Handicap et accessibilité du Jeu VidéoCapsule Technique


HANDICAP ET ACCESSIBILITÉ DU JEU VIDÉO :
Définition, généralités et quelques réflexions
La pratique d’un jeu vidéo peut se résumer en sa prise en main (matérielle et logicielle), les sentiments qu’il transmet dans un sens et les émotions qu’on (le joueur) lui transmet en retour. L’ergonomie, c’est-à-dire l’adaptation de l’environnement à la situation d’une personne/activité, du jeu vidéo est une part importante de la pratique, si on joue dans un mauvais environnement ou une mauvaise position, notre vécu du jeu vidéo en sera modifié. D’où la multitude de support des jeux vidéo, qu’ils soient sur ordinateur fixe/portable, sur console de salon ou sur console portable, etc.. Il y a une autre partie de l’ergonomie qui n’est pas beaucoup mis en avant et méconnue : l’accessibilité des jeux vidéo aux Personnes en Situation de Handicap. Prenons le temps d’en parler un petit peu.

Publication de la DREES sur le site du gouvernement : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr
En France et selon des chiffres de la DREES (La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques*), il y a entre 2,6 et 7,6 millions de Personne en Situation de Handicap (ou P.S.H.) de plus de 15 ans (la variation de chiffre est en rapport avec la définition de Handicap, vue ci-après) à partir de chiffres de 2021. Au plus gros, 7,6 millions de français représente 11% de la population. Au niveau mondial, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS*) chiffre en 2023 à 1,3 milliard de P.S.H., soit 16% de la population. Parmi ces 11 et 16%, combien sont des gamers ?!
Introduisons maintenant classiquement le sujet par sa définition :
Pour la France, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 définit le handicap de la façon suivante :
Constitue un Handicap, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant.
(article L114 – code de l’action sociale et des familles)
Ainsi on parle d’une Limitation d’activité ou d’une Restriction de participation, en termes de fait social, et d’une Altération de fonction ou trouble de santé invalidant, en termes de fait personnel (physique et/ou mental/cognitif/psychique). La DREES pousse la catégorisation du Handicap en ajustant les mots de la loi « participation à la vie en société » par « les activités que les gens font habituellement » (page 8 de son rapport). Ainsi la DREES donne les chiffres de 6,8 millions de français déclarant une altération en terme personnel et 3,4 millions déclarant des restrictions dans des activités habituelles. On ajoute à tout cela les 140 000 personnes de 16 ans ou plus hébergées en établissements spécialisés dans la prise en charge du handicap.
En plus de sa définition fondamentale, il est à présent distingué du Handicap 6 grandes familles de déficience :
La déficience moteur
La déficience psychique
La déficience mentale
La déficience sensorielle : auditive et visuelle
Les maladies invalidantes
Nous reviendrons sur les adaptations pour chaque famille de déficience tout au long de cet article. Avant de terminer cette partie de définition, il reste deux dernières données : 1) les handicap plus ou moins durables suite à des accidents ou maladie qui mettent en convalescence la personne (un plâtre par exemple ou un traitement médicamenteux sévère) est considéré comme situation de handicap ; 2) les handicaps sont en grande majorité invisible (80% selon l’AGEFIPH [Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées], dans son travail de sensibilisation sur le Handicap au travail**), cela peut effectivement être du Diabète, des troubles DYS, un cancer, des troubles psychiques ou encore une dépression sévère.

