Ces inventions que Nintendo n’a pas inventéesVoxel Libre

Rédigé par

SANS TABOU

CES INVENTIONS QUE NINTENDO N’A PAS INVENTEES


Je sais que cet article va être accompagné d’un flot de haine venant des fans de Nintendo, mais il est important de bien remettre les choses dans leur contexte. L’acte d’inventer et celui de démocratiser sont deux choses bien distinctes, et c’est bien souvent de là que vient la confusion : Nintendo démocratise bien des concepts, mais il en a inventé bien moins que ce que veut bien croire la culture populaire. Donc, non, ce n’est pas un article à charge contre Nintendo, mais bien un article pour rendre hommage à ceux qui ont bel et bien inventé ces concepts, dans des environnements techniques bien plus archaïques qui rendent leurs inventions encore plus remarquables.


Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive mais devrait me permettre de rendre hommage à la créativité d’une époque où les jeux vidéo étaient bien moins démocratisés. Le but n’est pas forcément de trouver la 1ère mouture d’un obscur projet, mais de donner des périphériques fonctionnels, commercialisés en série et utilisés bien avant.

LES STICKS ANALOGIQUES

Controlleur de Vectrex

Le meilleur stick analogique de l’Histoire du jeu vidéo

La manette de Nintendo 64 a alimenté (et alimentera) bien des débats et l’argument qui vient le plus souvent la sauver est son “stick” révolutionnaire… en fait pas si révolutionnaire, hélas. Car il faut parler ici d’une console unique, la seule console existante à écran vectoriel, fournie avec des sticks analogiques sur ses manettes en 1982, de série (soit un an avant la sortie de la NES) : le Vectrex. Et le mieux, c’est que le Vectrex est un bijou qui a très bien vieilli, ses sticks analogiques restent d’une précision dingue, leur durée de vie et leur qualité est donc bien loin des déboires de ceux de la N64.

 

LES INTERACTIONS DIRECTES AVEC L’ECRAN

Le Zapper de la NES était pour vous le premier moyen d’interagir directement avec un écran ? Certes, ce périphérique de 1984 propose un concept assez inédit, quand on appuie sur la gâchette, l’écran devient noir et seules les hitbox des cibles apparaissent en blanc. Si la caméra voit du blanc, c’est qu’on touche une cible. Simple, et redoutable d’efficacité. Sauf que le Magnavox Odyssey Shooting Gallery le propose déjà en 1972 avec un fusil. Mais, depuis 1955, existent des dispositifs encore plus impressionnants : les light-pen, utilisés pour écrire/dessiner directement sur un écran à tube cathodique. Et devinez quoi ? Ce bon vieux Vectrex en a profité.

Et, du coup, on peut faire rien de moins que ça, en 1983 :

Le light-pen était utilisé par 2 autres jeux du Vectrex en plus du logiciel de dessin fourni avec, et prévus pour 3 prototypes jamais terminés. Donc, oubliez le stylet de la DS et le Zapper (sorti un an plus tard), le Vectrex l’avait déjà fait avant, et, sur le coup, avec brio !

L’ECRAN 3D

Il est évident qu’à l’époque de l’écran cathodique il était totalement impossible de mettre 2 écrans l’un derrière l’autre

Pas de VR, mais un effet 3D

Pas de VR, mais un effet 3D

en totale transparence pour avoir cet effet 3D stéréoscopique qui fait la spécificité de la 3DS. Et pourtant… il y a bien eu une tentative ! Le résultat était plutôt bluffant pour l’époque (1984), et a permis d’avoir cet effet 3D stéréoscopique, à l’heure des tubes cathodiques, sur 3 jeux et un prototype.
Je vais donc vous parler du 3D Imager sur Vectrex (encore lui !). Il s’agit d’un casque équipé d’une roue de couleurs transparente qui tourne suffisamment vite pour fournir l’effet stéréoscopique désiré. Comme 50% de la roue est noire et opaque, une zone de l’écran n‘est visible que par un seul oeil à la fois. Oui, c‘est exactement le système utilisé par des lunettes de 3D actives actuelles, avec les moyens de l’époque pour la mise en oeuvre. Certes cela nous paraît bien rudimentaire, et il est clair que l’avènement des dalles LCD a amené la 3D stéréoscopique à un nouveau niveau, mais, malgré tout, ils avaient réussi à l’époque.

