de plus le monde du jeu vidéo et utilise les restes de WARP le 28 avril 2000 pour fonder Superwarp. Il s’agit d’une société qui offre un service de musique en ligne et de production de DVD et qu’il ferme en 2005. Cependant, l’amour du média étant profond chez Eno, il crée son troisième studio de développement en août 2001 From Yellow to Orange (fyto) qui sortira son premier jeu You, Me & the Cubes en 2009 sur le WiiWare.
La volonté d’un seul homme
Kenji Eno meurt le 20 février 2013 à l’âge de 42 ans. Si WARP a acquis une certaine notoriété, cela est bien dû à leurs production mais aussi au personnage qu’était son fondateur. Sa folie et sa très bonne gestion de la communication en ont fait un personnage de légende dont les apparitions médiatiques lors des conférences sont bien connues des journalistes de l’époque pour leur côté non-conformiste. Il n’hésitait pas à aborder tous les tabous et c’est grâce à son travail que le jeu D ressemble à ce qu’il est aujourd’hui. Lors du développement, il avait caché aux autres employés la vraie nature du jeu. Cette version édulcorée a également servi à passer auprès du jury de censeurs avant de donner la version non-censurée aux fabricants. Comme le montrent les jeux D et Enemy Zero, WARP est réputée pour le caractère étrange et peu conventionnel de ses jeux. Par exemple, Short Warp, sorti en 1996, est composé de mini-jeux décalés à la Wario Ware et était vendu avec un préservatif. Real Sand : The Wind’s Regret, un jeu d’aventure musical destiné aux voyants et non-voyants, était livré, quant à lui, avec des graines de gazon. Eno était également un grand dénicheur de talents dont un certain Fumito Ueda. Ce jeune designer cherche à intégrer l’univers du jeu vidéo quand il contacte WARP en 1995. Il est dans un premier temps recalé à cause de son manque de technique mais il est personnellement engagé par Eno qui voit en lui un réel potentiel pour la création de designs et de concepts. Il ne reste cependant pas très longtemps puisqu’il quitte la société dès la fin de son travail sur Enemy Zero afin de présenter à Sony son projet qui deviendra par la suite connu sous le nom d’Ico.