Logo de l’AGEFIPH, principal organisme d’aide aux P.S.H. tourné vers et pour le monde du travail
Cet article se pose comme objectif de parler des Situations de Handicap et son rapport avec la pratique des jeux vidéo, nous allons proposer trois pistes de réflexions : en premier lieu on verra comment les joueurs perçoivent les jeux vidéo en fonction de leur handicap et quels sont les pistes d’accessibilité qui leurs permettent de jouer ; en seconde partie (la plus longue) nous verrons l’industrie à la conception des jeux (et manettes) et avec quelques exemples montrer les adaptations pour améliorer l’accessibilité ; puis nous ferons une conclusion reprenant le concept de l’accessibilité, son enjeu et ses ouvertures dans le milieu du jeu vidéo.
COMMENT LES JOUEURS PERÇOIVENT-ILS LES JEUX VIDÉO EN FONCTION DE LEUR HANDICAP : QUELQUES GÉNÉRALITÉS
Face à la multiplicité des handicaps et à ces natures diversifiées, jouer à un jeu vidéo peut être à la fois jouer sans le son, jouer sans l’image, jouer sans possibilité d’interaction avec les autres joueurs et/ou avoir une prise très faible sur le joystick pour faire bouger le personnage. Et bien d’autres situation. L’accessibilité d’un jeu vidéo est ainsi l’ensemble des propositions de configurations du jeu pour que le handicap n’en soit pas un. L’objectif en effet n’est pas tant de proposer un jeu différent (un jeu spécial handicap) aux Personnes en Situation de Handicap, mais de gommer l’altérité du handicap.

Images du jeu Ratchet and Clank (2021) avec l’effet visuel de mettre en avant les amis, ennemis, également tous les objets interactifs)
Ainsi on peut, pour les déficiences liées à des maladies, troubles maladifs ou autres anomalies invalidantes, transformer le jeu des couleurs pour l’adapter à la vue d’un daltonien (quelques 8% de la population mondiale chez les hommes***). Ou bien faire des campagnes d’informations sur les crises d’épilepsie jusque chez les fabriquant et éditeurs de jeux vidéo, comme PlayStation qui l’affiche sur son site internet, car les jeux sont susceptibles de déclencher des crises convulsives.
Pour les déficiences moteurs, la problématique va être dans la manette de jeu ou le clavier, c’est-à-dire l’outil physique qui permet de jouer. Ainsi on pourrait dire qu’à la place de personnaliser la manette aux couleurs ou aux dessins d’un jeu vidéo pour en faire une édition limitée, on va personnaliser la manette selon la déficience moteur du joueur : une plus grande sensibilité des boutons/du joystick, une prise en main différente de l’ensemble, etc.. La spécificité va être ici également de refaire totalement l’interface des touches, les boutons ne seront pas au même endroit, ou bien les gâchettes ne seront juste pas du tout utilisées, etc. Le jeu a donc intérêt à donner dans ses options de jeu la possibilité de personnaliser l’emplacement des touches et l’ajout d’extension et d’adaptateur de la manette reconnu (à l’exemple du Xbox Adaptative Controller, dont on reparle ci-après).

Image de présentation du XAC
Dans le cas des déficiences cognitives, mentales et psychiques, délicates à résumer car multiples, cela passera en partie par une difficulté à se concentrer sur le jeu, une difficulté à lire toutes les informations diffusées sur l’écran (parce que lecture lente), une difficulté à retenir tout ce qu’il faut mémoriser (à quoi sert la gâchette gauche et le bouton Y et l’utilité du Stick bas gauche …?) ou encore une contextualisation des choses altérée (ce que implique de faire cette action). L’adaptation du jeu vidéo doit passer par une palette de possibilité : jouer avec le moins de commandes possible, rappeler souvent au joueur son objectif actuel, faire un repérage rapide de ce qui est important de voir. On verra plus loin un exemple concret avec le jeu Far Cry 6.
Enfin, pour des déficiences auditives d’une part et visuelles de l’autre, une solution très simple existe depuis longtemps, l’apparition des sous-titres pour remplacer l’audio/le narrateur pour remplacer le visuel. D’autres solutions de compensation existent, en particulier celles qui visent à remplacer toutes les sources de lumières contextuelles (par exemple des alertes de dégâts prisent avec un clignotements rouges) par un bruitage pour effacer la déficience visuelle. La réciprocité existe pour remplacer la déficience auditive avec des alertes visuelles à la place de bruitages. Un jeu aura pour objectif de jouer beaucoup sur les deux sources, alors l’outillage mis à disposition pour les Situations de Handicap pourrait permettre dans les options d’enlever, ajouter et remplacer ces alertes soit sonores soit visuelles.

