Family ComputerConsole de Nintendo, de 3ème génération

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FAMILY COMPUTER : UN PAS DE PLUS VERS LA DÉMOCRATISATION DU JEU VIDÉO


Avant de porter le nom de Familiy Computer, la célébrissime Famicom grande sœur de la NES occidentale a connu plusieurs appellations: GameCom, Young Computer, Home Video Computer…  Ce n’est que trois mois avant sa sortie que la décision finale a été arrêtée, un nom sur-mesure pour une machine disposée à devenir culte pour toute une génération mais pas seulement. Douée d’une ludothèque à l’époque sans équivalent, d’un hardware facile d’accès et d’un rapport qualité prix sans précédent, la Famicom de Nintendo arrive à point nommé dans un marché du jeu vidéo fragilisé pour révolutionner la conception même de la console de salon et sa démocratisation.

 

UN PARIS RISQUÉ

 

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Hiroshi Yamauchi et Masayuki Uemura

 

Le lancement de Nintendo dans le marché des consoles de salon grand public est un paris risqué. Dans les année 80, les géants américains Atari ont déjà pris de l’avance en proposant leurs machines avant que l’industrie ne s’écroule. Les Japonais boudent ces consoles venues d’Occident et se tournent également vers ce qui semble remplacer cette soi-disant mode des consoles de jeux : les micro-ordinateurs. Au sein de Nintendo, la société nippone spécialisée dans le jouet, Masayuki Uemura alors en tête de la division de Recherche et Développement 2 (R&D2) pour la conception de matériels est surpris et dubitatif quand le président de Nintendo Hiroshi Yamauchi décide de lancer son entreprise sur la voie des consoles de jeux. D’après le président, ce produit est l’avenir de la firme et le vide laissé par l’échec des Américains est l’opportunité idéale pour relancer l’industrie. Nintendo s’enquête alors de relever la difficile tâche de trouver un nouvel associé industriel pour la création d’un microprocesseur. C’est donc en 1981, dans un contexte des moins favorables avec des industriels non emballés et une équipe peu convaincue que le projet GameCom, future Family Computer, est entrepris.

 

NE GARDER QUE LE BON DE L’ARCADE

Donkey Kong sur borne d'arcade.

Donkey Kong sur borne d’arcade.

Yamauchi a la forte volonté de quitter l’arcade. Non pas que le marché en question ne soit pas rentable mais le président souhaite se défaire de cette image qui entache la réputation de la société. L’arcade est associée aux salles de jeux jugées comme étant des lieux de perdition et de mauvaises fréquentations. Nintendo est par tradition, très soucieuse de son image et du message qu’elle peut véhiculer. Dans le passé, l’alliance avec Disney pour les cartes de jeux d’argent avait été pensée en ce sens. L’autre mauvais côté de l’arcade, c’est le risque de copies des autres éditeurs, les licences n’étant pas assez protégées. C’était ainsi décidé pour Yamauchi, proposer d’apporter le jeu vidéo directement dans les foyers et à moindre prix, tout en garantissant pointe technologique et qualité arcade, ce qui n’était pas toujours le cas chez les précédentes consoles de salons. Avant de concevoir une machine différente de l’arcade, la section R&D2 a au départ tenté de reproduire exactement le succès de Donkey Kong sur une console avec un écran compatible grâce à la même carte mère. Mais celle-ci étant bien trop onéreuse, cette idée est rapidement abandonnée et même renversée. Les software sont finalement réalisés en fonction du hardware.

 

LES EXIGENCES DE YAMAUCHI

Xevious est un shoot them up développé par Nintendo.

Xevious est un shoot them up développé par Nintendo.

Le haut dirigeant de Nintendo a étudié de près le crash qui a secoué le secteur et il ne souhaite pas renouveler les mêmes erreurs. Pour éviter cela, il impose un modèle économique peu coûteux qui apparaît à ses employés et notamment Uemura comme tout bonnement impossible à tenir. La machine doit être produite en masse, une nouveauté puisque jusqu’à présent la production ne dépassait jamais 30.000 exemplaires. La console se veut aussi bon marché, voire à prix coûtant. Le but est que celle-ci soit achetée en grande quantité pour ensuite voir les bénéfices arriver grâce à l’acquisition des jeux. Pour les années 80, c’est un plan osé. Le paris est donc placé sur la ludothèque et pour ne pas se laisser envahir comme le fut les sociétés américaines comme Atari par des pâles copies ou des jeux originaux tout simplement mauvais, Nintendo limite le nombre d’éditeurs tiers. La légende veut que Nintendo ait un regard sur la qualité des jeux proposés par les éditeurs tiers, c’est en partie faux. Le constructeur n’a, légalement, pas le droit d’émettre un tel jugement. Il ne peut intervenir que si le jeu comporte de la violence ou des scènes de sexe par exemple. Cependant, en fermant la porte à un trop nombre d’éditeurs tiers, il effectue un contrôle indirect sur la qualité. C’est une première dans l’histoire du jeu vidéo. Les premiers heureux élus de ce cercle très confidentiel sont les éditeurs Namco, Konami, Hudson Soft, Jaleco, Taito et Capcom. Cette collaboration rapporte gros à Nintendo et lui permet d’avoir plus de temps en interne pour développer ses propres jeux comme le portage de Xevious.

