Void Bastards : interview de FarbsInterview

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INTERVIEW     FARBS : Développeurs et lead programme du jeu Void Bastards


A l’occasion de la sortie de Void Bastards, nous nous sommes entretenus rapidement avec « Farbs », l’un des développeurs et lead programmer sur le jeu. Vous pourrez trouver ci-dessous une version traduite de notre échange, et la version originale un peu plus bas.

Culture Games : Lors de l’annonce de votre jeu pendant l’X018, j’ai été instantanément séduit par le design des armes et des ennemis. Les sprites ont l’air de faire écho au premier Doom (un sprite en 2D pour chaque direction), mais le style cartoon utilisé ici est vraiment original. Y-a-t’il une source d’inspiration particulière pour la direction artistique du jeu ?

Farbs : Ça fait plaisir à entendre ! Quand nous avons commencé à travailler sur Void Bastards, nous n’étions que 3, et nous ne savions pas vraiment comment nous allions pouvoir réaliser entièrement un FPS ensemble. Ben est doué pour le dessin en 2D, et c’est un grand fan du moteur du jeu Outlaws, donc nous avons tout de suite pensé que nous devions faire quelque chose dans ce genre-là. Au fur et à mesure que les dessins conceptuels prenaient forme, ils avaient de plus en plus un style « fait main », et nous avons décidé d’emprunter cette voie et d’utiliser ce style dans le jeu. Cela nous a conduit à des choses géniales, comme les cutscenes animées au style « case de bande dessinée », la couverture de comic pour le menu principal, et les mots gigantesques qui symbolisent certains effets sonores pour montrer au joueur d’où proviennent les sons. En ce qui concerne les comics qui nous ont inspirés, nous avons commencé à travailler à partir de ceux de 2000AD sortis dans les années 90.

Outlaws

Au départ, le ton du jeu était plus grave et sans équivoque mais ce n’était pas vraiment représentatif de notre équipe, c’est donc devenu quelque chose de plus léger et amusant. Une des choses que j’ai vraiment appréciées sur ce projet a été d’essayer de rendre le rendu final du jeu aussi proche que possible des dessins conceptuels. Dès le début, Ben (le directeur artistique) dessinait des concepts étonnants, puis Dean (technical artist) et moi-même (lead programmer) les décomposions et essayions de trouver des moyens de recréer (dans le jeu) exactement ce qu’il avait dessiné, au pixel près. La plupart du temps, vous n’avez pas le temps pour cela sur un projet et vous vous retrouvez avec un jeu vidéo qui ressemble à un jeu vidéo, sans trop de lien avec les dessins conceptuels. C’était vraiment très amusant d’essayer de donner vie aux concepts eux-mêmes.

 

Puisque John Chey fait partie de l’équipe, il n’est pas étonnant que vous revendiquiez Bioshock et System Shock 2 comme des sources d’inspirations pour certains aspects du jeu. Quels sont selon vous les éléments inspirés par ces deux jeux ? Le comportement des ennemis rappelle celui des Chrosômes de Bioshock (leur apparence de mutants, le fait qu’ils soient toujours conscients et capables de parler, et leur agressivité envers le joueur sans raison particulière). L’inspiration de System Shock 2 semble plus facilement visible, avec l’aspect « exploration de vaisseaux spatiaux » de Void Bastards.

System Shock 2, une lointaine source d’inspiration

Selon moi, cela fonctionne ainsi : System Shock 2 était un projet dirigé par Jon Chey et Ken Levine. Jon a apporté les interactions systémiques, et Ken la construction et la narration du monde. La série Bioshock, présentée comme « successeur spirituel » de System Shock 2, était en grande partie le projet de Ken qui continuait ainsi à développer son travail sur la narration, alors que le gameplay systémique passait au second plan après chaque nouvel épisode. Void Bastards, c’est le successeur spirituel que Jon a dirigé, c’est donc un jeu qui mise tout sur les interactions systémiques, et une tentative visant à aller plus loin de ce côté-là que ce qu’il avait réalisé 20 ans plus tôt sur System Shock 2. En ce sens, avec System Shock 2 comme parent, on pourrait dire que Bioshock et Void Bastards font partie de la même fratrie.

 

Dans ce cas, serait-il juste de dire que Faster Than Light serait le second parent ? Ou est-ce que les aspects communs avec FTL sont venus naturellement pendant le développement du jeu, et ne sont en aucun cas liés à celui-ci ?

Nous décrivons nous-même le jeu comme un mix entre FTL et System Shock 2, parce que ça permet de faire comprendre rapidement le genre de choses que peut faire le joueur dans Void Bastards, mais FTL n’était pas une source d’inspiration directe pour le jeu. Au lieu de cela, nous avons dessiné sur un tableau blanc comment le joueur allait voyager dans notre monde, nous avons regardé le résultat et dit « Hmm, ça me rappelle quelque chose ».