Menu des options de FarCry 6, avec notamment l’existence du Narrateur
En fin de compte, la perception du jeu par les joueurs en Situation de Handicap sert de repère pour la transformer et la rendre au maximum à l’identique qu’un joueur sans situation de handicap, l’expérience du jeu se doit d’être la même. Le traitement est identique pour les situations de floutage, de gommage, ou de disparition de certains type de contenu pour aller dans le sens de l’accessibilité du jeu selon les âges, selon la sensibilité traumatique, et les phobies : on va désactiver la vue du sang par exemple, les mots vulgaires, ou encore moduler à la demande la montée de stress et de peur (un article très intéressant sur le sujet, à lire ici).
L’INDUSTRIE DU JEU VIDÉO S’ADAPTE À SES JOUEURS
L’accessibilité au jeu vidéo est une histoire d’universalité du jeu, et plus largement de l’Art ; que cela soit pour raison sociale d’inclusion, pour raison économique ou pour d’autres raisons encore, l’industrie du jeu vidéo ne peut pas (ou plus) marginaliser une frange de la population. Gamekult**** posait, en 2020, un fait complémentaire intéressant : le vieillissement de la population des joueurs. En dehors d’un vieillissement global, il y a aussi le fait que les joueurs d’hier, qui étaient jeunes dans les 70′-80′-90′, sont aujourd’hui, dans la décennies 2020, âgés (aïe le coup de vieux, désolé..). Avec l’âge arrive un lot de déficiences, même légères : moteur, auditive, visuelle. Tout cela agit pour que l’accessibilité des jeux vidéo soient de plus en plus un grand enjeu. Malheureusement, un poids fort empêche l’effort maximal : comme 80% des situations de handicap sont invisibles, comment réussi-t-on à en parler, à les faire reconnaître et par là, à les prendre en compte ? Les gros efforts viennent d’abord ou du bas ou du haut dans l’industrie du jeu vidéo.
1- Quelques données sur la législation et la communauté associative

Présentation de ADA avec ces visuels
Rapide historique pour ce qui vient d’ « en haut » : aux Etats-Unis, les années 1990, 2010 et 2019 marquent l’Histoire avec la loi Americans with Disabilities Act, étoffée en 2010, qui oblige tous les outils de communication externe à pouvoir être utilisé par tout le monde (donc en prenant en compte toutes les situations de handicaps) : « La loi ne concerne pas spécifiquement le jeu vidéo puisqu’elle englobe tous les dispositifs de communication électronique du distributeur de billets aux liseuses d’e-books en passant par les smartphones » (article Gamekult).

Image du EEA présentant les quatre principes généraux de la logique de l’accessibilité
Pour l’industrie du jeu vidéo, un délai de quelques années était accordé pour faire tous les arrangements nécessaires. Ce délai s’est terminé en 2019. L’année 2019 marque également l’Europe puisque c’est l’année où a été adopté par l’Union Européenne une directive quasi similaire : l’ European accessibility act. Cette dernière demande une application de lois sur l’Accessibilité dans chaque Etat Européen pour 2025. Cela va de soit que derrière chaque loi, il y a des peines, très souvent pécuniaires, en cas de défaut de conformité, mettant la pression sur les éditeurs et fabricants.

