Kefka PalazzoClown fou dans Final Fantasy VI

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KEFKA PALAZZOcharismatique antagoniste


Principal antagoniste de Final Fantasy VI, Kefka Palazzo renverse le portrait type du méchant de la série. Réputé pour sa folie meurtrière et son insensibilité, le clown de l’empire est obsédé par la soif de pouvoir et la destruction de ce monde, par simple cruauté et plaisir de voir les autres souffrir.

VERS UN ANTAGONISTE D’UN NOUVEAU GENRE

Une illustration de Yoshitaka Amano présentant 12 des 14 personnages principaux.

Une illustration de Yoshitaka Amano présentant 12 des 14 personnages principaux.

Final Fantasy VI se démarque de ses prédécesseurs en délaissant la fantasy classique pour une ambiance orientée ère industrielle et steampunk, accompagnée de robots et autres inspirations venues de la science fiction. C’est aussi un univers romantique aux scènes rudes, bien plus marquantes que les précédents opus. Autre révolution dans la saga, il n’existe pas un héros mais 14 personnages avec pour chacun une histoire forte, des qualités et défauts qui leur sont propres. Avec un tel travail autour de l’atmosphère et des protagonistes, il fallait un antagoniste à la hauteur, tout aussi brillant que singulier et qui trancherait avec ceux qui l’ont précédé : Cefca Palazzo.

Le nom de Cefca, orthographié ainsi dans sa version originale, peut avoir plusieurs références. La première, à laquelle il est coutume de l’associer, est l’écrivain Franz Kafka. Ses histoires sombres où la folie et le désespoir règnent en maîtres ne sont pas sans rappeler l’état d’esprit du personnage. Le prénom trouve également son origine chez le psychologue allemand Kurt Koffka dont les travaux traitent principalement de la psychologie de la forme ou gestaltisme, qui d’ailleurs se retrouve dans le nom de l’empereur Gestahl, pour qui Kefka travaille. Quant à son nom, Palazzo, il peut être traduit de l’italien par “palais”, “palace” ou ou encore “château” exprimant ainsi son appartenance à un haut rang de l’Empire. Mais encore plus significatif, palasso signifie « clown » en catalan.

La mémorable première apparition de Kefka : cuisante !

La première apparition de Kefka : cuisante !

Pour sa création, le scénariste Yoshinori Kitase refuse la classique introduction du méchant apparaissant dans sa toute puissance dans un château fastueux. Il souhaite marquer sa différence avec une entrée de Kefka plutôt osée : la fameuse scène du sable dans les bottes. Un parti pris original qui présente l’ennemi principal non pas comme un être maléfique sombre doué d’un très grand pouvoir mais comme un bras droit de l’empereur dont le rire et l’attitude nous prouvent d’ores et déjà qu’il lui manque très certainement une case. Il délègue certaines tâches ingrates non sans humour et cruauté envers ses soldats qu’il ne manque pas de traiter par la suite d’idiots.

 

DU BANDIT AU CLOWN

Clyde et Baram

Clyde et Baram

Pour connaître le passé et la véritable identité de Kefka, la théorie la plus défendue demande d’accomplir les quêtes secondaires qui entourent le personnage mystérieux qu’est Shadow. Lorsque celui-ci rêve, il nous livre des scènes appartenant à sa jeunesse. L’histoire est celle de deux bandits, Clyde et Baram, un duo appelé également Shadow, qui découvrent une immense fortune. Alors qu’ils sont pourchassés par l’Empire pour leur nouveau gain, Baram est terrifié de ce qui pourrait advenir de lui et demande à Clyde de le tuer. Ce dernier refuse et se sépare de lui, trouve l’amour dans une petite ville et refait sa vie. Seulement, il est rongé par les remords et part, accompagné de son chien, à la recherche de son ancien acolyte. C’est à ce moment qu’il prend l’identité d’un mercenaire au sang-froid nommé Shadow. De son côté, Baram n’est pas tué mais sert, pour l’empereur Gestahl, de première expérience pilotée par le professeur Cid. Le but est d’en faire un chevalier Magitek en lui incluant le pouvoir puisé des espers, créatures naturellement douées de magie. Cette tentative ratée a malencontreusement détérioré physiquement et psychiquement Baram, faisant de lui un tout nouvel homme : Kefka.