 

Pouvez-vous décrire plus précisément les interactions systémiques dont vous parlez ?

La carte de secteur de FTL

Lorsqu’on parle d’interactions systémiques dans Void Bastards, on parle de la façon dont les différentes mécaniques de jeu s’affectent les unes les autres. Tout d’abord, laissez-moi rappeler que ce n’est pas un jeu scripté où vous marchez dans un couloir, et au moment où vous réalisez une certaine action, un monstre (placé à cet endroit précis au préalable par un level designer) bondit pour vous surprendre. Au lieu de cela, il s’agit d’un jeu où les monstres rôdent à la recherche d’un combat. Quand ils viennent vers vous, c’est parce que le bruit de vos pas était discernable dans une salle adjacente, et qu’un ennemi l’a entendu et a décidé de voir d’où il provenait.

Vous les entendez arriver, donc vous pouvez verrouiller la porte qui vous sépare pour les obliger à prendre un détour, et vous faire ainsi gagner du temps. Vous pouvez aussi attendre quelques secondes avant de vous faufiler dans un passage reliant les deux salles afin de les éviter. Vous pourriez encore placer une mine à l’endroit par où ils sont susceptibles de rentrer. Vous avez peut-être décidé de verrouiller la porte, mais vous aviez oublié qu’un robot de sécurité avait déjà été alerté. Le robot était déjà en chemin vers votre emplacement, a atteint le seuil et déverrouille la porte (c’est une chose que seuls les robots peuvent faire) et maintenant vous vous retrouvez face à tout le monde d’un coup ! C’est là que Void Bastards prend tout son sens. Ce n’est pas grâce à la propagation des bruits, ni aux décisions prises par les ennemis, ni aux portes qui peuvent être verrouillées, ou n’importe quel autre élément de gameplay. C’est quand ils sont imbriqués les uns dans les autres que ça devient intéressant.

Jon s’est rendu compte très rapidement dans ce projet que ce qui rendait System Shock 2 plaisant n’était pas un élément en particulier, mais la façon dont tout fonctionnait dans son ensemble. Il avait un terme pour cela : « Gestalt ».

 

Voilà une description qui me rappelle certaines de mes parties

Haha, oui, j’adore quand les gens racontent des choses qui leur sont arrivées dans leurs parties en disant « à cause de ». « C’est arrivé à cause de x, y et z ». (…) Nous n’avons jamais utilisé le terme « roguelike » en parlant du jeu. Les gens associent souvent ce terme avec « mort permanente », ou le fait de passer des millions d’heures à s’entraîner pour pouvoir terminer un jeu. Nous n’avons pas voulu que ce soit le cas pour Void Bastards. En revanche… maintenant qu’on arrive à y jouer de mieux en mieux, on a ajouté un mode de jeu avec une vie unique, et c’est ma façon préférée de jouer !

 

Bien que je comprenne pourquoi vous ne considérez pas le jeu comme étant un roguelike, ne le considérez-vous vous même pas comme un roguelite non plus ?

Le château de progression de Rogue Legacy

Lorsque nous avons commencé le développement (il y a 4 ans), je ne pense pas que les termes étaient si précis et clairs. Aujourd’hui, on peut dire que « roguelite » correspond bien au jeu. Au début, nous avons beaucoup parlé de Rogue Legacy et du nombre de fois où il fallait mourir pour continuer à progresser. Notre objectif était de créer un jeu comme ça. Vous pouvez toujours progresser si vous passer du temps dessus. (…) Nous sommes en train de travailler sur de nouvelles choses pour Void Bastards, mais nous ne sommes pas encore prêts à les révéler pour l’instant.

Je devrais mentionner qu’il y a un secret dans le jeu que nous n’avons ni montré ni mentionné pour l’instant. J’espère que les gens le trouveront bientôt. C’est vraiment cool.

 

Merci beaucoup à Farbs pour ses réponses et le temps qu’il a passé avec nous.

 

Pour ceux qui désirent lire la discussion en anglais :

CG : When I discovered your game during X018, I was really charmed by the design of the enemies and weapons. The sprites somehow reminded me of the first Doom (the multi-faced 2D sprites), but the cartoonish design seems really original. Is there a particular inspiration for the art in the game ?

That’s great to hear! When we first started thinking about Void Bastards there were only three of us, and we weren’t sure how we would be able to make an entire first person shooter between us. Ben is great at 2D art, and he’s a huge fan of the build engine game Outlaws, so immediately we thought we should do something like that. As the concept art progressed it started to look more and more hand-drawn, and we figured we should lean into it and use it more in the game. That led us to great stuff like animated comic panel cutscenes, a comic cover for our main menu, and giant sound effect words to show the player exactly where sounds originated from. As for which comics inspired us, we started by looking at 2000AD comics from the 90s and worked forward from there.