LES MANETTES SANS FILS

Avant la Wii et avant même le Nintendo AVS (prototype abandonné que tenteront d’exhumer les fans les plus hardcores – Pierre, je te connais trop bien !), l’Atari 2600 avait ses manettes sans fil. Et, ici, pas d’infrarouge capricieux, non, de bonnes vieilles ondes hertziennes. En 1983 les joies du chilling loin de son écran étaient déjà accessibles (aux bourses les plus garnies…), mais en soit, déjà présent et connu des consoles de salon.

LE MOTION GAMING

Le motion gaming est en fait bien plus ancien qu’on ne le pense. Bien évidemment, tout le monde a associé ce concept à la Wii, les N-Sex les plus convaincus au catastrophique Power Glove, mais, là encore, l’Atari 2600 a été incroyable d’ingéniosité via un de ses périphériques : “Le Stick” (en Français oui), de Datasoft.

D’un design simple et d’une autre époque, de multiples contacteurs à mercures permettaient de connaître l’orientation du périphérique dans l’espace (mais pas sa position). L’ambition de l’époque était de permettre d’avoir un joystick sans base, et force est de constater que ça a marché, et c’est bel et bien l’ancêtre (bien que rudimentaire) du motion gaming. Rudimentaire vu les possibilités offertes par les technologies de l’époque, mais fonctionnel et commercialisé, capable de fonctionner avec tous les jeux de l’Atari 2600.

Attention à ceux qui voudraient se procurer cette bizarrerie : Le Stick, de part le mercure, est toxique, des chocs ou l’usure engendrent des fuites et c’est pourquoi ce n’est clairement pas quelque chose à laisser dans les mains des enfants !

Pour rester dans le motion gaming, la Wii Balance Board avait elle aussi un ancêtre sur Atari 2600 : le Joyboard. En forme de pèse-personne, il fallait gérer son poids pour activer un des 4 boutons directionnels situés dans le dispositif. Encore une fois rudimentaire, nous sommes en 1982, mais qui a fonctionné et été commercialisé.

LES VIBRATIONS – FORCE FEEDBACK

C’est un sujet plutôt épineux car, oui, c’est bien Nintendo qui a été le premier à utiliser les vibrations sur une console de salon via le Rumble Pack de la Nintendo 64. Néanmoins, ce n’étaient pas les premiers à l’utiliser dans un jeu vidéo. Les premiers à y avoir pensé sont SEGA, sur la borne d’arcade Fonz (ou Moto-Cross), qui faisait vibrer les poignées de la moto à piloter, en 1976. Pas les inventeurs du concept donc, mais les premiers à l’utiliser dans une console de salon par contre. Encore une fois on peut saluer la démocratisation amenée par Big-N qui a permis au plus grand nombre d’en profiter.

LA CONSOLE DE SALON PORTABLE

SEGA et ses projets fous

Une nomad utilisée comme une console de salon

L’un des gros succès de la Switch vient de l’originalité du concept de console de salon portable. Une révolution… vraiment ? En 1995 sort la SEGA Nomad aux Etat Unis. Ca n’est rien de moins qu’une Megadrive portable.
Sortie 7 ans après la console, elle propose les boutons nécessaires pour jouer autour d’un écran couleur. Mais, ce qui la rapproche de la Switch, c’est la possibilité de jouer avec un autre joueur (en branchant une manette de Megadrive sur le port prévu à cet effet), et sur une télé lorsque l’on est pas en déplacement via une sortie vidéo.

Autre détail : les jeux, qui ne sont rien d’autre que l’intégralité de la ludothèque de la Megadrive, car la Nomad nécessitait l’insertion d’une cartouche Megadrive pour fonctionner. Clairement moins pratique qu’une Switch, le concept a néanmoins été commercialisé et était parfaitement fonctionnel, il y a presque 25 ans.