Son visage est recouvert d’une peinture blanche tandis que du rouge entoure ses yeux et sa bouche. Son maquillage barbouillé est intensifié dans Dissidia, lui dessinant un large sourire, et le rapprochant d’un autre personnage de fiction : le Joker de l’univers Batman, un alter ego. Son costume porte des couleurs criardes, notamment dans les premières esquisses de l’artiste Yoshitaka Amano ainsi que dans ses apparitions plus tardives. Sa chevelure blonde est attachée et surmontée d’une plume. Il a cependant gardé de son ancienne vie son côté escroc car, s’il est vêtu tel un clown, l’habit ne fait pas le moine. Cette apparence festive et colorée est un subterfuge masquant le sadisme et les intentions de son porteur.

Esquisses et design de Kefka

Esquisses et design de Kefka

UN VRAI MÉCHANT

C'est vrai ça, quel serait l'intérêt ?

C’est vrai ça, quel serait l’intérêt ?

Kefka est, à juste titre, souvent catégorisé de « vrai méchant » au regard des autres ennemis principaux de la série. En effet, pas d’excuse ou de passé traumatisant qui viendrait expliquer ou amoindrir les horreurs dont il est l’auteur. Non, Kefka n’inspire aucune empathie. Il s’agit tout bonnement d’un être haineux doublé d’un sociopathe des plus cruels. Sa nouvelle place de bras droit de l’empereur lui confère la mission d’aider l’Empire à dominer le monde aux côtés d’une autre expérience : Celes. Si cette dernière a fini par choisir le côté de la résistance, faisant ainsi figure de repentie, Kefka lui surpasse les intentions de son créateur en voulant non pas simplement dominer le monde mais déchaîner son torrent de haine sur les habitants de la planète, quitte à la détruire. Il reste insensible au sort de l’humanité et n’a absolument pas de remords quant à ses actes criminels. Bien au contraire, il trouve un plaisir jouissif dans le malheur des autres. Il maltraite avec entrain les espers, desquels il usurpe les pouvoirs, et ce jusqu’à provoquer un génocide. Il n’hésite pas à manipuler Terra via un diadème, afin de vérifier ses capacités. Résultat : une cinquantaine de soldats de l’Empire se retrouvent grillés. Sans pitié, la scène la plus parlante est sans doute celle de l’empoisonnement du royaume de Doma, un acte qu’il savoure contre les directives de l’Empire, sacrifiant à la fois le peuple et ses soldats. Ces derniers ne sont pas les seuls à souffrir de ses pulsions destructrices. Il assassine également ses anciens alliés ; le général Léo et Gesthal. La lâcheté et les tours d’illusions répétitifs en font aussi un antagoniste qui n’a pas peur de perdre la face en prenant la fuite : adepte du complotisme et spécialiste des coups bas.

L’instauration artificielle de la magie n’étant pas encore maîtrisée, les séquelles sont irrévocables. Kefka est atteint de folie et endosse le rôle de clown fou de l’Empire, sans pour autant être un bouffon. Il excelle dans l’humour noir et s’amuse du mal qu’il répand, dans un rire hystérique désormais légendaire qui peut être entendu par ailleurs au Gold Saucer dans Final Fantasy VII ou encore dans Chrono Trigger. Son côté enfantin se remarque lors des premiers affrontements où il semble davantage jouer que combattre. Il traite par ailleurs Terra comme une poupée qui lui serait sienne. Son pouvoir grandissant au fil de l’aventure, sa folie croît elle aussi, atteignant un stade de colère à la fois maniaque et destructeur. Cela se confirme d’autant plus pendant la dernière bataille à laquelle se livre l’équipe contre Kefka. Le thème musical, Dancing Mad, (ci-contre) débute par de simples notes, les instruments venant petit à petit jusqu’à atteindre une certaine confusion. Une image progressive peignant un homme sombrant dans la pure folie.

L’ASCENSION DIVINE

L'apparence ultime du dieu Kefka.

L’apparence ultime du dieu Kefka.

Final Fantasy VI voit la terrible montée en puissance de Kefka, devenant un maître incontesté de la magie puis ni plus ni moins que le dieu de la magie. En cela, ses premières attaques restent basiques avant de devenir de redoutables sorts en fin de partie. Après avoir été poignardé par Celes, il exige des trois déesses de la magie qu’elles lui offrent leur pouvoirs. En brisant l’équilibre des trois statues, il libère une charge importante de magie, bouleversant ainsi le monde. Quand celui-ci s’écroule, une partie du peuple, effrayé et manipulé, voue un culte à Kefka. Les fanatiques et une armée de monstres protègent le nouveau dieu qui a pris place au sommet d’une tour simplement nommée « Tour de Kefka » . Cette dernière s’est fortifiée avec tous les détritus de l’ancien monde suite au basculement. C’est ici que la Lumière du Jugement trouve ses origines, un rayon capable de détruire une ville si elle s’oppose au dieu.

