Jeu vidéo et J-Music : pourquoi pas en France ?Transmédia

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Beaucoup voient les jeux vidéo comme un loisir se résumant à des titres violents et/ou sanguinolents dont le principe se résume juste à s’en foutre joyeusement plein la tronche. Pourtant, nombreux sont les jeux à avoir fait mentir ces gens et à avoir tenté de titiller notre fibre artistique. Jeux de rythme, de danse ou même karaoké, nous nous sommes tous au moins une fois essayés à ces titres qui font de la musique leur cheval de bataille. Aujourd’hui, je vais aller encore plus loin en vous parlant des liens qui unissent le jeu vidéo à un genre bien particulier, à savoir la J-Music…. Oh bah non, ne partez pas !…. Vous vous éclatez sur Just Dance, Singstar et Guitar Hero ? Alors vous allez voir que la J-Music aussi, ça peut être fun !

Un phénomène au pays du soleil levant…

Histoire d’être sûre qu’on parle bien de la même chose, faisons un rapide point sur le vocabulaire. « J-Music » est l’abréviation du terme « Japanese music », donc c’est l’ensemble de la musique japonaise. Quant aux idoles (dont on parlera un peu plus tard), ce sont de jeunes artistes très médiatisés, officiant seuls ou en groupe, à la fois chanteurs, acteurs, animateurs et modèles, sous contrat pour une durée limitée pendant quelques mois ou années. Ces artistes (souvent des filles) sont généralement associés à la pop japonaise. C’est bon, on est sur la même longueur d’onde, on peut rentrer dans le vif du sujet.

Puisque l’on parle de musique japonaise, quoi de plus logique que de commencer notre tour d’horizon par le Japon ? Berceau de l’arcade, le Japon a accueilli très tôt des jeux en lien avec le monde de la J-Music et celui des idoles.

Pas facile de combattre en mini jupette...

Pas facile de combattre en mini jupette…

En 1987 déjà, un jeu d’arcade vous permettait d’incarner Momo, une idole virtuelle vedette d’un tokusatsu live (sorte de série japonaise mêlée à quelques effets spéciaux) qui se passe sur la scène d’un lycée. La jeune fille peut se transformer en Wonder Momo et ainsi acquérir de nouvelles habilités au combat. Car oui, Wonder Momo n’est ni un jeu de rythme, ni un jeu de danse, mais bien un jeu de plates-formes réparti en seize niveaux. Très difficile et pas franchement bon, si ce titre a malgré tout su marquer quelques esprits c’est sans doute grâce au fan service et à ses allusions ambigües… La jeune fille passe en effet la moitié de son temps à essayer de cacher sa petite culotte aux yeux des spectateurs qui la regardent se battre et son nom lui-même peut prêter à confusion, puisque Momo est aussi le nom japonais de la pêche et, symboliquement, on sait à quoi nous fait penser ce fruit… À partir de là, le titre Wonder Momo prend un tout autre sens… Le jeu a par la suite été adapté sur PC Engine.

La jaquette d'époque de Tokimeki Highschool

La jaquette d’époque de Tokimeki Highschool

À la même époque, de futures pointures du jeu vidéo se sont elles aussi essayées à l’exercice. C’est en effet en 1987 que Nakayama Miho No Tokimeki High School voit le jour sur le Disk System de la Famicom, avec au design Hironobu Sakaguchi et à la musique Nobuo Uematsu… Ce jeu d’aventure visuel à textes vous met dans la peau d’un fan de l’idole japonaise Nakayama Miho (qui existe vraiment) et se pose en pionnier dans sa façon de supprimer le quatrième mur. Ainsi, durant votre aventure, des numéros de téléphone s’affichaient sur votre écran, vous invitant à décrocher votre combiné et à composer ces numéros pour de vrai (numéros surtaxés évidemment…). Vous entendiez alors des voix vous faire des confidences ou vous donner des indices pour la suite des évènements. Parmi ces voix se trouvait celle de l’idole en personne. Particulièrement novateur, ce jeu a crée un buzz considérable au Japon et a marqué bien des joueurs mais n’a jamais atteint nos latitudes.

Mais la J-Music s’est invitée dans bien d’autres jeux vidéo japonais et s’est illustrée dans des genres bien différents ! L’un des plus notables est le jeu de danse, permettant de se déhancher sur des titres japonais d’horizons divers. De la J-Music dans des Game centers japonais, quoi de plus normal me direz-vous ? Pourtant, il est à noter que l’arrivée de ces jeux de danse (Dance Dance Revolution en tête de ceux-là) à la fin des années 90 a permis de redonner du souffle à l’arcade japonaise qui était alors en perte de vitesse, et a renouvelé l’intérêt des jeunes japonais pour les jeux d’arcade dits « physiques ». Une preuve que la musique peut faire changer bien des choses…

