Dark Souls : L’âme et la lameVoxel Libre

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Si la trilogie Dark Souls a su asseoir sa notoriété sans cesse grandissante depuis sa création, il est bon, alors que les versions remastérisées voient le jour, de faire taire les détracteurs guère avares de critiques dépréciatives à l’encontre de ce jeu en lui consacrant un éloge que je tenterai de rendre à la hauteur du travail accompli par From Software.

 

 

Quiconque tentera de débuter une partie ne saurait se rendre à l’évidence que le soufflet magistral que l’on reçoit en mourant après avoir égrené quelques minutes de jeu a tout pour décontenancer aussi bien un joueur aguerri qu’un adepte sporadique du gaming. Chaque infime subtilité créative peut se transformer en piège et tout s’assemble de façon cohérente pour laisser au joueur la possibilité de mourir d’une foule de manières différentes. Les concepteurs n’ont rien laissé au hasard, chaque combat, chaque exploration, chaque interaction est enrichissante et Dark Souls, loin d’être seulement l’allégorie du masochisme, tire sa puissance de la philosophie qu’il enseigne.

La difficulté qui fait médire à l’envi les joueurs les plus mauvais (à défaut de ne pas dire mauvais joueurs) peut être abordée de façon aussi bien croissante que décroissante. Celle-ci est certes exponentielle, voyant les boss qui se succéderont mettre votre patience à rude épreuve, néanmoins la faculté de Dark Souls à aborder la complexité peut se conférer à de la didactique. Le jeu peut vous sembler croître en difficulté, néanmoins il offre aux plus patients les clés à la maîtrise de son apprentissage, pouvant même paraître simple en fin de partie. Et s’il n’est guère pertinent d’avoir la plus grosse (armure ou épée) pour finir le jeu, les créateurs ont su offrir une myriade d’outils pour affûter son personnage et garantir son succès, quel que soit le choix de sa classe (si tenté que l’on en choisisse une).

 

Dans le gameplay de Dark Souls, tout est un enchevêtrement savamment orchestré de mécaniques et non pas de puissance. Les combats sont suffisamment réfléchis pour nuancer le choix de ses armes face à l’ennemi. Mais le plus magistral reste cette notion de distance, qui ne saurait sans rappeler plusieurs sports de combats comme l’escrime, et qui encourage le joueur à appréhender son environnement pour une meilleure technicité. La gestion de l’environnement dans Dark Souls est primordiale pour mieux anticiper les ennemis, très souvent extrêmement bien cachés.

La frustration que peut engendrer un jeu comme Dark Souls n’est guère productive puisque la faute n’incombe pas au jeu mais tout simplement à soi. Et s’il est bien plus facile comme beaucoup de geindre de façon intempestive sur des ennemis dont la lame peut blesser à travers un mur, il est bien plus dur de reconnaître que chaque bug du jeu peut également être exploité et bien sûr évité. En encourageant la progression de soi à mesure que l’on essuie des échecs, on peut observer la persévérance de celui qui n’aura de cesse de recommencer, face à celui pour qui le fait d’échouer n’aura pour seule justification que d’admonester un jeu « impossible », que beaucoup arrivent pourtant à finir.

En apprenant à perdre, en ne voyant pas en la mort un échec cuisant admonestant son égo, on en vient à goûter aux délices de l’abnégation qu’offre la portée réflexive de ce jeu qui apprend à appréhender le renoncement pour mieux évoluer : perdre des âmes dûment acquises avec une facilité déconcertante. Et les dépenser est encore plus délectable puisqu’elles en deviennent une denrée à chérir. Apprendre à faire de la pression constante une force, comme en témoigne l’absence de pause dans le jeu qui, outre le fait d’augmenter le réalisme du jeu, permet de polir sa pierre brute au contact d’ennemis aux armes aussi aiguisées que le sera votre regard face à la difficulté.

La finalité de cette trilogie est intérieure, car il n’est pas forcément utile de détenir le meilleur équipement mais plutôt d’avoir su maîtriser la multitude de facettes d’un jeu si ardu. Et si l’histoire ne s’impose pas au joueur comme un fil d’Ariane à suivre scrupuleusement, les indices qui parsèment la partie offrent la possibilité de traquer le scénario, pour mieux se délecter de ce qui ne nous est pas offert avec facilité. L’avancée est donc intrinsèque, puisqu’on peut finir le jeu sans en avoir compris la trame narrative qui se laisse malgré tout subtilement découvrir.

Et si un éloge (loin d’être funèbre malgré la place prépondérante de la mort dans Dark Souls) ne saura jamais déloger les a priori fallacieux et autres récriminations pinailleuses de bons nombres de joueurs prétendument assurés de la suffisance de leurs dires ; j’espère néanmoins qu’il aura su apporter sa pierre à l’édifice de l’admiration que vouent de nombreux utilisateurs à l’un des jeux les plus complexes de cette décennie.