 

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La qualité avant tout, Yamauchi fait renvoyer les premières versions commercialisées non stables pour ensuite les brader. Elles étaient trop fragiles notamment pour les enfants à cause des fils et ne convenaient pas à une production à la chaîne. Ce sont 500.000 machines dans les magasins qui font le voyage inverse direction Nintendo pour réparation. Cette exigence et réactivité de la part de la société lui aura valu une première bonne image du SAV.

 

LE CŒUR DE LA MACHINE

L'allié industriel de la Famicom.

L’allié industriel de la Famicom.

Nintendo ne souhaite pas entreprendre cette aventure avec son partenaire Sharp, œuvrant déjà pour les Game & Watch. Alors que les portes des industriels se ferment tour à tour, c’est la société Ricoh spécialiste de la photocopie puis des composants électroniques depuis 1981 qui prend les devants. Uemura rencontre alors dans leurs usines Hiromitsu Yagi un ancien partenaire de Mitsubishi Electronics pour la création de la Color TV Game. Au départ, Nintendo penche pour le microprocesseur de la Famicom vers le fameux Z80 alors présent dans l’arcade. Mais son alliance avec Ricoh l’oriente vers le 6502, le processeur central de l’Apple II alors méconnu des programmeurs de Nintendo. Ce dernier a tout pour plaire : il est petit, d’une licence d’exploitation quasi exclusive et fait, à son niveau, des miracles aussi bien dans la gestion de couleurs simultanées que dans les compositions sonores. Shûhei Katô, alors connaisseur de ce nouveau microprocesseur intervient dans l’équipe et fait figure de messie. Il permet au projet de dépasser les autres machines 8 bits de l’époque en incorporant 16 couleurs simultanées sur une palette de 52 couleurs.

Si les sons sont très simplistes, ils permettent cependant de créer des compositions harmonieuses. Nombreux sont les thèmes cultes qui ont été inventés sur la Famicom et repris plus tard en version symphonique.

 

UN DESIGN ET UNE MANETTE À PETIT BUDGET

Les choix du design de la console de jeu sont restés très secondaires, toujours dans cet optique de limiter le coût de fabrication et de vente. Les manettes sont directement implantées avec des fils courts et la couleur rouge s’explique par son bas prix. Des rumeurs racontent que le rouge proviendrait de la couleur de l’écharpe ou encore du paquet de tabac de Yamauchi. Seule liberté accordée, le bouton eject qui n’était pas indispensable mais qui a été intégré pour son côté amusant.

 

La manette joueur 2 est équipée d'un microphone.

La manette joueur 2 est équipée d’un microphone.

 

Le choix de la manette a également été pensé pour réduire les dépenses, mais pas seulement. Le joystick, pourtant jugé noble, se trouve être trop fragile et en non adéquation avec la culture japonaise. Les Japonais sont très souvent à même le sol, un joystick pourrait donc se révéler dangereux. La croix directionnelle provient elle de la division de Yokoi Gunpei et des ses Game & Watch. Ces choix sont difficiles à faire passer car jugés trop minimalistes. Cependant ils sont économiques et comme l’a prouvé l’histoire du jeu vidéo, la croix directionnelle reste un bon choix ergonomique puisqu’elle est toujours d’actualité même chez les concurrents. Nintendo a néanmoins prévu d’autres ports d’extension à 15 broches afin de permettre d’autres types de joypad comme le pistolet ZAPPER.

Afin de toucher un public plus large, la connectivité choisie est la prise universelle RF autrement dit l’antenne. Même si l’AV est la nouvelle norme, elle n’a pas encore pénétré tous les foyers. Finalement, le faible coût de production d’une console d’une telle qualité relève de l’exploit à cette époque. Les 10.000¥ ne sont pas atteints mais 15.000¥ satisfait Yamauchi.