Les nippons ont aussi eu droit à des jeux de réflexion et/ou de cartes, comme Idol Mahjong Final Romance 2, sorti en 1995 sur Neogeo, des jeux de rythme (Para Paradise ou encore Taiko no Tatsujin qui vous permet de jouer virtuellement du taiko, instrument traditionnel japonais, pour ne citer qu’eux), de drague (comme AKB1/48 sorti en octobre 2011 sur PSP, qui consistait à conquérir le coeur d’une idole japonaise) ou même encore de gestion. Le plus célèbre d’entre eux est sans doute The Idolmaster, qui débarque le 26 juillet 2005 dans les salles d’arcade japonaises et connaît un tel succès qu’il sera adapté le 25 juillet 2007 sur XboX 360. Ce titre, qui vous met dans la peau d’un manager d’idole qui doit mener sa petite protégée jusqu’au sommet de la gloire, aurait permis de faire augmenter de façon significative le nombre d’abonnements au Xbox Live japonais et, par la même occasion, aurait aidé la console de Microsoft à ne pas connaître un flop retentissant sur le sol japonais.

AKB 1/48 vous donne la possibilité de faire du gringue à une idole

AKB 1/48 vous donne la possibilité de faire du gringue à une idole

The Idolmaster a permis une très nette progression des abonnements au XBLA japonais

The Idolmaster a permis une très nette progression des abonnements au XBLA japonais

Même si beaucoup des titres cités ne sont pas allés au-delà des frontières nippones, ils ont contribué à promouvoir la J-Music en dehors de son pays natal. En effet, même s’ils ont pour base des classiques musicaux « maison », il n’est pas évident, quel que soit le pays, de voir cartonner des jeux ayant pour univers la musique. Et c’est pour ça qu’on est en droit de penser que la J-Music a peut-être ce petit quelque chose en plus que les autres n’ont pas, et qui lui permettra de s’installer durablement ailleurs que sur sa terre natale… 

…Qui pourrait bien déferler chez nous !

L’arrivée en France de jeux liés à l’univers de la J-Music est étroitement liée à l’état du marché de celle-ci sur notre territoire. Les éditeurs ne sont pas fous, ils ne prendront pas le risque de sortir chez nous un titre auquel le public n’a aucune chance d’accrocher. Pour comprendre dans ce cas pourquoi certains de ces jeux commencent à pointer le bout de leur nez chez nous, il faut repartir quelques années en arrière.

Les bornes d'écoute sont un bon moyen de s'initier en douceur à la J-Music

Les bornes d’écoute sont un bon moyen de s’initier en douceur à la J-Music

Nous sommes au début des années 2000, la J-Music est encore assez méconnue en France. Les Japonais étant un peu frileux de nature, ils n’osent pas envoyer leurs artistes se produire en dehors de leurs frontières, persuadés que leur style ne plaira pas à un public étranger. Ce sont donc quelques organisateurs français d’évènements qui vont chercher ces chanteurs pour les aider à monter sur les scènes parisiennes. L’intérêt naissant pour la culture nippone et le succès grandissant des mangas et de la Japanimation aidant, le jeune public commence à connaître et à apprécier la J-Music, et les groupes ne tardent pas à remplir des petites salles lors de leur venue en métropole. En 2008, la FNAC des Champs Elysées crée un rayon J-Music, les évènements et concerts d’artistes japonais se multiplient et des communautés se créent autour de ce nouveau phénomène. Il y a bien un public pour cette musique en France, il suffit de se promener dans les allées des salons, de faire un tour du côté des forums et de voir le monde que chaque concert fédère pour s’en rendre compte.

Dans ce cas de figure, pourquoi ne pas s’engouffrer dans la brèche en important des jeux tournant autour de cet univers ? Tout simplement parce qu’un problème peut encore se poser, à savoir l’avis des joueurs eux-mêmes. Les gamers ne sont pas réputés pour aimer le changement, il suffit de voir la réaction de certains d’entre eux lorsque sort le reboot d’une grosse licence ou qu’un jeu sortant des sentiers battus arrive sur le marché. Preuve qu’il faut réfléchir avant d’agir, Taiko No Tatsujin, jeu de rythme dont on a parlé un peu plus haut, a tenté une virée aux Etats-Unis sur PS2 en octobre 2004 avec Taiko Drum Master et n’est parvenu qu’à un échec cuisant. Pour essayer d’appâter un maximum de monde, les éditeurs doivent donc avancer prudemment et miser sur des valeurs fortes et des figures facilement identifiables, ou qui peuvent parler à tout un chacun en évitant ce qui pourrait être trop « japonisant » pour les joueurs occidentaux.

School Idol Festival est un mélange des genres idéal pour s'initier au style particulier de la J-Music

School Idol Festival est un mélange des genres idéal pour s’initier au style particulier de la J-Music

C’est pourquoi l’un des premiers jeux à exploiter le thème de la J-Music à débarquer en France ne sort pas sur console mais sur tablettes et mobiles et s’inspire d’un des genres les plus populaires : la J-Pop des idoles japonaises. Love Live ! School Idol Festival, puisque c’est de lui dont il s’agit, débarque entre avril et juin 2013 selon le support et ne tarde pas à se faire un nom. Jeu de rythme avec une dose de RPG sur fond d’illustrations 2D, SIF s’inspire du très populaire Puzzle & Dragons et vous met à la tête d’un groupe de neuf idoles que vous devez organiser. Vous l’aurez compris, en puisant dans plusieurs sources d’inspiration le titre ratisse large et veut séduire le plus de monde possible.

