Le Mode 7, ou les prémices de la 3D sur SNESCapsule Technique
LE MODE 7, OU LES PRÉMICES DE LA 3D SUR SNES
Focus sur le Mode 7, cette innovation graphique bien connue de la Super NES qui permettait de donner à nos jeux vidéo une bluffante impression de 3D.
Si vous demandez à n’importe quel gameur du début des années 90 quelle est sa console préférée, il y a de fortes chances que celui-ci vous réponde la Super Nintendo, la Super Nes de son diminutif et la SNES pour les intimes. Avec son immense catalogue de jeu rempli de titres cultes, ses graphismes magnifiques, sa palette de 32 000 couleurs, sa qualité sonore grandiose pour l’époque et ses capacités techniques véritablement en avance sur son temps, la console 16 bits de Nintendo commercialisée en novembre 1990 au Japon sous le nom de Super Famicom et en avril 92 chez nous a indéniablement laissé une trace indélébile dans le coeur de celles et ceux qui y ont joué.
Toutes ces qualités, on a pu les attribuer à la machine rétroactivement, à force d’y jouer et de constater à quel point son catalogue a fait date. En revanche, quiconque fera appel à ses premiers souvenirs avec cette console se souviendra que la première claque prise une fois la bête allumée, est venue de son rendu en simili-3D, rendu possible grâce au fameux mode 7. Lors de sa sortie, la SNES était la seule console de salon de sa génération à disposer d’une telle technologie. À tel point qu’à posteriori, l’industrie et les joueurs se sont mis à parler de Mode 7 pour tout effet similaire présent sur d’autres machines de jeux hors Super Nintendo. C’est un abus de langage bien sûr, mais qui en dit long sur la place qu’avait ce mode graphique dans l’ADN de la console.
LE MODE 7, C’EST QUOI ?
Le Mode 7 est donc un mode graphique d’application de texture dont le principal objectif est de donner une impression de 3D dans les jeux vidéo 16 bits. Mais alors comment ça marche ? Eh bien, tout part d’une technique appelée « affichage dynamique des images ». En fait, celle-ci permettait à la console (en l’occurrence, la Super NES) de prendre une image en arrière-plan et de l’étirer ou de la compresser en temps réel. Par ce procédé, les développeurs pouvaient ainsi créer des effets de perspective, de zoom, de distorsion et de rotation de caméra en utilisant des images et textures plates.
Le résultat de ces déformations d’arrière-plans (et non de sprites qui eux restaient en 2D) donnait ainsi naissance des effets visuels stupéfiants pour l’époque, comme des paysages en 3D et en mouvement. Et oui, les circuits dans Mario Kart, sont en réalité de simples arrière-plans déformés, comme si notre bolide roulait sur les murs. Encore 30 ans après, l’illusion est parfaite ! Ça vous en bouche un coin n’est-ce pas ?
Pour les devs qui chercheraient plutôt une définition plus technique du fonctionnement du Mode 7, je laisse avec cette explication : « Le Mode 7 est basé sur des opérations en 2D. En interne, celui-ci n’utilise donc pas de coordonnées en 3D, mais permet d’obtenir une illusion de terrain tridimensionnel grâce à des transformations sur un bitmap. Le Mode 7 est piloté grâce à une série de registres :
- un registre de 8 bits pour indiquer le type d’effet (miroir horizontal/vertical, superposition) ;
- 4 registres de 16 bits pour les paramètres d’une matrice de transformation 2×2 ;
- 2 registres de 16 bits pour donner le centre (cx,cy) de l’effet.
Les effets de rotation ou un zoom (sur les deux axes ou un axe à la fois) est alors obtenu en faisant varier les paramètres de la matrice. Pour assurer la translation, deux coordonnées supplémentaires sont nécessaires. Il est par ailleurs possible de changer la matrice à chaque ligne, ce qui permet par exemple de faire un effet de perspective ». (Source : Wikipedia FR)
Autre exemple d’application concrète du Mode 7 la cinématique d’intro d’une course de F-Zero : l’arrière-plan apparaît, un zoom est ensuite fait, celui-ci est ensuite pivoté, arrivent ensuite les sprites qui sont posés sur cet arrière-plan, avant que celui-ci ne défile pendant la course. Un phénomène parfaitement expliqué et vulgarisé par Marc Oreylie dans sa vidéo dédiée aux secrets de la Super Nintendo.
Voici quelques exemples de titres SNES qui bénéficient du Mode 7 d’une manière ou d’une autre (liste non exhaustive) :
- ActRaiser (carte) (villes)
- ActRaiser 2 (carte)
- Contra III: The Alien Wars
- Chrono Trigger (courses à moto)
- Demon Crest (carte du monde)
- Equinox (balade sur la carte)
- F1 Pole Position
- Final Fantasy IV et V (à bord du vaisseau)
- Final Fantasy VI (introduction, carte du monde, course en chariot minier)
- F-Zero
- Ganbare Goemon 2 (mini-jeux dans le jeu, ainsi qu’un boss)
- Hyper Zone
- Illusion of Time (balade sur la carte)
- Indiana Jones’ Greatest Adventures (en canot pneumatique, en chariot, en biplan)
- Jurassic Park durant les niveaux en vision subjective.