LE PREMIER JEU EN 3D

Que de nostalgie

9 ans avant StarFox

Bien qu’étant moi même un amateur de StarFox sur SNES, non, ce jeu n’est de loin pas le premier. La comparaison facile serait avec Virtua Racing de SEGA sorti un an plus tôt (1992), mais je vais en toute subjectivité citer un jeu de mon enfance : Elite. La série Elite, commencée en 1984, a toujours été en 3D. Oui, même le premier volet de 1984 était en 3D. 9 ans avant la sortie de la Famicom, sur un hardware au moins 2 fois moins puissant, on faisait tourner un jeu en 3D fils de fer, où l’ensemble des planètes de la galaxie était généré procéduralement depuis une graine et proposait une expérience open world.


Pour ceux qui ne connaissent pas cette série de jeux, elle a toujours été extrêmement novatrice voire carrément dingue dans ce qu’elle proposait, jetez-y un oeil. Ainsi, Elite 2 ( 1993 ) proposait, la même année que StarFox, de la 3D texturée à des années lumières (jeu de mots) du hit de la SNES, un open world toujours et une physique Newtonienne stricte qui permet d’utiliser les orbites planétaires pour se catapulter dans l’espace lointain. Oui, c’était censé être la grande originalité du gameplay de Star Citizen, et oui un jeu le proposait déjà en 1993… Si l’on rajoute la possibilité de rentrer/sortir de l’atmosphère de n’importe laquelle des 100 000 000 000 de planètes aussi naturellement que dans No Man’s Sky, difficile de dire que je suis de mauvaise foi.


Bref, tout ça pour dire que StarFox, aussi sympa soit-il, était loin d’être le jeu 3D le plus abouti, et pas le premier non plus.

LES CONSOLES PORTABLES

Un an avant les premiers Game & Watch, sortait la Microvision, en 1979. Certes il lui manquait la croix directionnelle, mais elle proposait une gamme de jeux sur cartouche, ce qui en fait également un ancêtre direct du Gameboy. L’écran de la Microvision est d’ailleurs en noir et blanc, d’une résolution de 16*16, comme le Game Boy, avec une résolution 100 fois plus basse. Développée par Milton Bradley, la Microvision s’est tout de même vendue à 8 millions d’exemplaires, malgré une ludothèque de 12 jeux.
Au final, Satoru Okada lui même indiquait que c’est la Microvision qui a inspiré les Game & Watch, tout ceci est donc bien connu, mais la légende urbaine persiste.

EN CONCLUSION, QU’EN RETENIR ?

J’ai toujours aimé l’innovation, et ce n’est pas une qualité qui, pour moi, est si présente au sein de Nintendo. Par contre, leur faculté de démocratisation est, elle, incroyable ! Avant le crash des consoles qui a laissé sa place à Nintendo et SEGA, le jeu vidéo a vécu des années folles avec une créativité sans limite, dont j’ai essayé de vous montrer un aperçu dans cet article.

Et il suffit de regarder la liste et la diversité des contrôleurs qu’a eu l’Atari 2600 (dont certains ont eu des boutons sur la tranche avant la SNES) pour se dire qu’il y a pas mal de choses à découvrir dans les deux premières générations de consoles. Au passage, on y trouve même des contrôleurs pour handicapés, concept que Microsoft ressort des cartons depuis quelques petites années.

La force de Nintendo est de réussir à démocratiser des concepts oubliés, mais en aucun cas de tous les inventer. Et, par respect pour les vrais inventeurs de ces concepts, ceux qui ont fait preuve de génie pour repousser les limites techniques de l’époque afin de proposer quelque chose de nouveau, ne les oublions pas, car peut-être que, sans eux, Nintendo n’aurait pas proposé autant de choses. Donc, si vous aimez Nintendo, aimez tous ces fous qui ont tenté l’impossible, car c’est grâce à eux que Big-N vous régale de manière si originale aujourd’hui !