Logo de CapGame, la grosse association française et grande référence qui se donne en mission de « rendre l’accessibilité accessible ».
En ce qui concerne ce qui vient d’ « en bas », depuis des années et décennies des communautés et associations plaident en faveur d’une meilleure inclusion et accessibilité des jeux vidéo. De directement très pratiques, il y a des développement de plateformes, de réseaux, de guides, d’outils ou encore de bases de données, rendues accessible pour aider et renseigner les joueurs en Situation de Handicap. Par exemple « Can I Play That ?« , a pour mission de diffuser toutes les options d’accessibilités existantes dans les jeux vidéo, pour renseigner les joueurs ; sa popularité croissante l’a faite devenir également une plateforme d’influence pour les industries et les professionnels. Ou bien le blog « Game Lover« , constitué d’une équipe de résidents d’un foyer Papillons Blancs (résidence pour déficients notamment mentaux et cognitifs), le blog se donne deux missions : « 1 – aider les personnes dans notre situation à faire leur choix en testant pour eux les jeux avec ce qui fait notre différence. 2 – pour expliquer à ceux qui font les jeux là où on a des difficultés. Qui sait, certainement qu’ils n’en ont pas conscience et qu’ils le prendront un jour en compte si on le leur dit. » (citation de l’article du blog « Game Lover, c’est quoi ? »). C’est-à-dire, par ces deux exemples, des associations/communautés de joueurs et quelques professionnels qui tentent de médiatiser la situation du Handicap et sa relation avec les jeux vidéo. Force est de constater le dur combat, dans les grands médias et médias traditionnels le discours en est encore à l’étape de définir ce qu’est le Handicap (comme l’a fait notre introduction ici) et passe rarement à plus que cela. Grâce à la popularité de Twitch, Youtube et toutes les autres façons de diffuser des discours et expériences de joueurs en Situation de Handicap, il est sans nul doute possible de voir une nette amélioration dans l’avenir. (voir l’article de Gamekult (dans les sources ci-dessous) pour approfondir ces sujets). Une publication de 2020 de « Be Player One », relayé notamment par l’Agence Française pour le Jeu Vidéo, permettait de poser des observations qualitatives et quantitatives (la publication faisait part de sondages parmi 380 joueurs) sur les « attentes, frustrations et difficultés » des joueurs en Situation de Handicap, pour reprendre le titre de la publication : Jeux vidéo et Handicap : attentes, frustrations et difficultés des joueurs à besoins spécifiques *****.

Présentation du site internet en construction de Be Player One
2 – Entre le Haut et le Bas, il y a l’industrie du jeu vidéo
Celle-ci se dépatouille pour obéir aux règlements et en même temps satisfaire l’utilisateur, plus ou moins bien. Commençons par parler des jeux sur ordinateur. Sujet particulier car la « console » est ici non exclusive aux jeux vidéo, l’ordinateur est utilisé, oserait-t-on dire partout (?) et par tout le monde (fracture numérique exceptée), de ce fait l’accessibilité engage l’ensemble des usages de cette console et l’ensemble des usagers. L’ordinateur et les systèmes d’exploitations n’ont pas attendu les problématiques du jeu vidéo pour penser l’accessibilité. Windows 10 se vante d’avoir des solutions fondamentales pour les Situations de Handicap suivant : moteur, visuel, auditif et troubles cognitifs. Les jeux vidéo se reposant sur cette accessibilité ont alors la seule mission que leur logiciel soit cohérent avec cela : reconnaître tous les types d’appareils (manettes adaptées par exemple) mis en extension, permettre les zoom pour augmenter la taille des sous-titres en jeu (parce qu’il y a, bien sûr, des sous-titres dans tous les jeux), permettre la modification des couleurs pour les daltoniens, etc..