- Killer Instinct
- Kirby Superstar (introduction)
- Mohawk & Headphone Jack (rotation du monde)
- Terranigma (carte du monde)
- The Legend of Zelda: A Link to the Past (carte du royaume d’Hyrule)
- The Lost Vikings (scènes où les vikings voyagent dans le temps)
- Mortal Kombat II (the pit 2 stage fatality)
- Pilotwings
- Rap Jam: Volume One
- U.N. Squadron (introduction)
- Secret of Mana (voyage en canon et à dos de dragon)
- Secret of Evermore (voyage en vaisseau)
- Street Racer
- Super Castlevania IV (en particulier le niveau 4)
- Super Mario Kart
- Super Mario RPG (course dans le chariot de la mine)
- Super Mario World (scènes de boss)
- Super Probotector (« Contra III: The Alien Wars » en Japonais)
- Super Soccer
- Super Star Wars (niveau en speeder)
- Super Tennis
- Yoshi’s Island
- Tiny Toons : Wild and Wacky Sports (certaines épreuves, notamment le saut à l’élastique et l’épreuve de vol)
- Yoshi’s Safari
- Tales of Phantasia (Carte du monde) (Changement de temps)
LES FAUSSES VERITES SUR LE MODE 7
Cependant, et vous l’avez peut-être remarqué, sur les différentes pages Wiki du Mode 7, les listes de jeux en bénéficiant font référence au jeu Axelay, et ce dans toutes les langues. Si de notre côté nous l’avons bel et bien retiré de notre sélection, c’est tout simplement parce qu’en réalité, il n’en fait pas partie. En effet, alors que la presse de l’époque affirmait subjuguée que le jeu de Konami était le premier jeu de la SNES à bénéficier du Mode 7, c’est en réalité une légende urbaine qui perdure encore aujourd’hui.
En effet, le jeu ne profitait pas du Mode 7, mais bénéficiait plutôt « d’un effet ‘rouleau’ produit à partir d’un raster effect sur le scrolling vertical. Cela consiste à modifier de très nombreuses fois (potentiellement plus de 200 fois par frame) la valeur du scrolling vertical pendant le balayage de l’écran, de manière synchronisée avec celui-ci, afin d’étirer ou de comprimer verticalement l’image (et uniquement verticalement), c’est important de retenir cette nuance ». Ces mots sont issus d’un long billet de blog de Upsilandre Retrogaming, que nous vous invitons à lire si vous souhaitez enfin debunker cette fake news tenace.
Autre idée reçue sur le Mode 7 par ailleurs, celui-ci n’est pas généré par le processeur de la machine (CPU) [d’autant plus que celui de la Super Nintendo n’était clairement pas suffisamment puissant], mais bien par son PPU (Physics Processing Unit), un microprocesseur destiné aux calculs de modélisation physique, ou autrement dit la carte graphique de la Super Nintendo. Ce procédé avait justement pour but de soulager le CPU.
Enfin dernière légende à son sujet, plus légère cette fois : Comme le sous-entend son nom, on parle du Mode 7 comme étant le septième mode graphique de la Super Nintendo. Sauf que là aussi, c’est faux. Il s’agit en réalité bien du huitième mode graphique de la console puisque celle-ci bénéficiait aussi d’un « Mode 0 ». Boom, encore un gros coup placé dans les joyeuses de vos certitudes !
Blague à part, si la SNES est aujourd’hui indissociable du Mode 7, elle n’est néanmoins pas la seule machine à en avoir profité. La Lynx d’Atari, une console portable extrêmement sophistiquée dévoilée un an plus tôt, disposait en effet d’un équivalent du Mode 7 de la Super Nintendo. Par la suite, la Mega-CD de SEGA a rejoint ce club très fermé des Mode 7eurs en 1991, tandis que la Game Boy Advance utilisait elle aussi cet effet graphique.
D’après les ressouces de Wikipédia, dans la sphère PC aussi, « de nombreux jeux, notamment Wacky Wheels, ont joui d’un effet de Mode 7, mais cette fois généré entièrement de manière logicielle, les cartes VGA de l’époque ne comprenant pas de tels circuits d’affichage 2D avancé permettant la rotation et le zoom. De la même manière, certains jeux (Mr. Nutz, Lionheart, Brian the Lion…) intègrent des effets similaires entièrement codés de manière logicielle ».
Après ça, le Mode 7 est finalement devenu obsolète avec l’avènement des consoles 32/64 bits, synonyme de l’arrivée de la vraie 3D dans le jeu vidéo. Il n’en demeure pas moins qu’il restera une feature marquante de l’Histoire de ce fameux 10ème Art. D’ailleurs, même la Super Nintendo est parvenue à faire de la vraie 3D à la fin de sa vie sur des jeux comme Starwing, le nom français du jeu Starfox sorti chez nous en 1993. Une prouesse que la machine doit avant tout à la magie du processeur graphique Super FX, mais ça, c’est une autre histoire…