Originally the game was very serious and straight faced, but that’s not really who we are as a team so over time it became a bit more relaxed and fun. Something I’ve really enjoyed with this project is trying to make the final art look as close as possible to the concept art. Early on, Ben (art director) would draw amazing concepts, and then Dean (technical artist) and I (lead programmer) would tear it apart and try to find ways to recreate – within the game – exactly everything he’d done, pixel for pixel. Often you don’t get time for that on a project, and end up with a videogame that looks like a videogame with a mild resemblance to the concepts. It was a lot of fun trying to bring the concepts themselves to life.

 

Since John Chey is part of the team, it’s no wonder you say Bioshock and System Shock 2 are an inspiration for some aspects of the game. What do you think exactly are the parts you felt were inspired by these two games ? The enemies’ behaviour have this « Bioshock Splicers » style (the fact that they look like mutated humans, that they can still talk, and are aggressive towards the player for no particular reason). The System Shock 2 inspiration seems more straight-forward, with the « spaceships exploration » aspect of the game.

In my mind it works like this: System Shock 2 was a project led by Jon Chey and Ken Levine. Jon brought the systemic interactions, and Ken brought the world building and narrative. The Bioshock series, billed as « spiritual successors » to System Shock 2, were largely Ken’s projects and continued to forge ahead in their narrative work, with the systemic gameplay moving into the background as the series went on. Void Bastards is Jon’s turn at making a spiritual successor, so it’s primarily a game about rich systemic interactions, and an attempt to push further ahead on that front than where he left it 20 years ago on System Shock 2. In that sense, with Shock 2 as a parent, you might say Bioshock and Void Bastards are siblings.

 

Then, would it be fair to say that FTL would be the second parent ? Or perhaps did the common aspects with FTL come naturally through the development of the game, and were not at all linked to this game ?

We describe the game as FTL meets System Shock 2 because that quickly communicates what sorts of things the player will do, but FTL really wasn’t a direct inspiration for the game. Rather, we drew up on a whiteboard how the player would travel around the overworld, looked at it, and thought « Huh, that looks familiar ».

 

Could you please elaborate on the « systemic interactions » ?

When we talk about systemic interactions in Void Bastards what we mean is the way the different mechanics of the game affect each other. First though let me backtrack and explain that this isn’t a scripted game where you walk down a corridor, then when you enter a hidden trigger volume a monster (who was placed specifically there by a level designer) leaps out to frighten you. Instead, this is a game where the monsters prowl about looking for a fight. When they run at you it isn’t because the game has decided it’s time for some combat, it’s because the sound of your footsteps has travelled through a crawlspace to the room on the other side, where an monster has heard you and decided to investigate.

You’ve heard them coming your way, so now you could lock the door between the rooms to make them walk further around, thus buying you more time. Or you could wait a few seconds and then use the crawlspace to avoid them completely. Or you could lay a mine where you expect them to enter the room. Perhaps you chose to lock the door. But you forgot that you had already alerted a security bot. The security bot also thinks you’re in the room, reaches the door, and unlocks it (because that’s something security bots can do), and now they’re both in your face! That’s where Void Bastards really shines. It isn’t that we have audio propagation, or decision-making monsters, or doors that lock, or any one single system. It’s when they begin to mess with each other that it all comes together.

Jon realised this early on in the project, that what made System Shock 2 fun wasn’t any one of the things it did, it was the way all the things it did worked together. « Gestalt », he called it.

 

This seems like a pretty accurate depiction of some of my playthroughs

Haha, yes, I love when people tell stories of what happened in their playthroughs using the word « because ». This happened because x, y, and z. We’ve never used the word « roguelike » when talking about the game. Often people assume that means permadeath and either spending a million hours getting good at the game or never completing it. We deliberately designed Void Bastards to not be like that. However… now that we are good at it we’ve added an unlockable single-life mode, which is now my favourite way to play!

 

Although I see why the game is not a roguelike, do you also not consider it a roguelite at all ?

When we started development (4 years ago) I don’t think the terms were so well established. Perhaps roguelite is a good descriptor now. Early on we talked a lot about Rogue Legacy, and how you died a lot but you also kept moving forward. Our goal was to create a game that felt like that. You can put some time in and make some progress. We are working on some new things for Void Bastards, but we’re not ready to reveal them yet.

I should mention there’s also a thing in the game we haven’t shown anywhere or told anyone about. I hope people find it soon. It’s pretty cool.