 

L’IMPORTANCE DE LA COMMUNICATION

La commercialisation de la Family Computer a connu des débuts difficiles. Entre 1981 et 1983, son prix pourtant bas n’est pas attractif bien au contraire, cela apparaît même comme suspicieux. Par ailleurs, Atari refuse de commercialiser la console aux USA, fermant ainsi la porte à Nintendo dans sa conquête de l’Occident. Les ordinateurs nouvelle génération ont plus la côte car ils proposent plus que des jeux vidéo. Les jeux de lancement ne sont pas attractifs non plus, des portages de jeux arcades ayant déjà fait leur temps comme Donkey Kong ou Popeye.

Super Mario Bros., le jeu succès de la Famicom.

Super Mario Bros., le jeu succès de la Famicom.

Le flop des premières semaines découle également d’une communication très tardive qui arrive deux mois après la sortie de la machine. Fort heureusement pour la société, celle-ci se relève efficace. L’accent est mis sur le prix accessible permettant à l’information de circuler et de devenir virale. Sa facilité d’utilisation et la possibilité de jouer presque instantanément montre un avantage réel sur les micro-ordinateurs. La finesse graphique identique à l’arcade séduit également et c’est en 1983 que la Family Computer remonte la pente. Après le semi-échec de Conkichi, Mario arrive en nouvelle mascotte grâce au succès de Super Mario Bros. sur arcade porté très rapidement sur Famicom. Le jeu sur console est celui le plus vendu au Japon à hauteur de 6, 81 millions provocant ainsi une rupture de stock de la machine. L’image de Mario est reprise un peu partout dans le pays : il devient une icône du jeu vidéo. Nintendo rassure également la famille en éloignant les enfants des salles de jeux tout en leur garantissant le même plaisir de jeu à la maison. Les jeux éducatifs comme apprendre l’anglais avec Popeye ou encore les mathématiques avec Mario et Donkey Kong, ainsi que les jeux matures comme le mah-jong sont mis en avant dans les publicités à la télévision. Le message est clair : la console de jeux vidéo de Nintendo s’adresse à toute la famille.

Toute la famille réunie, autour de la Family Computer !

Slogan publicitaire pour la Family Computer

UN PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ

Le premier numéro du Family Computer Magazine.

Le premier numéro du Family Computer Magazine.

Famicom devient synonyme de console et des boutiques de jeux sont renommées en l’honneur de la machine. Des magazines spécialisés voient également le jour comme Beep!, Famimaga, Login, Family Computer Magazine etc. où les joueurs s’arrachent les solutions de jeux comme Lode Runner ou Xevious. C’est le début de la démocratisation des consoles de jeux familiaux et notamment, le suivi d’une marque en particulier et des jeux qu’elle propose. La Famicom devient populaire et initie aux côtés de Takahashi Meijin un road trip sur tout le territoire nippon avec des tournois de jeux vidéo dans des caravanes. L’impressionnante ludothèque ne cesse de se remplir atteignant au final 1211 jeux selon Nintendo, 1252 d’après les collectionneurs. Le nom de « Family Computer » est en parfaite adéquation avec le rôle et la nature de la console. Elle s’adresse en effet à toute la famille pour tout type de joueurs et de non joueurs. S’il ne s’agit pas d’un ordinateur au stricto sensu, elle reste tout aussi puissante au moment de sa création et surtout, il y a la possibilité de programmer. De plus, le terme « console » de jeu n’existait pas expliquant ainsi la dénomination de computer. Elle devient Famicom suite à son succès car les Japonais ont culturellement l’habitude d’abréger les choses qu’ils affectionnent, au plus grand malheur de Yamauchi qui juge cela de ridicule.

 

LONGUE VIE À LA FAMICOM !

Au départ, la Famicom était prévue pour une durée de trois ans selon le modèle des Game & Watch. Sa vie est cependant nettement prolongée jusqu’à maintenir aujourd’hui encore le record de longévité et ce pour plusieurs raisons.

A l'intérieur d'une cartouche Famicom.

A l’intérieur d’une cartouche Famicom.

L’ajout d’accessoires a multiplié les expériences des joueurs en variant les types de jeux comme le NES Zapper ou ROB. Nintendo a pensé à tout en incluant des mappers dans les cartouches et non dans la console pour en repousser les limites technologiques et ainsi garantir une plus grande prospérité à la mythique Famicom. Le VRC6 de Konami a par exemple permis de créer des canaux pour le son et augmenter les capacités de mémoire et les graphismes. Ces astuces intègrent en fin de vie de la console, un des premiers et efficace concept  d’écran splittés avec le MMC5 présent dans la cartouche du jeu Uchuu Keibitai SDF (1990).

Le très populaire Famicom Disk System.

Le très populaire Famicom Disk System.

