Troll du Mois #06 : La Libre LigueTroll

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Troll du Mois #06
Troll du Mois #06

Jet de charisme win. Jet de sag fail.

Ils ont le beau rôle les jeux indés. De nos jours il est de bon ton de dire qu’un jeu indépendant vaut mieux qu’un jeu commercialement mieux installé. Il suffit de voir la façon dont la presse officielle a récupéré le phénomène: la plupart du temps les jeux indés sont mieux considérés. On invoque en première ligne une créativité accrue des développeurs grâce au fait qu’ils n’ont pas à supporter la pression de quelque méchant investisseur les obligeant à claquer une production grand public pour amortir leurs coûts devenus astronomiques. Ouais, faut bien payer les graphistes. Cette indépendance restera par ailleurs toujours effectivement plus grande comparée à celle d’une équipe qui reste liée à un grand groupe de dév’ (Suffit de voir le nombre de boites qui se disent indépendantes alors qu’elles n’en ont ni le statut financier ni le caractère).

Depuis l’avènement des plates-formes de téléchargement genre le PSN, XBLA, Ww ou Steam, le nombre de jeux indés a explosé, secouant leur éthique douteuse du « Par des joueurs pour des joueurs » au nez du consommateur potentiel. « Nous on est trop des créatifs, on a trop la faim dedans la bouche, on est vachement des barjots qui s’en foutent du fric, fuck l’industrie mainstream. » Résultat, les mainstream en question savent bien tirer leur épingle du jeu et récupèrent sans vergogne ces mannes potentielles. Ben oui c’est une autre tactique commerciale : le prix est abordable, mais multiplié par beaucoup, ça rapporte énormément. En plus, ce sont parfois les joueurs eux-mêmes qui financent le bousin à grand renfort de production participative, tu payes et tu payes mon gars. Ca me fait bien loler tout ça.

XboxIndé

C’est 60 le jeu officiel et 20 l’indé…

Once upon a time toussa…

Bonne question, est-ce que le jeu indépendant va sauver l’industrie du jeu vidéo de sa déchéance ? Je vais vous raconter une petite histoire pour vous expliquer la réponse.

Il était une fois donc, l’histoire d’un chevalier qu’on va nommer « Indé ». Ce dernier avait l’espoir de sauver le pays de Vidéolia. Il était équipé d’une épée en bois, d’une cotte de mailles pour laquelle il a dépensé tous ses PO et de deux potions de santé. En chemin il rencontre un mage qui sait pas jeter de boules de feu et un voleur spécialisé dans le loot de paysans. Ils arrivent dans un village. Ce dernier a été pillé par des orcs sodomites et toute la population à le cul en fleur, de plus, le dark-empire-technologique s’est installé et a promulgué la loi martiale. Ils s’y arrêtent, vont dans une auberge, commandent un thé au citron et racontent leurs exploits futurs. Ils tabassent deux-trois voleurs, passent de la pommade aux culs enflammés et au bout de trois mois à glander dans le secteur, le chevalier finit par ouvrir une échoppe de prêteur sur gage. Le mage se met à enseigner à la garde des nazis en place à lancer des boules de feu et le voleur pille les passants, qu’ils soient du dark-empire-technologique ou du village.

Le groupe aurait du raser la ville, ça aurait été moins ridicule. Non certes, le jeu indé’ est pourvu de bonnes idées et on peut supputer que ça donnera toujours moins de daubes horribles que les jeux commerciaux, c’est vers là faute de mieux que notre regard doit se tourner, mais le résultat est mitigé car le jeu est toujours fait par des développeurs de nos jours et consommé par des joueurs de nos jours. C’est une question de mentalité globale et pas seulement de façon de produire ou de distribuer : un nul sans fric et libre de ses mouvements reste malgré tout un nul. Certes, un concepteur pris dans des carcans limitants sera bridé mais au final la scène indé reste comme la scène mainstream : ce n’est pas le support qui fait le bon jeu mais la personne à l’origine du projet. Les jeux de Molyneux restent très créatifs malgré son appartenance aux grands groupes et comme pour les jeux indés, les défauts restent les mêmes : de bonnes idées mais pas assez exploitées, de la ruse vidéo-ludique, une originalité un peu plus poussée mais au final, pas de quoi faire quelque chose d’exceptionnel. Sans doute parce que ça manque de passion, de culture, d’un je-ne-sais-quoi qui pourrait rendre le secteur dynamique, peut-être aussi parce que rien n’est fait pour la gloire de le faire, l’indé comme l’émulation est devenu un business. Indé ou pas indé même combat : ce n’est qu’une manière comme une autre de draguer un public féru de pseudo contre-culture. On est une vraie génération de rebelles : c’est musique du monde, Ouya, New-age et caprices sur les forums du waibe.