Page d’accueil de « Microsoft Accessibilité », ou comment Microsoft est en « quête d’inclusion », pour reprendre une expression du site internet
En ce qui concerne les consoles de salon, type Xbox, Playstation, nous sommes face à une problématique à deux endroits distincts mais déjà connu : la manette, l’outil physique, et le logiciel, l’outil numérique. L’entreprise SONY a profité du salon « Consumer Electronics Show » (ou CES) de Las Vegas, en janvier 2023, pour présenter le projet de manette Leonardo****** (renommée plus tard en Access). Manette exclusive de la Playstation 5 qui étaient en vente à partir de décembre 2023, ses atouts mis en avant sont une accessibilité absolue grâce à une personnalisation libre des boutons présents sur le périphérique. La manette est constituée d’un côté d’un joystick avec trois sticks différents interchangeables selon le besoin (allant du gros stick type des consoles d’arcades, au stick standard type d’une manette PS5), et de l’autre côté d’une plateforme circulaire sur laquelle on est libre de visser et dévisser l’ensemble des boutons tout autour avec une possibilité de choix sur la grosseur du bouton, sa forme, sa prise en main, etc.. Il y a 3 ports auxiliaires pour brancher la manette et la relier par exemple à un micro ou un casque. L’espace entre le joystick et les boutons est ajustable et enfin il est possible de configurer l’usage précis de chaque touche. Guide de la manette ici sur le blog de Sony. L’expérience dira si cette manette répond à l’ensemble des besoins pour palier la déficience moteur. Le discours de présentation de la manette lors du CES est plein d’espoir :
Au fil de nos conversations avec des spécialistes de l’accessibilité et des organisations incroyables, comme AbleGamers, SpecialEffect ou encore Stack Up, nous avons conçu une manette ultra-personnalisable qui fonctionne de concert avec les accessoires d’accessibilité tiers et s’intègre à la console PS5 pour ouvrir de nouvelles voies au monde du jeu. Nous souhaitions relever les défis auxquels sont confrontés de nombreux joueurs aux capacités motrices limitées, en particulier l’impossibilité de tenir une manette longtemps, d’appuyer de manière précise sur des touches ou des gâchettes ou de positionner les pouces et les doigts sur une manette classique.
(https://blog.fr.playstation.com/2023/01/05/decouvrez-project-leonardo-pour-playstation-5-un-kit-daccessibilite-pour-manette-ultra-personnalisable/)

Vues de la console Access, à gauche quand elle est montée, au centre vue d’ensemble avec toutes les propositions de boutons, à droite vue comparée avec les tailles de la manette PS5 et de la console
Avant cette console, le concurrent Microsoft est déjà établi dans la « course » à l’accessibilité car la manette « Xbox Adaptive Controller« (ou XAC) est sur le marché depuis 2019. Apparue dans les médias lors de l’espace Pub du Super Bowl, Microsoft s’est donné quelques années de recherches et de conceptions pour cette manette. Le/la XAC est avant tout un appareil central, comme un hub qui permet de connecter 19 appareils (avec prises USB ou Jack) qui vont tous remplacer un bouton ou fonctionnalité spécifique de la console. Le hub central lui-même dispose des touches essentielles directionnelles et A et B de très grandes tailles. CapGames offre un précieux article avec un aperçu de la manette, donne des références d’appareils utiles et allant dans les périphériques du XAC et présente des exemples utiles et concrets d’utilisation de cette manette selon les situations et les usages voulus. CapGames conclut sa présentation avec ces mots :
Au final, la Manette Xbox Adaptative est un très bon accessoire pour les joueurs. Elle est une première réponse à grande échelle qui facilite la vie de nombreux joueurs qui ne trouvaient pas de solution simple pour jouer. Cela étant le XAC ne remplace pas des options d’accessibilité non développées dans les jeux. La Manette Xbox Adaptative est donc une excellente proposition et solution technique pour faciliter la vie des joueurs en difficulté. Reste maintenant à l’industrie à embrasser le sujet collectivement pour répondre à toutes les attentes.
(https://www.capgame.fr/accueil/vous-etes-un-joueur/utiliser-le-xbox-adaptive-controller-sur-xbox-one/)
Après cet aperçu des deux grandes manettes (sortant des deux grosses entreprises du monde vidéoludique), on évitera de multiplier les exemples car il y en a beaucoup à dire (la manette PS4 de Systergo permettant de fixer la manette sur un socle sans la prendre en main et plaçant les gâchettes sur le devant ; ou encore la manette Xbox utilisable à une seule main inventé par un indépendant, Akaki Kuumeri, par exemple ; ou encore l’entreprise HitClic qui propose des manettes créées sur-mesure), mais il ne faut pas penser pour autant que tous les joueurs en Situation de Handicap ont, ça y est, possibilité de jouer à tous les jeux. Après l’outil physique qui s’améliore grâce aux inventions des firmes ou d’associations de joueurs, ou encore d’indépendants, l’interface numérique, le jeu pur et dur, doit aussi se rendre accessible.