Nintendo ne s’arrête pas là et propose un tout nouveau accessoire révolutionnaire pour sa machine : le Famicom Disk System. Sorti en février 1986 uniquement au Japon et pour seulement 15.000¥, il s’agit d’un adaptateur RAM se fixant sous le console. Alors que les ROM sont de 32 Ko maximum, le Disk System propose de lire des disquettes de 112 Ko et pour un prix très en deçà des traditionnelles cartouches. Le premier jeu bénéficiant de ses capacités est The Legend of Zelda se vendant à 1,69 millions d’exemplaires. L’aventure est décuplée et le son d’une qualité FM grâce à l’assistance sonore. En plus de donner la possibilité de sauvegarder, ces Quick Disk sont réinscriptibles sans limite sur Face A et Face B. Les jeux sont téléchargeables via une borne appelée Disk Writer pour seulement 500¥, soit l’équivalent de quatre euros environs… Du côté des joueurs, c’est un véritable bouleversement de leurs usages. Devenant ainsi le nouveau support de Nintendo, le Famicom Disk System écrase toute concurrence et prolonge encore la vie de la machine en sortant des titres phares, tels que Metroid, Kid Icarus ou encore Doki Doki Panic (Mario Bros. 2 occidental).

Game Boy Advance SP Fam Color.

Game Boy Advance SP Fam Color.

Ce n’est qu’en 2003 que Nintendo met un terme aux réparations et vente de matériel pour la machine. Cela a cependant un effet « Boom » au Japon, où de nombreux rachats ainsi que des hommages lui sont donnés. Le plus significatif est le concours Game Boy Advance SP Fam Color lancé cette même année. Il s’agit finalement d’une Famicom miniature avec une sélection de ses meilleurs jeux sur cartouche et remis au goût du jour.

 

UN NOUVEAU MODÈLE

La console de jeu n’est plus une simple machine de plaisir immédiat que l’on jette rapidement après consommation. Elle marque les esprits en proposant une ludothèque tant impressionnante pour sa quantité que sa qualité. C’est une nouvelle manière de voir le jeu vidéo, en famille et pour toutes les familles grâce à son prix défiant toute concurrence. La Famicom Sedaï (génération Famicom) est née et perdure dans le temps comme la marque d’un tournant dans l’Histoire du jeu vidéo.

Si pour le développement, un célèbre outil spécialement dédié a été conçu par Nintendo portant le nom de NCAP ou Nintendo Capture, les nouvelles permissions technologiques de la machine marquent aussi le passage des ingénieurs aux artistes. Avant, la conception d’une machine était exclusivement l’affaire d’informaticiens. Dorénavant, l’avis direct des artistes pour la musique, les couleurs et les graphismes est primordial et pris en compte. Par exemple, c’est Shigeru Miyamoto qui, pour réduire les capacités couleurs afin de baisser les coûts et optimiser l’espace dans la ROM, a sélectionné les palettes de couleurs pour la création de ses jeux.

Shigeru Miyamoto déploie ses talents avec la Famicom.

Shigeru Miyamoto déploie ses talents avec la Famicom.

La Famicom a également été une révélation de talents et de personnalités du jeu vidéo. Pour Uemura, c’est l’occasion après des mois de vide et d’hésitations de lancer un tout nouveau projet fortement soutenu par le président Yamauchi. C’est également une chance pour lui de ne plus rester dans l’ombre de Yokoi Gunpei responsable de l’autre section R&D. Par ailleurs, le papa des Game & Watch et du futur Game Boy est d’une grande aide pour le développement de la Family Computer que ce soit pour le conseil dans la conception des design ou de l’avancement technique. Mais celui qui se fait le plus remarquer, c’est sans nul doute Shigeru Miyamoto. Après des débuts timides au sein de la société, il créé avec son équipe et Koji Kondo de nouveaux univers riches en imagination et aventures avec des licences phares : The Legend of Zelda et Super Mario, des nouvelles mascottes de Nintendo et des figures emblématiques du jeu vidéo.

Avec la Famicom, le jeu vidéo fait encore un pas vers sa démocratisation en touchant un public toujours plus grand. Avec son moindre coût, elle offre un rapport qualité/prix très intéressant avec un large choix dans la ludothèque qui ravit à la fois toute la famille, les hardcore gamer et les non-joueurs. Les prouesses techniques et les nouvelles possibilités avec un démarquage entre artistes et informaticiens ont donné au monde jeu vidéoludique un tout nouveau modèle et un second souffle après l’échec des américains et d’Atari. Cette dernière société avait dans un premier temps fermé la porte à Nintendo pour la diffusion de la console dans le monde occidental, leur reprochant de faire double jeu avec Coleco et une certaine version de Donkey Kong. Cependant, en vue de son succès populaire et commercial, la firme japonaise réussi à vendre hors Japon une toute nouvelle version deux ans plus tard, la fameuse NES.