Autre méthode employée par Sega un peu plus tard dans l’année (en septembre 2013 exactement), faire d’une grande figure du vocaloïd (application de synthèse vocale) la représentante du jeu de rythme à la japonaise à l’étranger. C’est en effet avec Hatsune Miku (jeune fille virtuelle très populaire à l’univers coloré et acidulé) et le jeu Project Diva F que l’éditeur introduit en France un genre très peu connu, mais qui peut plaire à beaucoup de par ses influences et ses sonorités diverses. Sega manoeuvre tout de même prudemment, puisque le titre n’aura pas tout de suite l’honneur d’une sortie physique. L’introduction de la musique japonaise par le jeu de rythme est intelligente, puisque les jeux de rythme sont souvent faciles à prendre en main, ils sont conviviaux et les larges catalogues qu’ils offrent en règle générale permettent à tous de s’y retrouver.

Certains l’ont bien compris et tentent d’enfoncer (maladroitement) le clou en mêlant RPG et jeu de rythme, comme avec Hyperdimenson Neptunia : Producing Perfection, sorti en juin 2014 sur PS Vita. Dans ce dernier vous devez sauver le monde en faisant de l’idole dont vous êtes le manager une meilleure artiste que celles des autres territoires (bah oui, ça reste japonais quand même…) au rythme de ses répétitions, concerts et campagnes publicitaires, tout en usant et abusant de clichés sexistes. Le danger de ce genre de titres qui tirent un peu trop sur la corde du fan service au goût de certains est qu’ils sont à double tranchant. En général, on adore ou on déteste. Même si ces jeux peuvent faire fuir une partie des joueurs, ils ont le mérite d’exister et d’amener de l’inédit et de l’original dans le paysage vidéoludique.

Dans Hyperdimension Neptunia : PP, votre idole voit ses stats progresser à la façon d'un RPG

Dans Hyperdimension Neptunia : PP, votre idole voit ses stats progresser à la façon d’un RPG

Hatsune Miku est l'héroïne d'un jeu de rythme édité par Sega

Hatsune Miku est l’héroïne d’un jeu de rythme édité par Sega

Mais il n’y a pas que les jeux japonais pur jus qui peuvent promouvoir la culture de la J-Music en Occident. Certains titres semblant plus classiques se posent aussi en fer de lance et parviennent à nous happer sans même qu’on s’en rende compte. En effet, quoi de plus innocent qu’un karaoké ? En réalité, Wii Karaoké U n’est pas si innocent que ça, puisqu’il se présente comme un karaoké à la japonaise, élément à part entière de la culture du pays. Disponible uniquement en version dématérialisée, vous accédez à l’application grâce à des tickets qui vous donnent accès à des sessions de jeu plus ou moins longues selon le ticket choisi, comme un vrai karaoké nippon en somme. Cerise sur le gâteau, vous avez la possibilité de télécharger des chansons originales et ainsi de pousser la chansonnette au rythme des °C-ute, de Orange Range ou encore des Golden Bomber. Les chansons proposées sont variées et même les plus réticents aux japonaiseries devraient pouvoir se laisser convaincre avec plus ou moins de facilité.      

Ce n’est probablement que le début…

Si la J-Pop reste l’un des genres les plus populaires, il serait une erreur de penser que la J-Music ne se résume qu’à ça. Rock, metal, rap, electro, la J-Music est aussi variée que les jeux qu’elle a inspirés. Plates-formes, réflexion, gestion ou rythme, toutes les fantaisies sont permises, et même si l’univers reste singulier, avec un petit temps d’adaptation il n’est pas impossible qu’un jour chacun y trouve son bonheur. À mesure que les années passeront et que le jeune public se lassera de la J-Music, le Japon continuera à ouvrir ses frontières et de vrais passionnés s’y intéresseront à leur tour. Ce n’est peut-être pas pour demain, mais les titres en lien plus ou moins direct avec la J-Music seront de plus en plus présents dans les années à venir. On a pour preuve l’arrivée très récente sur le sol français de Project Diva F 2nd, suite de Project Diva F, avec une version boîte cette fois, et il faudra compter sur Omega Quintet au printemps 2015, un jeu de rôle/simulation d’idoles qui vous permettra grâce à la caméra Playstation 4 de vous projeter au sein même des performances des artistes. Alors, c’est fun la J-Music ou pas ? 

L'invasion de notre beau pays par les idoles japonaises ne fait peut-être que commencer...

L’invasion de notre beau pays par les idoles japonaises ne fait peut-être que commencer…