A l’instar de Game Lover, jeton un œil sur Far Cry 6 (sortie en 2021)
Une problématique de taille dans le domaine consiste à la nature et le genre du jeu : l’accessibilité sera fondamentalement différente pour un FPS ou un jeu de gestion/stratégie, un RPG d’aventure solo ou un MMORPG… GameLover offre un test sur Far Cry 6 d’une très grande qualité******* : le jeu est décrit cas après cas sur les Situations de Handicap (avec une notation par situation). Après la partie moteur sur les dispositions de touches (situation déficience moteur), on trouve la partie de test pour déficience auditive, Far Cry pense à mettre à disposition les sous-titres avec un choix de taille des lettres, pense à mettre un moduleur audio pour éventuellement mettre plus fort les dialogue par rapport au reste, pense à permettre un jeu visuel pour les surdités (par exemple mettre en surbrillance les ennemis, ou un jeu d’alerte visuelle à la place de l’audio).

Image du menu de Far Cry 6 avec les différentes propositions de configurations des options selon la famille de Déficience.
Pour le test de déficience visuelle, Far Cry pense à laisser modifiable les couleurs sur 18 teintes (comme tout bon FPS qui se respecte depuis des décennies, le daltonisme est prit en compte avec une option spécifique), Far Cry pense aux alertes ici aussi et outre visuelle, on peut moduler les alertes sonores et enfin Far Cry dispose d’un « narrateur » qui lit tout ce qui apparaît sur l’écran. En ce qui concerne le test pour déficience cognitive, Far Cry étant un FPS action-aventure, c’est un jeu difficile à aborder dans ce cas de figure avec une multitude de touches et d’actions à faire, et il faut être concentré : mouvement de personnage et mouvement de camera peuvent se coupler sous une seule touche, Far Cry a de manière fondamentale toujours une mini-carte et un « GPS » intégré pour montrer en permanence l'(les) objectif(s) de mission, enfin une grande note est donné ici aussi au « narrateur » qui aide les joueurs à ne pas perdre de temps et de concentration à lire tout ce qui est écrit. Un bon point est aussi donné sur l’existence dans le menu des options préfabriquées selon la déficience, il y a un « mode cognitif » par exemple (qui n’enlève pas qu’ensuite on puisse regarder toutes les options). Et voilà pour Far Cry 6, en guise d’un exemple phare (qui pleure) pour introduire les démarches d’accessibilités du jeu vidéo, Far Cry 6 et le test de GameLover me semble être une très bonne mise en bouche. Rentrer dans le détail de tous les types de jeux et ensuite dans tous les types de Situation de Handicap ferait une trop longue histoire.
La communauté de joueurs retient également la série de jeu The Last of Us (partie 1 et partie 2) comme des jeux d’une très bonne accessibilité (Naugthy Dog ayant en plus beaucoup communiqué dessus). Je laisse la curiosité des lecteurs de lire les tests de GameLover, aussi très instructifs********.