Le pilier à trois étages avant d'atteindre la dernière forme de Kefka.

Le pilier à trois étages avant d’atteindre la dernière forme de Kefka.

Il n’est pas étonnant de voir Kefka convoiter le statut de dieu. Mégalomane et narcissique, il ne cache pas sa propre admiration et n’a de cesse d’affirmer qu’il est surpuissant. Avant l’affrontement ultime, l’équipe de Terra doit terrasser un impressionnant pilier de statues à son effigie. Mi-mécanique, mi-organique, il incarne une manifestation divine liant la Terre des Hommes et le Ciel des dieux. Cela n’est pas sans rappeler l’Arbre Séphirothique de la Kabbale ou encore la Divine Comédie de Dante, où sont successivement représentés différents paliers : démon, purgatoire où les âmes attendent d’être jugées pour atteindre le paradis et enfin Lucifer ou Kefka sous forme d’ange burlesque. Dans sa phase finale, Kefka apparaît tel un ange de la Mort : sa peau violette, couleur de la mort au Japon, ses muscles déployés, ses six ailes dont quatre angéliques et deux plus proches de celles d’une chauve souris font leur effet sur un fond de nuages dorés accompagnés d’une lumière divine. La comparaison est tentante : la métamorphose de Kefka semble annoncer le prochain adversaire de la série, Sephiroth.

Kefka ou le défaitiste.

Kefka ou le défaitiste.

Pendant toute l’aventure, il traque Terra et les espers dans le but de bénéficier de leurs pouvoirs. Mais ce n’est qu’à la fin qu’il dévoile son véritable but. La simple acquisition de pouvoir et de domination n’est pas ce qu’il recherche. Il souhaite anéantir le monde et le priver de toute forme d’avenir et de vie quelle qu’elle soit, en devenant un dieu. Et c’est là que Kefka offre une nouvelle facette de son personnage : le nihilisme. La vie doit être détruite car elle n’a pas d’importance. Puisqu’elle est mortelle, celle-ci est vaine et sans but. Sa vision pessimiste est renforcée face aux motivations que défendent les héros : malgré tout ce qu’il a détruit, les hommes trouvent toujours des raisons pour survivre et reconstruire éternellement, comme l’espoir, l’amour ou encore l’amitié, autant de raisons qui lui donnent la nausée. Écœuré, il entreprend de détruire l’essence même de la vie, il veut créer un monde de “non-existence”. En atteignant le statut de dieu, il espère devenir immortel. Serait-ce par simple dépit envers le reste de l’humanité ou bien cela cache une crainte inconsciente mais universelle de l’Homme face à la mort inévitable ?

POSTÉRITÉ DU PERSONNAGE

Kefka dans Theatrhythm Final Fantasy.

Kefka dans Theatrhythm Final Fantasy.

Très populaire auprès des fans grâce à un épisode particulièrement adulé, souvent par opposition au célèbre septième opus, Kefka apparaît dans les jeux de combat Dissidia Final Fantasy et Dissidia 012 Final Fantasy comme ennemi jouable de l’équipe Chaos, mais aussi dans les deux titres Theatrhythm Final Fantasy. En dehors de la saga, il trouve sa place comme carte dans les jeux Dragon Quest and Final Fantasy in Itadaki Street Special et Lord of Vermillion II. Il fait aussi son apparition dans Puzzle & Dragons et voit son nom apposé à un donjon “Kefka Burial” dans The Elder Scrolls III : Morrowind.

Kefka se démarque des autres méchants de la série Final Fantasy par l’original paradoxe de son apparence comique et de ses intentions sadiques. Contrairement à d’autres ennemis plus classiques de l’Histoire du jeu vidéo, il n’est pas prisonnier d’un passé le torturant qui expliquerait sa cruauté et n’est pas surpuissant au début de l’aventure. Il est confronté à des obstacles et se doit de comploter pour arriver à ses fins. Sa folie ne l’empêche pas de réussir là où les autres ont l’habitude d’échouer : il devient Dieu.