Finalement, le jeu vidéo indépendant n’est pas de la créativité pure. J’ai trouvé bien plus d’idées, d’intelligence et d’innovations dans les très nombreux mods pour des jeux déjà existants. On sent d’ici la passion, l’explosivité parfois momentanée, les coups de génie, la coopération réelle entre des personnes d’horizons et de compétences différents. Dans l’univers des mods, chacun peut apporter son idée, des projets fusionnent, d’autres sont abandonnés, et d’autres abandonnés sont repris, on modifie le gameplay, les graphismes, le son, voire l’histoire, on crée des add-on officieux, des traductions et tout ça de manière utilitaire ou purement délirante. On peut même faire une totale conversion et parfois encore donner carrément naissance à un jeu à part entière.

Evidemment, il faut aussi trier, ça demande parfois une dose de compétence technique pour pouvoir faire fonctionner le tout mais ça permet aussi d’apprendre de son côté. Il y a une interaction puissante, une véritable émulation sociale, une gratuité absolue, un partage. Bref, il y a du réel. L’artisanat (le vrai) à l’aide d’un outil donné par des professionnels c’est comme la première épée forgée d’un débutant sous l’encadrement d’un bon forgeron. Cette première épée, elle a toujours plus d’âme. Et lorsqu’un groupe de ces gars là, encore sous l’influence de ce feu, encore avec cette naïveté d’enfant, cette motivation d’ado, cette compétence d’adulte et cette sagesse de vieillard, produit quelque chose, ça donne un résultat génial !

Yuyu

邪王炎殺黒龍波 ? Carrément…

Feline disrespect from behind !

Finalement, toute cette mentalité est significative de notre funeste destin. Que ce soit au niveau des entreprises ou au niveau de la personne individuelle, notre futur se profile selon le modèle de consommation hyper-capitaliste parce que nos échanges d’informations et de communications sont devenus mondialisés et que l’âme Humaine n’est pas prête pour ce modèle de société tout comme elle ne fut pas prête pour l’avènement de la science. Elle réclame mais n’a pas conscience des conséquences futures que ce mode de vie aura sur elle.
Un CDI ? C’est fini ! La flexibilité de l’emploi ? A fond ! La sédentarité ? C’pour les gays ! J’achète, je consomme, je jette, que ce soit l’Humain ou les biens culturels. C’est une boulimie terrible de la mentalité de l’Humain actuel qui est un décérébré congénital, perdu entre son esprit conditionné et ses désirs de plus en plus incontrôlables. Réagissant comme un drogué du loisir, il se lance dans un vortex à la force centripète exponentielle. C’est toute la mentalité d’internet 2.0. Dans le futur, c’en sera fini des grands groupes de développements, il n’y aura plus que des, non, « un » grand groupe d’édition et de distribution. Ce dernier pourra vendre, non, « louer » des biens culturels par le biais d’une plate-forme de téléchargement. Le hacking du code deviendra de plus en plus dur sur ces plates-formes et même si le motivé pourra toujours y parvenir, ce ne sera plus à la portée du lambda. On peut même envisager une licence globale, l’important c’est de donner son pognon, d’échanger de plus en plus vite.

Picollocool

Oh a double fucking !


Pour conclure notre petit troll estival, on peut dire que la belle époque de l’entre-deux est révolue, celle où on possédait l’impulsion économique et la créativité liée à la nouveauté du support, il suffit de se référer à l’article précédent pour voir de quelle époque je parle. Non ici ce n’est pas une renaissance de la créativité et un contre-pouvoir au capitalisme, c’est plutôt le soubresaut illusoire avant la chute finale : hyper capitalisme, appauvrissement des idées, dépossession de la vie. Que se passe-t-il lorsqu’un organisme distribue son énergie à tout va autour de lui, en petite quantité mais de façon constante ? Il fusionne avec son environnement. La négation de la virilité créative, la perte de l’identité même du jeu vidéo, voilà ce qui nous attend.