Présentation du Test sur The Last of Us de Game Lover
En conclusion de cette partie, l’industrie du jeu vidéo se concentre depuis à peine quelques années à l’accessibilité pour les Situations de Handicap. En relation avec les associations et experts dans le domaine, des entreprises lance sur le marché d’une part des manettes pour permettre de jouer aux consoles et d’autre part des logiciels-jeux plus conscient de toutes les situations. Sans être au top niveau, l’industrie se transforme petit à petit. Et là où l’industrie pèche, on connait la force de la communauté de joueurs et des associations pour proposer des solutions, des conseils, des informations ou encore autre renseignements pour guider les joueurs en Situation de Handicap qui aimerait joueur à des jeux. Nous n’avons pas abordé une problématique, pourtant majeure, la commercialisation : l’Access de Sony se vend à 90 euros sur le marché. Le prix est à prendre en compte en connaissance du taux très faible d’emploi des Personnes en Situation de Handicap (en France, en 2021, le travailleur en Situation de Handicap représente 4% du nombre total de travailleurs), ils ont donc moins facilement de moyen d’investissement. La commercialisation est aussi à prendre en compte pour l’industrie qui investit beaucoup dans ses projets spécifiques pour l’accessibilité, on va espérer que l’économie et les fluctuations du marché ne seront pas des freins à ces développements.
L’ACCESSIBILITÉ DANS LE MONDE DU JEU VIDÉO, UN OUTIL ESSENTIEL POUR QUESTIONNER « QUI ON EST » ET « QU’EST-CE QU’ON FAIT »
L’accessibilité, au sens très général du terme, est l’idée que tout soit à portée de tout le monde, qu’importe son handicap physique/psychique/cognitif, mais également peu importe son origine sociale, son pouvoir d’achat, sa localisation dans le monde, etc.. Dans la bouche des autorités publiques, l’accessibilité en ce moment est concentré vers d’une part les Situations de Handicap et d’autre part les emplois. L’accessibilité peut néanmoins représenter plus que cela : si produire un jeu, par exemple de FPS, utilisant tous les codes du genre avec des tirs dans tous les sens, des bruits, des explosions de lumières, pleins de voix partout et tout le temps et de l’action haletante sans arrêt, assure de n’être pas à portée d’une frange de la communauté de joueurs, par exemple les joueurs en Situation de déficience visuelle qui n’arrivent pas à apprécier tous les jeux de couleurs des explosions, est-ce intéressant, aujourd’hui, à faire ? La question peut se poser.

Image de Halo Infinite (2021) avec sa possibilité de mettre en surbrillance les ennemis
Le questionnement peut aussi se généraliser sur la nature des grands « canons » des jeux vidéo : les concepts, les gameplays, les grandes bases des jeux. La rencontre avec l’idée de l’accessibilité universelle au possible, permet de remettre en question (même si ça fait mal, désolé) le fond et la forme et même parmi des détails à la con. Un exemple, dans un concept culturel commun, la couleur rouge représente le mal, le vert le bien ; ou encore le noir le mauvais et le blanc le bon, le pur ; à quelqu’un qui n’arrive pas à faire de différence de couleurs ou de nuances, est-ce que ce concept culturel lui parle ? Ce sera difficile. L’accessibilité, dans ce cas, pourrait laisser le choix aux joueurs de modifier les couleurs et ce de manière contextuelle, laissant le choix de mettre les ennemis en blanc et les gentils en noir. (de toute manière, dans notre monde il n’y a pas de méchants ni de gentils mais cinquante nuances de gris)

Images de Ratchet and Clank avec la possibilité de modifier le contraste des couleurs (image officielle de PlayStation)
J’aimerais conclure cet article par cette idée que travailler à rendre accessible les jeux vidéo aux Personnes en Situation de Handicap est un travail qui doit se faire en deux temps majeurs (dont le second est peut-être une divagation personnelle) : le premier est de répondre à la demande des joueurs même en Situation de Handicap qui veulent, souhaitent, espèrent et rêvent jouer aux jeux vidéo, non seulement les mêmes jeux mais également avec l’expérience de jeux au plus proche de personnes sans Handicap. Cela doit passer par une meilleure compréhension du Handicap et ce que cela implique. Les industries, on l’a vu ci-dessus, travaillent à améliorer les jeux et les manettes, et beaucoup de chemin reste à faire. Les associations, les indépendants, les communautés de joueurs grâce à Youtube, Twitch, et autres médias, améliorent de plus en plus la visibilité et la compréhension du Handicap, mais là aussi du chemin reste à faire pour une compréhension universelle. Le deuxième temps majeur serait justement celui de la compréhension que face à cette multiplicité de profils de gamers, autant d’origine physique, sociale, temporel, que des Situations de Handicap ou non, les « canons » des jeux vidéo représentent peut-être un trop plein de murs et d’obstacles rendant l’accessibilité impossible. Le concept de base serait d’offrir un jeu vidéo où le joueur peut tout choisir. Cela ne s’arrête donc pas qu’aux choix de faire apparaître des sous-titres, les écrire en blanc, en rouge, en grandes tailles, ni encore de modifier les nuances de couleurs pour les réduire ou les augmenter, ou encore de flouter les effusions de sang ou de censurer les vulgarités de langages, les options modifiables pourraient être de laisser libre choix plus encore de fonctionnalités (à l’exemple des profils des méchants en rouge ou noir et des gentils en vert ou blanc, que je puisse inverser pour correspondre aux canons différents correspondant à ma culture). Les profils des Personnes en Situation de Handicap seraient ainsi prit en compte de la même manière que n’importe quel autre profil de joueur. L’objectif de l’Accessibilité réside bien sur ce point précis.
Nous ne serions pas complet si un sujet n’était pas abordé : le cas des professionnels de l’industrie du jeu vidéo en Situation de Handicap. La thématique est aussi complexe, est-ce qu’il y a du recrutement de P.S.H. dans les entreprises de développeurs de jeu vidéo ? chez les fabricants ? chez les éditeurs ? combien sont-ils et peuvent-ils peser un poids dans la prise en compte du Handicap dans le jeu vidéo ? L’Agence Française pour le Jeu Vidéo a diffusée une prise de parole de Gwendolyn Garan lors de l’événement « Pro Evolution Society » qui s’est passé à Paris le 14 Juin 2023. Cette riche et intéressante conférence aborde le sujet et bien d’autres choses, aussi nous envoyons les curieux vers la rediffusion de cette conférence par ICI.
- Sources directement utilisées
- * https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-communique-de-presse/panoramas-de-la-drees/le-handicap-en-chiffres-edition-2023
- * https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/disability-and-health
- ** https://www.agefiph.fr/actualites-handicap/secteur-public-un-guide-pour-regarder-le-handicap-invisible
- *** https://lesyeuxdudaltonisme.fr/les-types-de-daltonisme/#Repartition
- **** https://www.gamekult.com/actualite/handicap-et-jeu-video-en-2020-l-accessibilite-n-est-plus-une-option-3050831221.html
- ***** https://www.afjv.com/news/10436_jeux-video-et-handicap-frustrations-barrieres-et-attentes.htm
- ****** https://handirect.fr/une-manette-de-jeu-adaptee-au-handicap-pour-la-playstation/
- ****** https://informations.handicap.fr/a-leonardo-manette-ps5-sur-mesure-pour-handi-gamers-34227.php
- ******* https://www.game-lover.org/far-cry-6-test-accessibilite/
- ******** https://www.game-lover.org/the-last-of-us-part-1-notre-test-daccessibilite/
- ******** https://www.game-lover.org/last-of-us-part-2-accessibilite/
- "Pot-pourri" d'autres articles d'informations et de cultures sur le sujet (non exhaustif)
- https://gameher.fr/blog/laccessibilite-dans-les-jeux-video
- https://informations.handicap.fr/a-gamers-handicapes-jeux-video-encore-peu-accessibles-32657.php
- https://www.jeuxvideo.fr/dossier/419655-handicap-et-jeu-video-le-long-chantier-de-l-accessibilite
- https://www.redbull.com/fr-fr/theredbulletin/naskino-joueur-smash-bros-interview
- https://www.team-aaa.com/fr/actualite/le-handicap-dans-le-jeu-video-et-lesport_113188